En images : L'acteur Michel Bouquet nous a quittés
Monstre sacré•Retour en images sur la carrière de ce monstre sacré de l'art dramatiqueOlivier Juszczak
Michel Bouquet, monument du théâtre français connu pour avoir joué pas moins de 800 fois Le roi se meurt d'Ionesco et acteur sur grand écran chez Chabrol et Truffaut, est décédé mercredi à l'âge de 96 ans. Sa silhouette plutôt ronde, son style discret et sa voix grave, contredite par une certaine espièglerie du regard, lui offrait une large palette de rôles. Un géant de la scène, légendaire dans L'Avare et Le roi se meurt, qui quelques années plus tôt espérait « ne jamais s'arrêter de jouer ». Sur le grand écran, il a été un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans Le Promeneur du Champ-de-Mars de Robert Guédiguian (2004). Retour sur la carrière de ce monstre sacré de l'art dramatique, en images.
Réalisation : Olivier JUSZCZAK
Né le 6 novembre 1925 à Paris, fils d'un officier qu'il a peu connu car devenu prisonnier de guerre, Michel Bouquet est envoyé avec ses frères en pension, une expérience qui le « terrorise ». Michel Bouquet doit son goût du spectacle à sa mère qui l'emmène régulièrement à l'Opéra Comique.
Tour à tour apprenti pâtissier, mécanicien dentiste, manutentionnaire durant sa jeunesse, il se rend un jour chez Maurice Escande, sociétaire de la Comédie-Française, qui lui propose de suivre ses cours. Intégrant le Conservatoire en même temps que Gérard Philipe, il monte sur les planches en 1944, devient vite compagnon de Jean Anouilh puis de Jean Vilar au TNP (Théâtre national populaire) et au Festival d'Avignon.
Il marque le théâtre de l'après-guerre en faisant connaître en France l'œuvre de Harold Pinter et en se mettant au service de grands textes classiques (Molière, Diderot ou Strindberg) et contemporains (Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Albert Camus ou Thomas Bernhard).
A partir de 1947, on le retrouve aussi au générique de nombreux films mais il doit attendre les années 1960 pour atteindre la notoriété. Ici dans Pattes Blanches (1949) de Jean Gremillon.
«A chaque fois que le rideau se levait, il n'y avait plus l'horreur de la guerre, il n'y avait plus les Allemands autour (...), le monde irréel dépassait de très loin le monde réel. Ça a été le meilleur enseignement de ma vie », confiait-il en 2019.
Un autre monstre sacré, Alain Delon, a déclaré aujourd'hui : « Je suis profondément triste. Michel Bouquet était un très grand acteur. Nous avons tourné plusieurs films dont Deux hommes dans la ville et Borsalino. La seule chose qui me reste, ce sont de grands et beaux souvenirs. »
Michel Bouquet est un magistral Javert dans Les Misérables de Robert Hossein (1982). Sa voix neutre et posée, son goût pour l’ambiguïté feront aussi merveille dans les films de Claude Chabrol.
Prolifique, souvent énigmatique et troublant, le comédien reçoit de très nombreuses récompenses durant sa carrière.
Au théâtre, il décroche deux fois le Molière du meilleur comédien pour Côtelettes de Bertrand Blier en 1998, et en 2005 pour Le roi se meurt d'Ionesco.
Il reçoit le César du meilleur acteur une première fois, en 2002, pour le film d'Anne Fontaine Comment j'ai tué mon père.
En 2006, il est un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans Le Promeneur du Champ-de-Mars de Robert Guédiguian (2004), avec un mimétisme qui trouble jusqu'aux proches de l'ancien président. Une interprétion qui lui vaut un deuxième César du meilleur acteur.
Incarnant le peintre Auguste Renoir dans un film de Gilles Bourdos (2013), il affirme que c'est son rôle le plus touchant.
La jeune actrice Christa Theret lui donne la réplique dans Renoir, présenté au Festival de Cannes, en 2012, dans la sélection Un Certain Regard.
Pour lui l'acteur n'était qu' « au service » de l'auteur. « Le texte, il n'y a que le texte. Tout vient de l'auteur. L'acteur n'est là que pour prendre la main du spectateur et lui faire serrer le coeur de l'auteur », disait-il.
Il triomphe sur scène avec Le roi se meurt, qu'il joue dès 1994 puis quasiment en continu de 2004 à 2014, avec son épouse Juliette Carré, formidable reine Marguerite.
En 2017, il reçoit les insignes de grand officier de la Légion d'honneur des mains du président François Hollande.
«Son intensité, sa passion pour les textes et les nuances infinies de son jeu ont fait de Michel Bouquet un acteur adoré des spectateurs, comme des artistes qui ont eu le bonheur de travailler avec lui », a estimé aujourd'hui la ministre de la Culture Roselyne Bachelot sur Twitter.
Jouer était une nécessité intime plus qu'un plaisir. « C'est une angoisse affreuse », disait-il. « Mais c'est intéressant. Pour vivre quelque chose que l'on ne vivrait pas autrement. On ne risque rien, rien, sauf de se casser la figure. »