Monstre sacréL'acteur Michel Bouquet nous a quittés

En images : L'acteur Michel Bouquet nous a quittés

Monstre sacréRetour en images sur la carrière de ce monstre sacré de l'art dramatique
Le comédien Michel Bouquet, à Paris, le 10 octobre 1994.
Le comédien Michel Bouquet, à Paris, le 10 octobre 1994. - MATTON YANN/SIPA
Olivier Juszczak

Olivier Juszczak

Michel Bouquet, monument du théâtre français connu pour avoir joué pas moins de 800 fois Le roi se meurt d'Ionesco et acteur sur grand écran chez Chabrol et Truffaut, est décédé mercredi à l'âge de 96 ans. Sa silhouette plutôt ronde, son style discret et sa voix grave, contredite par une certaine espièglerie du regard, lui offrait une large palette de rôles. Un géant de la scène, légendaire dans L'Avare et Le roi se meurt, qui quelques années plus tôt espérait « ne jamais s'arrêter de jouer ». Sur le grand écran, il a été un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans Le Promeneur du Champ-de-Mars de Robert Guédiguian (2004). Retour sur la carrière de ce monstre sacré de l'art dramatique, en images.


Réalisation : Olivier JUSZCZAK

Michel Bouquet et Antoine Fleury élèves du concours du Conservatoire National d'Art Dramatique, à Paris, en 1945.
Michel Bouquet et Antoine Fleury élèves du concours du Conservatoire National d'Art Dramatique, à Paris, en 1945. - LIDO SERGE/SIPA / SIPA

Né le 6 novembre 1925 à Paris, fils d'un officier qu'il a peu connu car devenu prisonnier de guerre, Michel Bouquet est envoyé avec ses frères en pension, une expérience qui le « terrorise ». Michel Bouquet doit son goût du spectacle à sa mère qui l'emmène régulièrement à l'Opéra Comique.

Les comédiens Jean Vilar et Michel Bouquet au Théâtre de l'Atelier pour la pièce de Jean Anouilh « Romeo et Jeannette », à Paris, en 1946.
Les comédiens Jean Vilar et Michel Bouquet au Théâtre de l'Atelier pour la pièce de Jean Anouilh « Romeo et Jeannette », à Paris, en 1946. - SERGE LIDO/SIPA / SIPA

Tour à tour apprenti pâtissier, mécanicien dentiste, manutentionnaire durant sa jeunesse, il se rend un jour chez Maurice Escande, sociétaire de la Comédie-Française, qui lui propose de suivre ses cours. Intégrant le Conservatoire en même temps que Gérard Philipe, il monte sur les planches en 1944, devient vite compagnon de Jean Anouilh puis de Jean Vilar au TNP (Théâtre national populaire) et au Festival d'Avignon.

Le comédien Michel Bouquet dans « Le Revizor » de Nicolas Gogol, adaptation et production d'André Barsacq, au Théâtre de l'Atelier, à Paris, en novembre 1948.
Le comédien Michel Bouquet dans « Le Revizor » de Nicolas Gogol, adaptation et production d'André Barsacq, au Théâtre de l'Atelier, à Paris, en novembre 1948. - SERGE LIDO/SIPA / SIPA

Il marque le théâtre de l'après-guerre en faisant connaître en France l'œuvre de Harold Pinter et en se mettant au service de grands textes classiques (Molière, Diderot ou Strindberg) et contemporains (Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Albert Camus ou Thomas Bernhard).

Michel Bouquet dans le film « Pattes Blanches » (1949) de Jean Gremillon.
Michel Bouquet dans le film « Pattes Blanches » (1949) de Jean Gremillon. - MARY EVANS PICTURE/SIPA / SIPA

A partir de 1947, on le retrouve aussi au générique de nombreux films mais il doit attendre les années 1960 pour atteindre la notoriété. Ici dans Pattes Blanches (1949) de Jean Gremillon.

L'acteur français Michel Bouquet se produit dans la pièce « Pauvre Bitos » écrite par Jean Anouilh, le 13 octobre 1956, à Paris.
L'acteur français Michel Bouquet se produit dans la pièce « Pauvre Bitos » écrite par Jean Anouilh, le 13 octobre 1956, à Paris. - AFP / AFP

«A chaque fois que le rideau se levait, il n'y avait plus l'horreur de la guerre, il n'y avait plus les Allemands autour (...), le monde irréel dépassait de très loin le monde réel. Ça a été le meilleur enseignement de ma vie », confiait-il en 2019.

Alain Delon, Michel Bouquet et Jean-Paul Belmondo dans « Borsalino » (1970) de Jacques Deray.
Alain Delon, Michel Bouquet et Jean-Paul Belmondo dans « Borsalino » (1970) de Jacques Deray. - NANA PRODUCTIONS/SIPA / SIPA

Un autre monstre sacré, Alain Delon, a déclaré aujourd'hui : « Je suis profondément triste. Michel Bouquet était un très grand acteur. Nous avons tourné plusieurs films dont Deux hommes dans la ville et Borsalino. La seule chose qui me reste, ce sont de grands et beaux souvenirs. »

Le comédien Michel Bouquet (gauche) discute avec le réalisateur Robert Hossein, le 29 mars 1982 à Paris, lors du tournage du film « Les Misérables » réalisé pour la télévision.
Le comédien Michel Bouquet (gauche) discute avec le réalisateur Robert Hossein, le 29 mars 1982 à Paris, lors du tournage du film « Les Misérables » réalisé pour la télévision. -  PHILIPPE WOJAZER/AFP / AFP

Michel Bouquet est un magistral Javert dans Les Misérables de Robert Hossein (1982). Sa voix neutre et posée, son goût pour l’ambiguïté feront aussi merveille dans les films de Claude Chabrol.

Le comédien Michel Bouquet, à Paris, le 10 octobre 1994.
Le comédien Michel Bouquet, à Paris, le 10 octobre 1994. - MATTON YANN/SIPA / SIPA

Prolifique, souvent énigmatique et troublant, le comédien reçoit de très nombreuses récompenses durant sa carrière.

Michel Bouquet reçoit le Molière du meilleur comédien pour son interprétation des « Côtelettes » de Bertrand Blier, le 6 avril au théâtre des Champs-Elysées à Paris, en 1998.
Michel Bouquet reçoit le Molière du meilleur comédien pour son interprétation des « Côtelettes » de Bertrand Blier, le 6 avril au théâtre des Champs-Elysées à Paris, en 1998.  - THOMAS COEX/AFP / AFP

Au théâtre, il décroche deux fois le Molière du meilleur comédien pour Côtelettes de Bertrand Blier en 1998, et en 2005 pour Le roi se meurt d'Ionesco.

Michel Bouquet et Charles Berling dans le film d'Anne Fontaine « Comment j'ai tué mon père » (2001).
Michel Bouquet et Charles Berling dans le film d'Anne Fontaine « Comment j'ai tué mon père » (2001). - PATHE / Allociné

Il reçoit le César du meilleur acteur une première fois, en 2002, pour le film d'Anne Fontaine Comment j'ai tué mon père.

Jalil Lespert et Michel Bouquet dans « Le Promeneur du Champ-de-Mars » de Robert Guédiguian (2005).
Jalil Lespert et Michel Bouquet dans « Le Promeneur du Champ-de-Mars » de Robert Guédiguian (2005). - REX FEATURES/SIPA / SIPA

En 2006, il est un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans Le Promeneur du Champ-de-Mars de Robert Guédiguian (2004), avec un mimétisme qui trouble jusqu'aux proches de l'ancien président. Une interprétion qui lui vaut un deuxième César du meilleur acteur.

Michel Bouquet dans « Renoir » de Gilles Bourdos.
Michel Bouquet dans « Renoir » de Gilles Bourdos. - MARS DISTRIBUTION / Allociné

Incarnant le peintre Auguste Renoir dans un film de Gilles Bourdos (2013), il affirme que c'est son rôle le plus touchant.

Les acteurs français Michel Bouquet et Christa Theret posent lors du photocall de « Renoir » présenté dans la sélection Un Certain Regard au 65ème festival de Cannes, le 26 mai 2012, à Cannes.
Les acteurs français Michel Bouquet et Christa Theret posent lors du photocall de « Renoir » présenté dans la sélection Un Certain Regard au 65ème festival de Cannes, le 26 mai 2012, à Cannes. - ALBERTO PIZZOLI/AFP / SIPA

La jeune actrice Christa Theret lui donne la réplique dans Renoir, présenté au Festival de Cannes, en 2012, dans la sélection Un Certain Regard.

Michel Bouquet pose avec les photographes lors du photocall de « Renoir » au Festival de Cannes, le 26 mai 2012.
Michel Bouquet pose avec les photographes lors du photocall de « Renoir » au Festival de Cannes, le 26 mai 2012. - NIVIERE/SIPA / SIPA

Pour lui l'acteur n'était qu' « au service » de l'auteur. « Le texte, il n'y a que le texte. Tout vient de l'auteur. L'acteur n'est là que pour prendre la main du spectateur et lui faire serrer le coeur de l'auteur », disait-il.

Michel Bouquet et Juliette Carre au filage de la pièce « Le roi se meurt », au théâtre des Nouveautés, une pièce de Eugene Ionesco, le 5 septembre 2012, à Paris.
Michel Bouquet et Juliette Carre au filage de la pièce « Le roi se meurt », au théâtre des Nouveautés, une pièce de Eugene Ionesco, le 5 septembre 2012, à Paris.  - DELALANDE RAYMOND/SIPA / SIPA

Il triomphe sur scène avec Le roi se meurt, qu'il joue dès 1994 puis quasiment en continu de 2004 à 2014, avec son épouse Juliette Carré, formidable reine Marguerite.

Le vendredi 17 mars 2017, le président François Hollande remet les insignes de grand officier de la Légion d'honneur à Michel Bouquet, âgé de 91 ans, entouré de sa famille et de ses amis, à l'Elysée, à Paris.
Le vendredi 17 mars 2017, le président François Hollande remet les insignes de grand officier de la Légion d'honneur à Michel Bouquet, âgé de 91 ans, entouré de sa famille et de ses amis, à l'Elysée, à Paris. - ISA HARSIN/SIPA / SIPA

En 2017, il reçoit les insignes de grand officier de la Légion d'honneur des mains du président François Hollande.

Michel Bouquet, Margaux Van Den Plas, Francis Lombrail dans la Piece « A Tort et a Raison » au Théâtre Anthea d'Antibes, le 5 décembre 2015.
Michel Bouquet, Margaux Van Den Plas, Francis Lombrail dans la Piece « A Tort et a Raison » au Théâtre Anthea d'Antibes, le 5 décembre 2015. - SYSPEO/SIPA / SIPA

«Son intensité, sa passion pour les textes et les nuances infinies de son jeu ont fait de Michel Bouquet un acteur adoré des spectateurs, comme des artistes qui ont eu le bonheur de travailler avec lui », a estimé aujourd'hui la ministre de la Culture Roselyne Bachelot sur Twitter.

Michel Bouquet et sa femme Juliette Carre, le 19 novembre 2018.
Michel Bouquet et sa femme Juliette Carre, le 19 novembre 2018.  - BENAROCH/SIPA / SIPA

Jouer était une nécessité intime plus qu'un plaisir. « C'est une angoisse affreuse », disait-il. « Mais c'est intéressant. Pour vivre quelque chose que l'on ne vivrait pas autrement. On ne risque rien, rien, sauf de se casser la figure. »