En images : Patrick Chauvel, photographe de guerre pour la liberté de la presse avec RSF
PHOTOJOURNALISME•Cinquante ans de carrière pour 34 conflits couverts dans le monde
Olivier Juszczak
Le photographe de guerre Patrick Chauvel est au centre du 69e album de l’ONG Reporters sans frontières qui sort ce jeudi 3 mars en kiosques et en librairies. Pour le 30e anniversaire de la collection « 100 photos pour la liberté de la presse », RSF consacre son ouvrage au légendaire photojournaliste qui avait fait la couverture du premier numéro, en 1992, avec une photo de lui blessé lors de la guerre du Cambodge en 1974. Ce nouveau portfolio de RSF est également le premier livre de photo du photographe français qui a « shooter » 34 guerres en cinquante ans de carrière. A bientôt 73 ans, le photographe français couvre actuellement la guerre en Ukraine, comme il l'a fait auparavant pour d'innombrables conflits armés partout sur la planète. Du Vietnam, en passant par l’Irlande, la guerre en Tchétchénie, jusqu’à la Syrie et l’Afghanistan, voici un aperçu du métier de photographe de guerre. Comme toujours, 30 % des bénéfices de ces albums seront reversés à l’association, afin qu’elle poursuive son combat pour la liberté de la presse.
Réalisation : Olivier JUSZCZAK
Né en 1949, à Paris, d'un couple de résistants de la Seconde Guerre mondiale, Patrick Chauvel a démarré précocement sa carrière, inspiré par les récits de son père journaliste, de son oncle, le cinéaste Pierre Schoendoerffer, et de leur ami, l'écrivain Joseph Kessel.
Il y 30 ans, Reporters sans frontières publiait le premier numéro de sa collection « 100 photos pour la liberté de la presse ». Sur la couverture, on pouvait voir un jeune photographe de guerre, grièvement blessé au Cambodge lors d’un reportage. C'était Patrick Chauvel.
A 17 ans, Patrick Chavel part en Israël photographier la guerre des Six Jours. A son retour, il réalise que la plupart de ses images sont ratées. L'année suivante, en 1968, il s'embarque pour le Vietnam où il réussit à accompagner des patrouilles de reconnaissance américaines. Associated Press et Reuters achètent ses premières photos.
En 1970, l’agence Sipa l’engage. Il couvre alors le conflit en Irlande du Nord, la guerre d’indépendance au Mozambique.
Il continue de se rendre au Vietnam et au Cambodge, où la guerre contre les Khmers rouges fait rage. En 1974, blessé par un obus de mortier lors d’un assaut près de Phnom Penh, il est contraint de revenir en France. Il aura sept blessures graves au long de ses cinquante ans de carrière.
En 1975, il entre à l’agence Sygma. Il photographie les guerres d’indépendance en Érythrée et en Angola et part au Liban où débute la guerre civile.
En 1978, lors d’une offensive à Beyrouth, il est fait prisonnier par la Saiqa, groupe palestinien contrôlé par la Syrie. Accusé d’espionnage, il est interrogé pendant plusieurs jours et ne doit sa libération qu’à l’intervention de l’ambassade de France qui apporte la preuve de sa qualité de journaliste.
La fin des années 1970 est particulièrement dense. Il assiste à la révolution islamique en Iran qui provoque le départ du shah Reza Pahlavi.
«C’est à nous, journalistes, de rechercher la vérité et de la diffuser par tous les moyens. Face à la fatalité des événements, notre jugement est soumis à rude épreuve et l’œil du photographe ne transmet que ce qu’il voit : un instantané de guerre. Mais comme il y a toujours plusieurs photographes, plusieurs journalistes sur un même conflit, cette succession de témoignages finira par raconter “l’histoire-bataille”, au plus près de la vérité des faits. » - Patrick Chauvel, cité par RSF.
Il pointe ensuite son objectif sur l'Amérique centrale pour couvrir les révolutions. En 1980, au Salvador, il est présent lors de l'assassinat par l'extrème droite du l'archevêque Oscar Romero. Il remporte le prix Missouri pour son reportage lors des obsèques, où une grenade explose au milieu de la foule.
En décembre 1995, il est en Tchétchénie et couvre l’offensive russe. Ses reportages remportent le World Press et le Prix du Scoop d’Angers en 1996.
Il décide ensuite de se consacrer au documentaire et réalise de nombreaux films comme Rapporteurs de guerre (1999) avec Antoine Novat. Au début des années 2000, il s'exerce aussi à l'écriture comme moyen d'expression, et publie des livres consacrés encore au sujet du reportage en zone de conflit.
En 2016-2017, il couvre la bataille de Mossoul en Irak avec son fils Antoine Chauvel, devenu lui aussi photographe. Le Fonds Patrick-Chauvel, créé en 2014, permet de rassembler ses archives comprenant 380.000 clichés. Ce fonds est mis en valeur dans une exposition permanente au Mémorial de Caen. A bientôt 73 ans, le photographe français couvre actuellement la guerre en Ukraine.