ARTSAsia Argento au Salò: «Je veux faire quelque chose de très féminin, utérin»

Asia Argento au Salò: «Je veux faire quelque chose de très féminin, utérin»

ARTSDe jeudi à samedi, l'Italienne dispose d'une carte blanche au Salò, à Paris, et profitera de l'occasion pour exprimer toutes ses facettes d'artistes, toujours cash. Rencontre...
Fabien Randanne

Fabien Randanne

Quand on s’apprête à rencontrer Asia Argento, on s’attend à faire face à une boule d’énergie punk. Et pour cause, en recensant quelques-uns des adjectifs accolés à sa peau par le prisme médiatique, on note « explosive », « brûlante », « trash ». Surprise, quand on la découvre dans un loft à Saint-Ouen, où le rendez-vous était donné fin mai, c’est sa douceur qui saute aux yeux. Dans une sage robe noire, elle plaisante volontiers, balançant entre spontanéité et timidité. L’actrice a pris du retard dans son planning d’interviews mais profite du fait que la nuit ne soit pas encore tombée pour se prêter à une séance photo en lumière naturelle, destinée à Libé.



On finit par s’isoler. La salle de bains, aménagée d’une chaise et d’un petit lit, sert de décor à la courte entrevue. Asia Argento allume une cigarette. Si elle rencontre les journalistes ce jour-là, c’est pour parler de sa résidence au Salò (1), le club branché cultures alternatives et underground de la rue Montmartre. Pour les soirées du 6 au 8 juillet, carte blanche lui a été donnée. « C’est un cadeau énorme », commence l’Italienne en expliquant vouloir profiter de l’occasion pour réunir des artistes d’horizons différents. Entre autres : Bertrand Bonello, Kid Chocolat, Emma de Caunes, Béatrice Dalle et Virginie Despentes. Il y aura des « conversations », des DJ sets et des performances et Asia Argento présentera en avant-première son projet musical Verdade (2).

« Quelque chose de parfois pas agréable, un peu dangereux »

« Je ne veux pas faire quelque chose où l’on danse, on ne sera pas en boîte de nuit. J’imagine quelque chose de très féminin, utérin, lance-t-elle, énigmatique. Je veux que les gens se sentent protégés tout en ressentant la menace du monde extérieur. Le plus important, c’est les mots. Je veux avoir beaucoup de spoken words, de sons dissonants, quelque chose de parfois pas agréable, un peu dangereux. » On a l’impression qu’elle nous pitche Suspiria ou un autre film de son père, Dario, dont le cinéma est un concentré d’atmosphères hypnotiques, d’exubérance esthétique et d’éclats d’horreur pure.

Un paternel qui ne l’a pas ménagée devant sa caméra : de Trauma à Dracula 3D en passant par Le Fantôme de l’opéra et Le Syndrome de Stendhal, Asia s’est distinguée dans des rôles d’héroïnes secouées, agressées, torturées. Pas de quoi la dégoûter du cinéma. Elle s’est elle-même lancée dans la réalisation, avec Scarlet Diva, en 2000. Suivront Le livre de Jérémie et L’incomprise, en 2004 et 2014. Mais ses projets, de ce côté-là, sont en suspens. « J’ai eu une expérience en Amérique, j’ai écrit quelque chose pendant deux ans, confie-t-elle. Je l’ai vendu, je n’ai pas fait le film et j’ai perdu les droits sur mon histoire, ça m’a fait beaucoup de mal. » Les intonations de sa voix confirment les regrets et la douleur de ce projet avorté. « Cette histoire vit en moi. Je vais écrire un roman et peut-être ensuite faire un film de ça… », poursuit-elle.

« J’ai préféré faire "Ballando con le stelle" que sucer une bite »

Les dernières années ont été difficiles pour Asia Argento. Quand on évoque sa participation l’an passé à Ballando con le stelle, le Danse avec les stars italien, elle compare, cash, l’expérience à de la prostitution : « Tu es capable d’imaginer une femme de 40 ans, qui habite seule avec des enfants, sans rien, sans aide de leur père ? J’ai préféré faire Ballando que sucer une bite. Mais c’est pareil, ça ne m’a pas fait du bien. Je l’ai fait seulement pour survivre, pour mes enfants. Je n’avais plus d’argent. J’avais quitté l’acting pendant trois ans. J’étais désespérée. »

Asia Argento dans le rôle-titre de la pièce Rosalind Franklin – Le secret de la vie qu’elle a jouée au Teatro Eliseo de Rome en mars et avril 2017.
Asia Argento dans le rôle-titre de la pièce Rosalind Franklin – Le secret de la vie qu’elle a jouée au Teatro Eliseo de Rome en mars et avril 2017. - Roma / IPA/SIPA

Puis il y a eu le théâtre. Les planches de salut. Au printemps elle jouait le rôle titre de la pièce Rosalind Franklin : Le secret de la vie, à Rome. C’était une première pour Asia Argento. Elle s’enthousiasme : « C’était magnifique. Le théâtre, c’est une discipline, un vrai travail. La préparation est comme celle d’un athlète : mentale, spirituelle, corporelle, vocale. C’est aussi une synergie avec les autres acteurs et le public. J’ai découvert mon métier. »

« Ma réalité de tous les jours, ça me fait chier »

Elle tapote la cendre dans le cendrier. « Ça m’a rappelé ce que ça peut être de faire ce boulot, d’être créatif. Parce que, quand on tourne un film, parfois, on ne te demande pas d’amener beaucoup de toi comme artiste. » Or, la comédienne a des choses à dire, à créer, et elle entend bien le montrer lors de ces trois soirées au Salò. « Tout nourrit mon inspiration. J’aime partager, écouter les histoires des gens », avance-t-elle. On relance en lui demandant si elle puise des idées dans le réel. Erreur : « La réalité ne m’intéresse pas parce que ça n’existe pas. Ma réalité de tous les jours, ça me fait chier. La fiction, les mondes parallèles, ça, c’est intéressant. » Bienvenue dans l’univers Asia Argento.

(1) Carte blanche à Asia Argento, du 6 au 8 juillet 2017, au Salò, 142 rue Montmartre Paris 2e. Evenement en partenariat avec l’agence D/S et le Nuun records, label sur lequel sortira le LP et le Bluray de Shadows en fin d’année.

(2) Verdade paraîtra en vinyle à la rentrée chez Nuun Records.