MUSIQUEStupeflip: «Mon truc numéro un, c’est la bisounourserie»

Stupeflip: «Mon truc numéro un, c’est la bisounourserie»

MUSIQUESix ans après son dernier disque, l’inclassable Stupeflip revient ce vendredi avec un nouvel album financé par ses admirateurs…
Olivier Philippe-Viela

Olivier Philippe-Viela

L’étonnant Stupeflip est de retour. Autant crever l’abcès tout de suite : oui, il y a pas mal d’argent derrière ce nouvel album, Stup Virus, publié ce vendredi, le quatrième seulement en dix-sept ans. 427.972 euros pour être exact, une somme récoltée depuis octobre 2016 sur Ulule, le site de financement participatif utilisé pour faire appel aux fans.

Pourquoi est-ce un problème d’en parler ? « Le truc », dit King Ju, le leader masqué du « Stup » qui adore dire « truc », c’est que « le business et l’art, c’est comme l’huile et l’eau. Pas que l’argent soit mon ennemi, juste que je m’en fous ».

Il reçoit dans le 13e arrondissement de Paris, à quelques mètres de son domicile, et insiste pour ne pas aborder cette levée de fonds record (il avait besoin de 40.000 euros, affaire « pliée en deux heures », et a reçu dix fois plus, CQFD). 20 Minutes fait donc le point sur l’évolution du monde de Stupeflip, six ans après sa résurrection en 2011, avec son créateur, qui n’est plus aussi antisystème et anti-médias que dans les années 2000, quand ses potes et lui bizutaient Frédéric Taddeï et faisaient les pitres sur le plateau de Thierry Ardisson.

Le monde de Stupeflip depuis la dernière fois, en 2011

Pas de crainte, son univers totalement barré, entre mauvais goût assumé et mélange hip-hop et variété, est toujours là. « Maintenant il y a une porte-parole du Crou [le groupe Stupeflip]. Je voulais que ce soit une femme, parce qu’elles ont tendance à calmer les choses quand il y a un conflit. Je trouvais ça drôle », précise King Ju. Pour parler musique, ce quatrième album, mixé par Renaud Letang, est plus hip-hop, contient moins de ritournelles absurdes et ne s’attache plus aux thèmes sur l’enfance et les animaux qui faisaient la particularité de Stupeflip (« Je voulais revenir au rap, être technique sur le flow, enchaîner les freestyles »).

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Bref, le fan du groupe est en terrain connu, car « c’est toujours la même équipe, ça me fait peur de voir à quel point rien ne change ». Les influences n’ont pas changé non plus, « Wu-Tang, IAM, les Dr. Dre des années 90, Bashung, un peu de variété… j’écoute aussi de temps en temps un disque hommage à Andy Warhol par Lou Reed et John Cale, ça tue ». Et le particularisme du groupe aussi, sur lequel insiste King Ju, le fait « que j’articule vachement bien pour un rappeur ».

L’industrie du disque

Après s’être fait jeter par sa maison de disque à cause des faibles ventes de ses deux premiers disques en 2003 et 2005, Stupeflip a connu une traversée du désert, King Ju est retourné donner des cours de graphisme et le « truc » semblait enterré. Il est revenu en 2011, parce que « le truc est vivant dans les têtes même s’il est cramé dans les Fnac », scandait-il dans l’incroyable « Stupeflip Vite !!! », morceau-phare du troisième album Hypnoflip Invasion, publié en indépendant.

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En 2017, King Ju déteste-t-il toujours l’industrie musicale ? « Je ne serai plus jamais "anti", ça ne sert à rien, tu tombes vite dans l’aigreur. Maintenant je suis "pro". J’aime les gens, même si ce n’est pas toujours évident. Mon truc numéro 1, c’est la bisounourserie. »

Ok, mais pourquoi tous ses sketchs contre les médias et le « système » dans les années 2000 ? « Au début de Stupeflip, j’avais la rage, je venais de passer quelques années à galérer pour payer mon loyer, comme beaucoup de gens. Je me disais "après moi le déluge, je fais ça, je les nique tous". J’ai agressé tous les journalistes, du gars de 16 ans qui m’interviewait pour sa feuille de chou à Ardisson lui-même. Taddeï était venu chez moi, on l’avait bien pourri, violemment. Ça m’a grillé pendant dix ans, tout le monde était persuadé que j’étais un fou qui vivait tout seul en hurlant. »

Donc on résume, aujourd’hui, Stupeflip est pote avec l’industrie du disque ? Encore raté : « Je n’en ai rien à faire de l’industrie musicale. Je vais avoir 50 balais, je veux juste me faire plaisir en gagnant un peu d’argent, pour pouvoir m’acheter un appartement, mon rêve. »

La célébrité et l’ultime album

20 Minutes a eu le privilège de voir King Ju sans masque. Les fans du groupe, eux, ne connaissent pas son visage, constamment recouvert d’une semi-cagoule crasseuse, signe distinctif du leader de Stupeflip. « La plupart des musiciens sont un peu exhibitionnistes, moi je n’ai pas envie de me montrer », élude-t-il.

Puisqu'il ne fait rien comme tout le monde, au moment où son univers n’a jamais été aussi populaire, alors que les 10.000 contributeurs à sa campagne de financement participatif attendent de pied ferme son nouveau disque, que nous dit Julien Barthélémy (son nom à la ville) ? « Je pense vraiment que c’est le dernier album. Pendant des années, je n’ai pas gagné d’argent avec mes disques, je suis resté tout petit, je préférais ça pour être intègre artistiquement. C’est en train de payer. Mais ma technique, c'est qu'à chaque fois que ça commence à marcher, je casse tout. »

Et là, on voit ce qui a changé depuis les débuts en 2000 : « Les gens ont compris que ce n’était pas un cinglé derrière Stupeflip. La vie a continué, j’ai vieilli, la société est devenue plus angoissante. Il faut absolument que j’arrête de fumer en travaillant, sinon je vais crever. C’est une histoire physique, je dois avoir une vie beaucoup plus saine. Finalement, c’est triste d’être un personnage de chair et de sang. »