DÉCRYPTAGE«Sur la route»: Pourquoi Jack Kerouac refait surface cette année

«Sur la route»: Pourquoi Jack Kerouac refait surface cette année

DÉCRYPTAGEvec entre autres la sortie sur les écrans du film «Sur la route», l'année 2012 s'annonce comme celle du retour de Jack Kerouac. Mais pourquoi l'écrivain culte fascine-t-il encore?...
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

Le 22 avril 1951, Jack Kerouac tapait la dernière lettre de Sur la Route. Trois semaines lui auront suffi pour noircir un rouleau de papier de 36,50 mètres de long. Mais sa prose spontanée sera largement remaniée et censurée avant d’être acceptée en 1957 par les éditions Viking.

Ce n’est que très récemment, en 2007 aux Etats-Unis et en 2010 en France, que le texte original a refait surface, lançant une vague Kerouac qui se poursuit cette année avec la sortie en salles du film-événement de Walter Salles, en lice pour la Palme d’or, une exposition du rouleau pour la première fois à Paris, des rééditions et une pièce de théâtre inédite.

Comment le roman culte d’une génération, celle de la contre-culture américaine d’après-guerre, peut-il être celui de toutes les générations? Et parler encore à la jeunesse, en 2012? Eléments de réponse avec Jean-François Duval, écrivain spécialiste de la Beat Generation.

D’abord, n’est-il pas exagéré d’imaginer que des hordes d’ados lisent Kerouac? «Sur La Route, c’est surtout un roman culte. Il n’est pas sûr qu’énormément de gens le lisent. Même dans les années 1960, il n’a pas été tellement lu», tempère Jean-François Duval, auteur de Kerouac et la Beat generation - Une enquête (PUF, 2012) et d’un roman d’hommage à l’esprit beat L'Année où j'ai appris l'anglais (Zoé Poche).

«Quand elles sont sac au dos, les jeunes générations subissent l’effet de ce livre sans vraiment le savoir» explique celui qui a lui-même sillonné l’Amérique pendant vingt ans à la rencontre des héros de Sur la Route, dont Allen Ginsberg.

Depuis sa publication en 2010, 50.000 exemplaires du rouleau original ont tout de même été écoulés, d’après Livres Hebdo. En 2011, Gallimard aurait par ailleurs vendu 40.000 volumes du chef de file de la Beat Generation, dont 25.000 exemplaires de Sur la route.

Kerouac et les Beats, les premiers Indignés?

Le phénomène ne serait donc pas simplement l’effet d’une conjonction d’événements culturels. Jean-François Duval, en est persuadé: «La sensibilité de notre temps ouvre l’intérêt pour Kerouac, et pour un beat revival qui n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui.»

«Je crois que si les Beats sont de retour, c’est que les plus jeunes générations, face à la montée des intégrismes et des fondamentalismes, commencent à redécouvrir le souffle libérateur dont les Beats étaient porteurs», estime-t-il.

«Depuis les années 1980, on est dans le tout économique, l’homme est devenu unidimensionnel. Les Beats ne se contentaient pas de cela, ils ouvraient des routes nouvelles», poursuit l’écrivain qui tente même l’analogie: «On pourrait dire que Kerouac et les Beats étaient les premiers Indignés, insatisfaits du monde et des voies trop conformes que la société leur proposait.»

Universel et initiatique

Kerouac, populaire car porte-voix de la jeunesse révoltée? «Le mythe de la route remonte aux origines de la littérature, c’est un thème universel qui se confond avec celui de notre destinée… Mais il est évident que cet aspect initiatique rejoint particulièrement les préoccupations adolescentes», affirme Jean-François Duval qui rappelle que Kerouac est devenu célèbre avec l’explosion des baby-boomers, «au moment où l’adolescence est née».

L’adaptation de Walter Salles qui débarque dans les salles françaises le 23 mai promet en tout cas d’amplifier la popularité de l’auteur emblématique. Pour Jean-François Duval, «Kerouac et le mouvement beat ne sont pas derrière nous. Il y a dans leur épopée quelque chose qui continue à fonctionner comme un appel».