Bande dessinée: Des bulles qui disent le monde
TENDANCE•La bande dessinée abandonne de plus en plus la pure fiction au profit de l’actualité...Olivier Mimran
Creuse et infantilisante. Voilà comment la bande dessinée était considérée il y a vingt ans. La perception de ce médium a évolué grâce à un courant de plus en plus populaire qu’on pourrait appeler «BD du réel», en opposition à une BD de fiction ou de pur divertissement. Sa mission : rapporter et renseigner sur le monde qui nous entoure.
Le genre a ses codes, ses stars, comme l’Américain Joe Sacco, qui a donné ses lettres de noblesse au «reportage BD», ou le Québecois Guy Delisle, dont les Chroniques de Jérusalem (Delcourt) viennent de recevoir le Fauve d’or du meilleur album à Angoulême et poursuivent une carrière de best-seller, se classant deuxième des ventes de BD en France cette semaine (Livres Hebdo).
Des lecteurs moins passifs
La BD du réel vit sous forme de reportages comme chez Joe Sacco qui fréquente les théâtres de guerre. Mais aussi de documentaires : Les Ignorants d’Etienne Davodeau (Futuropolis) relate, à la façon de «Vis ma vie», les échanges entre un vigneron et un auteur de BD.
L’enquête Quai d’Orsay (Dargaud), dont les tomes 2 et 1 sont respectivement 7e et 10e meilleures ventes de BD (Livres Hebdo) revient sur le parcours d’un ministre des Affaires étrangères librement inspiré de Dominique de Villepin. Autant d’approches qui voient les auteurs de la «BD du réel» devenir des relais de l’actualité ou de l’histoire, poussant ses lecteurs à en devenir des témoins moins passifs, quand elle ne fait pas œuvre pédagogique.
Ainsi, l’album grec Logicomix (Vuibert) raconte ainsi les fondements des mathématiques. Etienne Davodeau ne se considère pas pour autant comme un journaliste : «Je suis un auteur de BD, point. En tant que langage, elle peut aborder tous les genres, du divertissement à des récits animés d’ambitions sociologique, politique, historique etc.»
Eric, un collectionneur de reportages dessinés, juge que les auteurs qui se plient à cet exercice «n’ont rien à envier à leurs collègues de la presse écrite». La preuve, le magazine XII (voir ci-dessous) «publie systématiquement des reportages BD aux côtés d’enquêtes classiques».
Dans tous les cas, le phénomène séduit un large public «parce que les auteurs font transparaître leur sensibilité et que ça crée une intimité qui nous oblige à mieux réfléchir à leurs propos», ajoute Eric. A ce titre, il contribue à faire de la bande dessinée un art mature.