Interview de Fred Vargas, romancière. Dernier livre paru : Dans les bois éternels (éd. V. Hamy).

Adamsberg démarre toujours ses enquêtes sur un détail. Quel est celui qui vous a poussée à écrire votre dernier roman ?

Il y a d'abord l'envie enfantine de se raconter une bonne histoire. Le détail, c'est cette histoire d'ombre qui tue. Je voulais aussi coller des Normands et un nouveau flic, Veyrenc. Au début, il devait s'entendre avec Adamsberg, mais ça a foiré. Je fonctionne toujours par accidents. Tu pars d'une plage sur un bateau, tu sais où tu dois vaguement aller, mais très vite, tu te paumes et tu découvres d'autres routes.

Vos histoires sont-elles réalistes ?

Pas du tout. Si tu écris une histoire qui peut arriver dans la réalité, elle n'intéresse personne car les meurtres sont souvent communs. Mais pour que la fiction fonctionne, il faut aussi qu'elle soit crédible. L'art doit injecter, dans la réalité, une réalité parallèle. C'est pour ça que les « rompols » [romans policiers] marchent : on y est proche du réel, mais il y a toujours une solution au problème.

Votre incroyable succès a-t-il changé votre écriture ?

Il me changerait ou me ferait du mal si j'y croyais. Mais ça reste complètement hors de moi. Tout ça est un grand jeu. J'ai commencé à écrire pour m'amuser à côté de mon métier d'origine, archéologue, qui est assez austère en vérité, et je me suis résolue à ne pas être adulte. A chaque roman, j'ai peur de ne pas trouver une bonne histoire. Et avoir deux lecteurs ou un million autour du feu pour vous écouter n'y change rien. Je ne trouve pas mes livres bons, c'est d'ailleurs pour ça que je continue d'écrire, en me disant que le prochain sera meilleur.

Recueilli par Bastien Bonnefous