La copie privée, c'est quoi?
CULTURE•L'Assemblée nationale examine ce mercredi le projet de loi sur la copie privée...Charlotte Pudlowski
A partir de ce mercredi, l’Assemblée nationale examine un projet de loi sur la copie privée - cette exception au droit d’auteur permettant à un particulier de reproduire une œuvre pour son usage privé - sans être dans l’illégalité ni payer de droits supplémentaires. 20Minutes revient sur les spécificités de cette copie privée et les enjeux de la loi.
La copie privée, comment ça marche?
Achetez un disque dur externe, ou même parce que vous êtes un peu vintage, un CD vierge. Vous entendez copier dessus le dernier album complet de Patrick Bruel (Vous êtes quelqu’un qui a du goût). Dans le prix de votre disque dur, de votre DVD, de votre tablette, une partie du prix est destinée à rémunérer les auteurs, éditeurs, interprètes, producteurs des œuvres. Ca s’appelle la copie privée, et ça existe depuis 1985.
Ca sert à qui?
La loi prévoit que 25% des sommes provenant de cette rémunération sont utilisées à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes et auteurs, souligne la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) qui s’inquiète de voir la copie privée menacée. En 2010, ces aides culturelles se sont établies à plus de 47 millions d’euros. Donc la copie privée aide notamment à financer les grands et les petits festivals, des pièces de théâtre, des concerts, des spectacles …
Pourquoi ça changerait?
La France n’est pas la seule à appliquer la rémunération pour copie privée: elle est en vigueur dans la plupart de l’Union européenne. Et dans le cadre d’une harmonisation progressive des questions relatives aux droits d’auteurs au sein de l’UE, Bruxelles entend revisiter la rémunération pour copie privée… La revisiter à la baisse, ce qui va dans le sens des industriels. Exemple: si vous achetez une tablette tactile, entre 609 euros et 813 euros, part de la copie privée représente entre 1,3% et 1,5% du prix. L’industriel aimerait bien que l’on enlève le 1,3% ou 1,5% qui vous fait payer plus cher mais sans lui rapporter plus d’argent.
Mais deux autres éléments perturbent la copie privée, selon un rapport de la commission des affaires culturelles, de Marie-Hélène Thoraval, «le développement du cloud computing, qui permet de gérer via le Web des données stockées sur des serveurs distants, et «la difficulté croissante à surmonter les contradictions d’intérêt entre fabricants, consommateurs et ayants droit».
Que dit la France?
Du coup, le projet de loi examiné mercredi vise à protéger la copie privée, et plus généralement le système actuel. Mais en tenant compte du droit communautaire (qui prime nécessairement sur le droit français).
Sans mesure de transformation en profondeur: donc sans tenir compte, par exemple, de la contradiction entre la vente et l'usage d’appareils permettant d'enregistrer librement, des appareils sur lesquels les utilisateurs paient une taxe. Mais parfois sans pouvoir réellement copier, puisque les dispositifs anti-copie pullulent chez certains éditeurs et chaînes qui diffusent en numérique.
Qui est inquiet?
Tout le monde. Les industriels, pour les raisons déjà exposées. Les artistes et le milieu culturel en général (en faveur du projet de loi). D’autant plus que la Sacem et les membres de Copie France (organisme de collecte de la rémunération pour copie privée) estiment qu’une part des industriels ment au sujet du coût de la copie privée pour les particuliers. Une calculette a ainsi été mise en place «pour prétendument informer les consommateurs» avance Copie France, mais «plus de la moitié des estimations produites affichaient des erreurs importantes». Une erreur de 10 euros pour un disque dur multimédia à entrées et sorties de 250 Go par exemple, laissant les acheteurs penser que la copie privée les ruine.
Mais les utilisateurs et potentiels reproducteurs de musique ou films (pour leur usage personnel et légal), se demandent aussi à quelle sauce ils vont bien pouvoir être mangés. Notamment parce que le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a indiqué que des réflexions étaient déjà engagées pour examiner une éventuelle application de la RCP au Cloud Computing – soit faire payer des taxes sur un domaine éventuellement plus étendu.
En attendant, le projet de loi actuel repousse la réforme de fond du régime de la RCP, inscrite au programme du rapport France Numérique 2012.