SANTEUne cure de désintox, comment ça marche?

Une cure de désintox, comment ça marche?

SANTEAmy Winehouse, décédée samedi, était polyconsommatrice de drogues, et ne s'en sortait pas, en dépit de plusieurs cures de désintoxication...
Charlotte Pudlowski

Charlotte Pudlowski

Les cures de désintoxication, Amy Winehouse avait commencé en 2005, et les avait enchaînées, par intermittence, jusqu’au printemps dernier. Elle s’y connaissait tellement, en cures, qu’elle y avait consacrée un titre, «rehab» sur l’album de 2006 «Back to black». «They tried to make me go to rehab, I said, No, no, no» chantait-elle. «Ils ont voulu me faire entrer en cure, et j’ai dit non, non, non». Ce désir qui lui manquait, c’est la première étape, fondamentale, dans une désintoxication réussie.

La motivation

«Il faut d’abord motiver le sujet qui a des complications, explique le docteur Michel Reynaud, qui dirige le département de psychiatrie et d'addictologie de l'Hôpital Paul Brousse à Villejuif. Selon la gravité du problème, on peut tenter une consommation contrôlée, ce que demandent souvent les patients. Ou alors un sevrage direct: pour le tabac ou l’héroïne, très addictogènes, c’est impossible de faire une consommation contrôlée».


Mais dans tous les cas, la volonté de guérir doit venir directement du patient. «En addictologie, les sujets sont peu demandeurs de soins. L’alcoolique aime boire», souligne Xavier Laqueille, chef du service d'addictologie de l'hôpital Sainte-Anne, à Paris. «Si c’est l’entourage qui envoie un patient en cure [à l’instar d’Amy Winehouse, dont la presse britannique a dit plusieurs fois qu’elle se faisait hospitaliser pour son amant ou sa famille], ça ne marche pas. Quand l’hospitalisation est liée à une overdose ou autre, ce n’est pas une demande de soins, le patient recommence à sa sortie.» Ce n’est pas une pression extérieure qui va amener à une demande de soins, mais «plutôt la décompensation de la toxicomanie». C’est-à-dire quand les substances en question rendent la vie du patient plus dure qu’elles ne l’allègent (de son propre point de vue).

«Mais nous suivons les patients de manière régulière avant même l’hospitalisation, pour travailler la motivation, qui augmente peu à peu. On peut alors envisager la mise en place d’une cure de sevrage», avance le médecin.


L’hospitalisation, le sommet de l’iceberg

Arrive alors la période d’hospitalisation. Moins fréquente en France que dans les pays anglo-saxons, tout simplement parce que les places sont moins nombreuses. «On a peu de lits d’hospitalisation spécialisée, les patients vont le plus souvent en psychiatrie – ce qui n’est pas forcément adapté» précise Xavier Laqueille.

Mais même lorsqu’elle est possible, la période d’hospitalisation n’est qu’une toute petite partie de la démarche. Elle consiste en une prise de médicaments, des séances psychiatriques. «Mais c’est sur le plus long cours que cela se passe, c’est après l’hôpital que tout se joue.»

Les stars, configuration de sortie difficile

Une fois sorti de l’hôpital, le patient peut être de nouveau soumis à des tentations, il doit être suivi, accompagné. «Les stars sont les patients qui ont le plus de moyens pour se soigner mais elles subissent aussi une pression sociale et des tentations plus dures», explique Michel Reynaud. «Lorsqu’un patient sort de l’hôpital, ses dealers peuvent continuer de lui proposer de la drogue. Les gens qui n’ont pas d’argent reçoivent déjà des propositions alors des stars, vous imaginez…». Leur mode de vie ne se prête pas non plus à la sobriété, ajoute Xavier Laqueille. «Ils ont besoin d’être excités, de donner le maximum d’eux-mêmes». D'autant que «la consommation de substances est courante dans ces milieux», complète Michel Reynaud.

Les polyconsommateurs

Amy Winehouse ne se contentait pas d’une seule drogue, ou d’alcool. Elle était polyconsommatrice – une toxicomanie beaucoup plus difficile à gérer. «Les polyconsommateurs ont souvent des troubles psychiques associés, à la fois antérieurs à la prise de drogues et déclenchés par elle.»


Une étude a été faite en 2006, rappelle Xavier Laqueille. «Elle étudiait une cohorte de 590 polytoxicomanes; sur la moitié de cette cohorte, les trois quarts étaient encore addicts, ou encore en soin; l’autre moitié étaient morts.»