Virginie Despentes: «Le féminisme français est bien trop bourgeois»
CINEMA•L'écrivain présente le doc «Mutantes»Recueilli par Stéphane Leblanc
Samedi soir, le Festival international de films de femmes de Créteil invite à débattre deux artistes radicales, la performeuse Catherine Corringer et la romancière Virginie Despentes. Cette dernière présentera Mutantes, documentaire sur les féministes qui revendiquent une liberté sexuelle totale.
En quoi votre film, assez radical, est-il représentatif du féminisme d'aujourd'hui ?
Je ne pense pas que la prostitution ou la question du genre soient radicales. En France, on ne traite le féminisme que sous l'angle de problématiques bourgeoises et hétérosexuelles : l'épanouissement de la femme dans le couple, le partage des tâches ménagères… Je préfère une parole moins représentée.
Vous cherchez à provoquer ?
A ouvrir le débat. Le public du festival de Créteil a déjà une culture féministe, ça peut l'intéresser. D'autant que les théories « pro-sex » défendues dans le film sont peu diffusées en France.
A quoi tient cette réticence ?
Peu d'intellectuels s'intéressent au féminisme en France. Baise-moi, il y a dix ans, avait suscité des débats féministes sur le viol ou la pornographie en Espagne, en Allemagne. Ici, on a préféré l'interdire. Une manière d'éviter d'en parler.
La sexualité est-elle encore un sujet tabou ?
Pas la sexualité. Mais politiquement parlant, on vit un moment de régression. Les jeunes sont beaucoup plus réactionnaires qu'avant. Regardez aussi comment le pouvoir est partagé… Et les honneurs.
Combien de femmes dans les jurys littéraires ou au Festival de Cannes ? Et qui se retrouve primé à l'arrivée ?
En politique, elles sont de plus en plus nombreuses à briguer le pouvoir : Ségolène Royal, Marine Le Pen… Marine Le Pen, c'est la fille de son père. Il y a plus féministe comme façon d'accéder au pouvoir. Quant à Ségolène, c'est à la femme qu'on s'est attaqué en 2007 bien plus qu'à ses idées.