Le succès des «Misérables» n'a rien de surprenant
LITTERATURE•Hugo destinait son oeuvre à être universelle...Charlotte Pudlowski
3 avril 1862. Les deux premiers tomes des Misérables sont mis en vente. Les files d’attente encombrent la rue de Seine, où se trouve l’éditeur. Quelques mois plus tard, le fils de Victor Hugo met déjà en scène une adaptation au théâtre en Belgique. Depuis, d’autres n’ont cessé de prolonger la notoriété du roman, de pièces en films ou en dessins-animés. A partir des années 1980, naissent les versions comédies musicales, dont la dernière en date est celle jouée jusqu’en juillet à Paris, en anglais, signée par deux Français: Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg.
Quelle que soit l’adaptation, elle peut toujours raconter une histoire nouvelle, sans trahir le roman original, parce qu’il y a largement assez d’histoires dans Les Misérables pour nourrir des centaines d’adaptations», explique Danielle Molinari, auteur de Les Misérables, un roman inconnu?
Les Misérables contiennent toutes les histoires, et tous les thèmes. C’est l’histoire de la rédemption d’un homme. Celle d’une femme qui a tout donné, jusqu’à ses cheveux et ses dents, par amour pour sa fille, d’un enfant mort sur les barricades... Dans toutes ces histoires, tous les thèmes: l’amour, la haine, la justice, le pardon. «Les différentes adaptations ont joué sur tous les tableaux, et ont permis chaque fois au public de redécouvrir l’œuvre littéraire.»
Modernité
Les Misérables sont un formidable fourre-tout d’une étonnante modernité. L’usage que Hugo fait de l’argot est par exemple étonnant: «C’est du Queneau avant l’heure, selon Arnaud Laster, vice-président de la Société des Amis de Victor Hugo. Gavroche parle comme parlera Zazie dans le métro, Hugo écrit le langage oral, ce qui a beaucoup choqué à l’époque. Vous imaginez, au 19e siècle, lire Qu'est-ce ski s'passe?»
Hugo n’a d’ailleurs pas conçu Les Misérables pour la France au 19e siècle. «Il les a écrits pour tous les pays et toutes les époques dans lesquels dureraient les injustices qu’il dénonce», souligne Arnaud Laster. Hugo l’écrit lui-même dans une lettre à l’éditeur italien: «Vous avez raison, Monsieur, quand vous me dites que Les Misérables est écrit pour tous les peuples. Je ne sais s’il sera lu par tous, mais je l’ai écrit pour tous. Il s’adresse à l’Angleterre autant qu’à l’Espagne, à l’Italie autant qu’à la France.» Et tous ces pays le célèbrent en effet.
Hugo, star internationale
«Il ne faut pas oublier que Hugo a passé vingt ans de sa vie dans les îles anglo-saxonnes, rappelle Danielle Molinari. Il y a publié une partie de son œuvre, et fait entendre son combat politique contre Napoléon le Petit.» Il a aussi porté des idéaux au-delà de l’Hexagone «De Cuba à la Grèce. Il s’est même battu contre l’expédition franco-anglaise en Chine, lors de laquelle nos deux pays ont allégrement pillé le Palais d’été. Les Chinois l’en remercient encore aujourd’hui.»
Ces adaptations ne sont que le succès que Hugo, dans son ego et talent démesurés, escomptait. 56 millions de spectateurs, dans 42 pays, ont vu Jean Valjean recueillir Cosette et Cosette épouser Marius.