EXPOSITIONCinq choses à savoir sur l’art préhistorique exposé au musée d’Aquitaine

Bordeaux : « Il y avait une transmission de l’art préhistorique, avec des maîtres et des apprentis »

EXPOSITIONLe musée d’Aquitaine se penche jusqu’au 7 janvier 2024 sur l’art préhistorique de l’Atlantique à la Méditerranée
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Le musée d’Aquitaine à Bordeaux présente une grande exposition réunissant de nombreuses pièces, sur « L’art préhistorique, de l’Atlantique à la Méditerranée. »
  • « On considère que Néandertal a inventé l’esthétique, mais c’est vraiment l’homme moderne qui a inventé l’art » explique Vincent Mistrot, commissaire de l’exposition.
  • « Les représentations animales peuvent être très précises, quand les représentations humaines sont généralement schématisées » note encore le commissaire de l’exposition.

Une exposition fascinante, qui nous permet d’en apprendre un peu plus sur les modes de vie d’Homo sapiens des deux côtés des Pyrénées. L’exposition « L’art préhistorique, de l’Atlantique à la Méditerranée » au musée d’Aquitaine à Bordeaux, nous fait faire un bond de 40.000 ans dans le temps, en pleine époque glaciaire, jusqu’à il y a 10.000 ans, époque qui voit le climat se réchauffer.

Le territoire exploré va de l’actuelle Nouvelle-Aquitaine jusqu’au nord du Portugal en passant par la Catalogne, avec des pièces provenant de musées de la préhistoire français espagnols et portugais, comprenant des originaux, des moulages - notamment une partie de la « collection Piette » du Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, plus riche collection d’art mobilier préhistorique au monde - ou de reconstitutions en imprimante 3D. Voici cinq choses à savoir avant de vous rendre à l’exposition.

Qui étaient les premiers artistes ?

« Pendant longtemps nous avons pensé que Néandertal était le premier artiste, nous sommes aujourd’hui revenus sur cette idée » indique Vincent Mistrot, commissaire de l’exposition. « On considère que Néandertal a inventé l’esthétique, avec des objets parfaitement symétriques comme les bifaces, mais qu’il ne s’agit pas d’art. C’est vraiment l’homme moderne qui a inventé l’art, puisque les plus vieux dessins en Europe, comme ceux au charbon de bois de la grotte Chauvet, datent de - 35.000 à - 37.000 ans, date à laquelle l’homme de Néandertal a déjà disparu. Mais nous ne sommes pas à l’abri de découvrir un jour une peinture d’un Néandertal surdoué… »


Vincent Mistrot, commissaire de l'exposition sur l'art préhistorique au musée d'Aquitaine.
Vincent Mistrot, commissaire de l'exposition sur l'art préhistorique au musée d'Aquitaine. - Mickaël Bosredon/20 Minutes

Quels thèmes retrouve-t-on sur les objets d’art préhistoriques ?

La quasi-totalité des thèmes représentés sur les objets, parois et rochers, sont regroupés dans une des salles de l’exposition. « Nous les avons classés par milieux écologiques, poursuit Vincent Mistrot : la mer et les rivières, la montagne, la steppe froide… » Au centre de la pièce, trônent des animaux naturalisés ou squelettes, représentés sur les objets d’art, comme le bouquetin, l’isard, le coq de bruyère, le renne, le mammouth, le bison… « Les représentations animales peuvent être très précises, note le commissaire de l’exposition, quand les représentations humaines sont généralement schématisées, et le plus souvent pour montrer la fécondité, notamment avec les statuettes de Vénus. Je pense qu’il y a une volonté de ne pas représenter les humains de façon réaliste. »


Chevaux et bisons peints dans la grotte d'Ekain, à Zestoa au pays basque espagnol.
Chevaux et bisons peints dans la grotte d'Ekain, à Zestoa au pays basque espagnol. - Ekainberri – Arazi Aranzadi UTE

Il y a un peu moins de 12.000 ans, le climat se réchauffe ce qui entraîne des changements de paysage et une modification des sociétés, dont la façon de représenter le monde évolue. « L’art figuratif disparaît entre les Asturies et l’Ariège, et au sud des Pyrénées sur la côte méditerranéenne apparaît un nouveau phénomène avec l’Art du Levant, qui représente beaucoup l’humain. Nous avons alors plein de scènes de danse, de chasse, de guerre… »

Que voulaient dire les formes géométriques parfois dessinées ?

Ce type de représentation semble avoir une signification particulière. « Nous avons retrouvé des ronds, des spirales entre les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Atlantiques et le début du Pays basque espagnol, un décor avec des vagues de la Cantabrie aux Landes… Très probablement qu’il s’agit de marqueurs sociaux et culturels » analyse Vincent Mistrot, qui pense que ce type de décor permettait de savoir « à quel groupe on avait affaire. » De même, certains objets ne se retrouvent que dans des parties limitées de cette vaste zone géographique des Pyrénées. Mais il y a aussi des échanges, d’objets et d’idées, car « ce sont des gens qui voyagent, effectuant parfois plusieurs centaines de kilomètres. »

Comment travaillaient ces artistes préhistoriques ?

Les supports de leurs créations étaient très nombreux. « Nous proposons par exemple un arrière-train de bison sculpté sur du galet, mais on travaillait aussi l’ivoire de mammouth, l’os, le bois de rennes, l’argile séchée… » Concernant la technique pour dessiner les animaux, « on a remarqué qu’ils commencent toujours par la tête et finissent par la queue, ce qui implique une transmission du savoir, avec des maîtres et des apprentis. » Certains de ces graveurs, ou graveuses, sont par ailleurs « d’une grande dextérité. » « Et ils étudient aussi la forme du rocher, de la paroi, avant d’effectuer leur peinture » assure Vincent Mistrot.

Quelle place prenait la mort ?

Si les premières sépultures datent de 100.000 ans et remontent à l’homme de Néandertal, le phénomène se diffuse essentiellement avec Homo sapiens. « La sépulture reste toutefois très marginale, et n’est réservée qu’aux personnages considérés comme importants, relève Vincent Mistrot. Ceux-là sont enterrés avec un très riche matériel archéologique : parures, ivoire, silex… Mais la majorité des restes humains retrouvés, sont composés de dents isolées ou de petits bouts de squelette découpés, ce qui peut vouloir dire qu’ils ont été décharnés pour être mangés, ou que cela résulte d’un rite funéraire. » En revanche, « la mort de l’homme n’est jamais représentée dans l’art préhistorique, hormis peut-être dans une peinture de la grotte de Lascaux, ce qui est encore sujet à discussion. »

Exposition jusqu’au 7 janvier 2024. Musée d’Aquitaine, 20, cours Pasteur à Bordeaux. Ouvert tous les jours de 11 heures à 18 heures sauf lundi et jours fériés. Ouvert le 14 juillet et le 15 août. Tarif : 8 euros (réduit 4,50 €, étudiants 2 €). www.musee-aquitaine-bordeaux.fr