CINEMAEt si on genrait les catégories des César pour plus de parité ?

César 2023 : Et si on genrait les catégories pour plus de parité ?

CINEMAPour la 48e cérémonie des César, qui se déroule ce vendredi soir, aucune femme n’a été sélectionnée dans la catégorie « meilleure réalisation » malgré plusieurs films remarqués cette année
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • La 48e cérémonie des César aura lieu ce vendredi.
  • Dans la catégorie « meilleure réalisation », aucune femme n’a été sélectionnée, malgré des films remarqués et « primés à l’international », pointe la journaliste Véronique Le Bris.
  • 20 Minutes s’interroge sur la pertinence de créer une catégorie genrée pour plus de parité. Parmi les nombreuses sollicitations auprès de plusieurs instances du cinéma, seuls la journaliste Véronique Le Bris et le président d’Auvergne Rhône-Alpes Cinéma Grégory Faes ont accepté de donner leur avis sur un sujet qui reste relativement délicat dans le milieu.

«Toute l’ambiguïté du cinéma français est la suivante : c’est celui qui a le plus de réalisatrices au monde, mais c’est aussi celui qui les récompense le moins », résume en une phrase la journaliste Véronique Le Bris. Depuis la création des César, seule une femme, Tonie Marshall, a remporté le prix de la meilleure réalisation, en 2000 pour Vénus beauté (Institut). Cette année, à l’occasion de la 48e cérémonie, qui aura lieu ce vendredi soir, l’Académie a sélectionné exclusivement des hommes pour concourir dans cette même catégorie.

Pourtant, comme le souligne Véronique Le Bris, spécialisée en cinéma, « il y avait davantage de films réalisés par des femmes que les années précédentes ». Seulement, seuls cinq longs métrages ont été retenus contrairement à l’année dernière, où sept concouraient. « Ils ont d’ailleurs été remarqués et primés à l’international, développe-t-elle. Ce n’est donc pas un problème de qualité ou de talent. C’est simplement parce qu’on est dans un système défavorable aux femmes qui ne leur donne pas les mêmes chances de réussir. Quand on ne doit en garder qu’un, c’est un homme. Donc plus on réduit les possibilités d’accéder au palmarès, plus les femmes sont défavorisées. »

« Ce qui bloque, ce sont les mentalités »

C’est face à ce manque de reconnaissance du travail des réalisatrices françaises que Véronique Le Bris a créé le prix Alice Guy en 2018, à l’image du Prix Femina lancée en 1906 en opposition au Prix Goncourt, alors exclusivement composé d’hommes. Une problématique qui n’a donc pas vraiment évolué, plus d’un siècle plus tard.



Ce n’est pas faute d’avoir essayé de bousculer les codes. En 2020, l’Académie des César a complètement été réformée pour moderniser son fonctionnement. Elle compte désormais presque autant de votantes que de votants parmi plus de 5.000 membres. « Même en faisant un collectif plus paritaire, cela ne suffit pas, s’exclame la journaliste. Cela montre bien que c’est un problème très ancré, plus large, d’un système ». Avant d’ajouter : « Ce qui bloque, ce sont les mentalités. »

Alors quand on imagine de nouvelles catégories genrées telles que « meilleure réalisatrice » et « meilleur réalisateur », Véronique Le Bris répond directement en restant lucide : « Le monde du cinéma n’est pas prêt, spécialement les femmes. Notamment, parce qu’elles continuent de penser qu’elles doivent être jugées comme leurs pairs et qu’elles ont peur d’être enfermées dans une sorte de sous-catégorie pour remporter un prix qui n’aurait pas la même valeur. »

Il faut garder « une compétition ouverte »

Le problème « doit être traité en amont » et non pas « à travers des catégories genrées », estime pour sa part le directeur de l’institution Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, qui a soutenu plusieurs films nommés, notamment La Nuit du 12 et L’Innocent, deux longs-métrages tournés dans la région. « La compétition doit absolument rester ouverte », insiste Grégory Faes, selon lequel « on ne vote pas pour un homme ou pour une femme mais pour le meilleur film ou la meilleure réalisation ». Comme dans les compétitions sportives de voile où « on ne fait pas de distinction », compare-t-il.

« C’est beaucoup plus valorisant pour une femme de concourir et de réussir en étant jugée dans les mêmes conditions qu’un homme », avance-t-il. Ancien membre de l’Académie, il pointe aussi qu’une autre solution, adoptée par la Berlinale, a été de « dégenrer le prix de l’interprétation ». Ce qu’il juge être un non-sens.

« Favoriser le parcours des femmes »

Le sujet reste délicat dans le milieu. Malgré nos nombreuses sollicitations auprès des diverses instances de cinéma, très peu ont accepté de donner leur avis sur cette question « touchy ».

« La vraie question est de comprendre pourquoi, alors qu’on a autant de filles et de garçons qui font des études de cinéma, il y a moins de réalisatrices à l’arrivée ? », souligne Grégory Faes, estimant que la solution est de « faire en sorte qu’il y ait plus de projets qui aboutissent ». Et pour cela, continuer de « favoriser le parcours des femmes » car il existe « encore trop de freins dans leur carrière de réalisatrice ». L’homme regrette toutefois qu’Alice Winocour ne soit pas dans la sélection des César : « Elle aurait complètement mérité sa place dans la meilleure réalisation ». C’est elle qui a remporté le prix Alice Guy, décerné mercredi.

Des quotas pour plus de parité ?

Si la CNC n’a pas souhaité s’exprimer sur la nécessité de créer des prix genrés, elle assure avoir mené « une politique pour favoriser la parité derrière la caméra », ces dernières années. Elle a notamment imposé une égalité femmes-hommes dans les membres des commissions de la CNC mais aussi dans les instances de décisions des régions. Depuis 2021, elle a également créé des « bonus parité » lorsqu’il y a la présence de femmes dans les équipes de réalisation de films.