Sandrine Sarroche, la voix d’une humoriste aux mille-et-une vies
Humour•Avocate recyclée en humoriste, Sandrine Sarroche a pris le pari de faire rire en chanson et est parvenue à s’immiscer dans les médias et sur les plus grandes scènesMaxime Fettweis
L'essentiel
- Le spectacle éponyme de l’humoriste Sandrine Sarroche est diffusé ce vendredi 16 décembre à 21 h sur Paris Première alors qu'elle a investi la salle des Folies Bergère à Paris jusqu’au 18 décembre 2022.
- Depuis la rentrée, elle « enchante » les auditeurs de RTL et les téléspectateurs de C à Vous sur France 5 avec ses chroniques mêlant humour et chant où elle tourne la politique à la dérision.
- De son enfance à Toulon à son rêve de devenir cantatrice en passant par sa vie de juriste… 20 Minutes vous raconte le parcours, fait des chemins de traverse, de cette comédienne de 53 ans.
«Je suis en rade. Parfaitement en rade. Je pourrais vendre mes enfants, je serai capable de tout pour deux litres de carburant, dans mon Kangoo. » Face à Serge Lama, la voix de Sandrine Sarroche ne tremble pas. Elle est pourtant en train de livrer sur l’air de Je suis malade sa Chronique enchantée sur le plateau de C à Vous, consacrée à la pénurie de carburant dans les stations service.
À la fois humoriste, chanteuse, imitatrice ou chroniqueuse. Il n’y a pas un costume qui fasse peur à la quinquagénaire, sur tous les fronts depuis la rentrée de septembre. Tantôt au micro de RTL tantôt sur France 5 et depuis le 1er décembre chaque soir sur la scène des Folies Bergère jusqu’au 18… puis partout en France pour d'ultimes représentations de son spectacle éponyme. Elle semble être parvenue au point le plus haut jamais atteint dans sa jeune carrière, commencée sur le tard et au fil de ses spectacles depuis 2007 et des passages sur Paris Première et C8.
« Et dire qu’il y a encore trois ans, je peinais à remplir des salles de 300 à 400 places », se remémore-t-elle. Le confinement passé et propulsée en radio et en télé, difficile de parler de transition brutale quand on sait que dans la vie, Sandrine Sarroche, 53 ans, n’a jamais emprunté la voie la plus courte.
« J’adore me mettre à la place des autres »
Née à Toulon dans une famille modeste, la petite Sandrine grandit dans l’appartement situé à l’arrière du salon de coiffure familiale. Sous les bigoudis, elle passe « beaucoup trop de temps à observer les femmes » qui sont aujourd’hui son inspirant. Mais chaque après-midi les clientes de sa mère et sa tante sont son premier public.
Quand elle n’imite pas Sheila - « j’ai dû saouler mes parents à chanter tout le temps » -, elle singe ces femmes qui passent sous ses yeux, sa mère la première. « Quand ma sœur est née, j’avais quatre ans. C’est moi qui racontais l’accouchement de ma mère à la première personne du singulier. Depuis toujours j’adore me mettre à la place des autres », se souvient-elle.
Plus de vingt ans plus tard, c’est encore dans la peau d’autres qu’elle-même qu’elle arrache les sourires. De la bourgeoise parisienne à l’ado adepte de la formule « trop pas » en passant par la concierge portugaise puis la mamie en Ehpad… Pourtant la néoparisienne n’a vécu aucune de ces vies-là. Mais chacune d’elles a un petit peu des femmes qu’elle a croisées. « Je trouve la vie des femmes plus riche », justifie l’humoriste y voyant plus « d’empêchements et de difficultés ». C'est d'ailleurs d'abord dans sa vie de femme, de mère et d'épouse qu'elle puises ses premières inspirations. « Je cite souvent cette phrase qui dit que quand les hommes ont une double vie, les femmes ont une double journée. »
Cantatrice dans d’éphémères rêves
« Comme j’étais nulle en sport mes parents m’ont fait faire du chant et du piano donc j’ai eu une activité artistique dès le plus jeune âge », précise Sandrine Sarroche. Ce bagage en poche, c’est l’une des clientes de sa mère l’emmène pour la première fois à l’opéra. Les spectacles mêlant voix lyriques et comédies font briller ses yeux d’enfant. La jeune Sandrine se laisse aller à des rêves de cantatrice. « À la fin on allait voir les chanteurs qui me signaient le programme. Je leur disais que j’aurais aimé faire du chant. Très souvent la réponse était la même : "Tu sais ma p'tite, il y a beaucoup d’appelés, peu d’élus". » Bam dans ses rêves d'enfants.
Si elle poursuit les cours de chant, elle range rapidement au placard ses espoirs d’en faire son métier et poursuit une scolarité sans accroc. Malgré les mentions « bavardages incessants » ponctuant ses bulletins de notes, elle est la première de sa famille proche à décrocher son Bac et sent la pression familiale s’intensifier sur ses épaules. Peu inspirée, elle ambitionne de devenir « ministre de la condition féminine » et s’inscrit en classe prépa pour intégrer l’Ena ou Sciences po. Après un premier échec, elle se réoriente vers le droit et parvient à réussir une année, puis une autre. « À partir de ce moment-là, c’est un peu comme au casino, tant que tu gagnes, tu joues… » C'est désormais elle qui allume la lueur dans les yeux de ses proches qui la voient promise à une grande carrière de juriste.
Ses études la mènent à Paris pour la première fois. Au même moment ses parents divorcent. Elle n’a plus d’autre choix que de réussir. « Il fallait que je bosse le plus rapidement possible, j’ai commencé à travailler comme surveillante dans un collège au même moment… » Son Master en poche, elle conclut sa formation par le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) et est embauchée comme juriste à la Cnil.
Accumuler ses « étoiles »
Si le métier ne l’excite pas, elle se force et se dit qu’elle finira bien à trouver sa place. En 2000, elle est ovationnée lors de son passage à la conférence Berryer, un concours d’éloquence dédié aux jeunes avocats auquel est convié Patrick Bruel. C’est l’ultime déclic qu’il lui faut pour claquer la porte de son travail. « J’ai démissionné quelques jours plus tard en me disant que j’allais écrire quelque chose », se félicite-t-elle, précisant qu’à cette époque, elle est déjà mariée et que son compagnon la soutient dans ce projet.
« Toute ma vie, j’ai accumulé des petites expériences qui me montraient la voie vers la scène. C’est comme le parcours de Mario Bros. avec des petites étoiles que tu manges pour accumuler des points. Toutes ces étoiles un jour, te mettent face à l’évidence que tu ne fais pas ce pour quoi tu es faite. »
Son ambition scénique ne l’empêche pas de devenir mère trois ans plus tard, alors qu’elle est autrice pour le Top 50, alors diffusé sur TF6. Lorsqu’elle présente son premier spectacle Je suis Ségolène, dans lequel elle incarne la coiffeuse de la candidate malheureuse à la présidentielle, c’est le cœur lourd qu’elle part chaque soir jouer au Théâtre de Dix Heures. « Quand je partais, mon fils me disait : "Maman, toi pas théâtre ce soir ?". C’était horrible ! » Avec le recul, Sandrine Sarroche estime aujourd’hui « en avoir plus souffert que lui », une histoire « de charge mentale », selon elle.
« On est des paradoxes sur pied »
Aujourd’hui, elle relativise son passé de juriste. « Je suis une éternelle débutante et j’aime ça. » Elle dit avoir appris la précision durant ses études de droit. « Quand on écrit une chronique, on peut passer une heure sur une phrase. » Car décortiquer l’humain n’est pas une mince affaire. « On est des paradoxes sur pied, des "en même temps" permanents. Ça m’arrache la bouche de le dire car on voit bien avec Emmanuel Macron que ça ne marche pas… » Alors pourquoi choisir ? Sandrine Sarroche cumule les mandats et les personnages, majoritairement féminins.
Et puis il y a son arrivée à l’écran, près de dix ans après l’écriture de son premier spectacle. Sandrine Sarroche raconte que c’est sur scène qu’elle a été repérée par le producteur de l’émission Zemmour et Naulleau, sur Paris Première. Fini d’écrire pour les autres, c’est désormais son visage - souvent grimé - qui crève l’écran. « C’était horrible pour moi d’être en coulisse ! » Cela tombe bien puisqu’elle a depuis accumulé les passages médiatiques, sans vraiment « faire attention à son image ». Comme lors de son éphémère passage dans Touche pas à mon poste en 2021. « Je ne regardais pas du tout l’émission et je voulais faire l’expérience par moi-même. Mais je ne me suis pas sentie à ma place, à la limite ma chronique était le truc le plus sérieux de l’émission… » Qu’à cela ne tienne, elle a finalement trouvé sa place tous les vendredis dans RTL Matin et une fois par semaine dans C à Vous.
Elle y livre des chroniques hybrides tantôt parlées, tantôt chantées mais concède que la scène reste quand même un « bastion de liberté incroyable ». « Au final, j’ai un peu réalisé mon rêve d’enfant, ça prouve une fois de plus qu’il faut s’y accrocher et que si on n’y arrive pas directement, rien n’est jamais perdu ! »