Le Djihad littéraire de Chuck Palahniuk
ROMAN•«PYGMY» descend en flammes l'Amérique...Hubert Artus
«Céans commence rapport premier agent-mézigue, opérateur num. 67, arrivée airoport Moyen-Ouest amer-ricain, région XXXX, vol XXX, date XXXX. Priorité: accomplir mission avec succès top-eksellent. Nom codé: Opération Dévastation». A priori c’est hyper codé, et pourtant on saura tout en trente-six «dépesches» écrites par opérateur 67, aussi appelé «Pygmy». Tout sur le projet d’ados fondamentalistes venus d’une dictature lointaine pour préparer un attentat contre les Etats-Unis.
Un ado formaté pour tuer
Pygmy (éd. Denoël) est le manuel du petit djihadiste: formation en chimie, pilotage, infiltration dans la société américaine. Et un miroir. Palahniuk campe parfaitement ces ados sexistes, mais par l’intermédiaire de leur culture, il descend en flammes l’Amérique: consumériste, fermée, imprégnée d’un certain fondamentalisme chrétien.
Comme à chaque fois, il y a une trouvaille stylistique. Pour camper le mauvais anglais et l’absence d’identité propre de son ado formaté pour tuer, Palahniuk adopte un style dépersonnalisé (pas de «je»), où les descriptions sont remplacées par des juxtapositions d’impressions et d’allitérations. C’est parfois quasi illisible, mais c’est une prouesse narrative. Comme toujours, mais plus moral que jamais, Palahniuk joue avec nos nerfs.