«Grand homme», «homme de savoir», «grand cinéaste»… Les superlatifs pleuvent après l’annonce du décès d’Eric Rohmer, lundi soir, à l’âge de 89 ans.

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L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a salué «l'un des maîtres du cinéma français». «Son écriture et ses créations sont placées sous le signe de l'exigence et de la rigueur. Il aura été l'homme de toutes les découvertes: un art cinématographique à nul autre pareil, la révélation d'acteurs encore inconnus, la prospection d'univers philosophiques et esthétiques insoupçonnés», écrit Jack Lang dans un communiqué. Et de conclure: «Son oeuvre dominera l'histoire cinématographique française par sa stature originale et révolutionnaire.»

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a salué dans un communiqué «l’un des plus grands auteurs du cinéma français», qui «a su inventer un langage cinématographique qui puise dans les subtilités mêmes de la langue française». Le ministre ensuite comparé l'oeuvre d'Eric Rohmer à «la grande tradition littéraire des analystes du coeur, les Musset, les Marivaux et les moralistes classiques».

Longévité et maîtrise

Plus que son exceptionnelle longévité, c’est sa maîtrise du cinéma qui suscite l’admiration. «Sous l'apparente légèreté, il mettait dans ses films une rigueur qui le place parmi les plus grands metteurs en scènes de l'histoire», estime Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes.

«Eric Rohmer a réalisé une oeuvre très cohérente, travaillant par cycles avec des films qui se répondaient», a rappelé Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque sur France Inter, évoquant «une oeuvre romanesque unique très identifiée par son public à travers le monde.»

Pour tous, la patte Rohmer restera. «C’était un homme libre avant tout, qui avait créé une aventure cinématographique unique au monde», a salué le comédien Pascal Greggory, révélé par Rohmer, sur France Inter. L’acteur se souvient du cinéaste comme d’un «passionné de littérature» qui «n’a jamais fait de concession au monde du cinéma». «Un homme de grand savoir», également, souligne encore Pascal Greggory qui rappelle qu’Eric Rohmer avait fondé Les Cahiers du cinéma.

«Il donnait sa chance aux gens»

Derrière le professionnel reconnu et applaudi se cachait un homme discret et très apprécié. «Un grand cinéaste» et «un grand cœur», résume la comédienne Marie Rivière, qui a tourné trois films avec Eric Rohmer. «Il donnait sa chance aux gens, aux techniciens, aux acteurs inconnus. Fabrice Lucchini, moi-même et Arielle (Dombasle) n'étions pas connus quand il nous a pris», a-t-elle ajouté. «Nous l'aimions comme un proche, il a été notre créateur».

Révélée par Eric Rohmer dans Pauline à la plage, Arielle Dombasle garde un souvenir ému du cinéaste qui a joué un rôle de mentor. «C'est quelqu'un qui m'a fait lire pour la première fois Marivaux qui m'a montré ce qu'était la beauté classique des textes», a-t-elle expliqué sur Europe 1. «Il m'a fait comprendre ce qu'était le cinéma, l'écriture cinématographique, l'écriture d'un vrai auteur. Moi, il m'a fait découvrir le cinéma», a-t-elle ajouté.

Fabrice Luchini «doit tout» à Eric Rohmer. «Il m'a nommé, j'ai fait mes premiers films avec lui notamment "Le Genou de Claire" en 1970», a déclaré le comédien qui considère Eric Rohmer comme «le plus grand cinéaste de la Nouvelle Vague après François Truffaut». «Il ne reste que Godard, et éventuellement Chabrol», a ajouté Fabrice Luchini.

Selon Marie Rivière, qui l'avait vu il y a peu de temps, «les derniers jours, il voulait encore du papier et un crayon pour écrire».

L'hommage de Sarkozy

Dans un communiqué publié par l'Elysée, le chef de l'Etat a salué la mémoire du réalisateur. «Il a été à l'origine des cahiers du cinéma et de l'aventure de la "nouvelle vague", pourtant son cinéma est resté singulier, unique. Il tenait de la littérature, il tenait de la peinture, il tenait du théâtre et de la musique», a-t-il dit.

«Éric Rohmer n'a jamais oublié de donner son temps à la transmission de son amour du cinéma, au grand public de la télévision, aux étudiants, aux lecteurs», poursuit le président. Il rend enfin «hommage au talent et à la vérité d'un grand auteur qui continuera longtemps à nous parler et à nous inspirer».