Herta Müller, témoin du régime de Ceaucescu

Herta Müller, témoin du régime de Ceaucescu

PORTRAITL'Allemande a reçu jeudi le prix Nobel de littérature 2009...
Sa. C.

Sa. C.

Mais qui est Herta Müller? Alors que les bookmakers pariaient sur Amos Oz, Assia Djebar ou encore Joyce Carol Oates pour le prix Nobel de littérature 2009, l’écrivaine allemande d’origine roumaine a coiffé tout le monde au poteau. Portrait.


Critique de Ceaucescu


Connue pour ses oeuvres décrivant la vie sous le régime totalitaire de Ceaucescu, Herta Müller est récompensée pour avoir «avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la prose, dessiné les paysages de l'abandon», selon les attendus en français de l'Académie.


Née le 17 août 1953 dans le village germanophone de Nitzkydorf, en Roumanie, Herta Müller est la petite-fille d'un agriculteur et commerçant aisé, dépossédé par les communistes. Sa mère a été déportée dans un camp de travail forcé en Union soviétique. En Roumanie, elle fut proche dans sa jeunesse d'un groupe d'écrivains germanophones perçu par le régime de Nicolae Ceaucescu comme un «ferment d'opposition».


Peu connue du grand public jusqu'au début des années 2000, elle a été découverte et saluée par la critique dès 1984, avec la parution d'un recueil de récits, Bas-fonds, qu'elle avait réussi à faire sortir clandestinement de Roumanie.


«Ses romans Le Renard était déjà le chasseur, Herztier, La Convocation donnent avec leurs détails ciselés une image de la vie quotidienne dans une dictature pétrifiée», a souligné jeudi l'Académie. Il est vrai que le style Müller n’a rien de joyeux ni d’optimiste. Dans ses différents livres, elle s’attache à pister les ravages d’un régime oppressant, traquant la réalité sociale très dure de la Roumanie. Deux de ses livres – La Convocation (2001) et L’Homme est un grand faisan sur terre (1990) – s’inscrivent dans la même veine combattante de cette écrivaine engagée.


Au cœur du régime


Car depuis ses débuts professionnels en tant qu’interprète, en 1976, Herta Müller a été confrontée plus d’une fois à la violence du régime de Ceaucescu. Alors qu’elle travaille pour une société d’ingénierie, elle est renvoyée après son refus de coopérer avec la Securitate, la police secrète du régime communiste.


Son destin est scellé: elle décide de s’opposer au régime de l’intérieur, à travers la littérature. Son premier livre est publié en Roumanie (en langue allemande) en 1982, dans une version expurgée par la censure du régime. Consciente qu’elle ne peut écrire librement – et frappée du sceau de l’interdiction de publier – elle fuit la Roumanie en 1987 pour s’installer à Berlin.


Elle ne rompt pas avec son pays d’origine pour autant. Toujours vigilante sur la situation politique sur place, elle écrit une lettre ouverte très critique au président de l’institut culturel de Roumanie, en juillet 2008. En cause: le soutien de l'Institut à germano-roumain Summer School à deux anciens informateurs de la Securitate, son ennemie de toujours. La voici aujourd’hui récompensé pour son combat.