On savait que Rimbaud voulait être journaliste, ce qu’on ne savait pas, c’est qu’il y était parvenu. Les biographes vont devoir se remettre au travail: un article du poète, publié dans Le Progrès des Ardennes en novembre 1870, a été découvert par hasard fin avril à Charleville-Mézières. Un événement littéraire: le dernier inédit de Rimbaud découvert date des années 40.

Novembre 1870. La France et la Prusse sont en guerre depuis quelques mois. Dans un article intitulé «Le rêve de Bismarck», Rimbaud, tout juste 16 ans, s’attaque en une métaphore au style enlevé à la figure du chancelier prussien. L’existence de ce texte était avérée: Delahaye, le plus fidèle ami de Rimbaud, l’avait décrit en détail en expliquant que le poète l’avait proposé au Progrès. Les biographes pensaient cependant qu’il n’avait jamais été publié.

«Plus intéressant historiquement que littérairement»

C’est un cinéaste de 32 ans, Patrick Taliercio, qui a exhumé le texte en effectuant des repérages à Charleville-Mézières en vue d’un film sur la seconde «fugue» de Rimbaud en octobre 1870. Il a découvert l’exemplaire du Progrès des Ardennes chez un bouquiniste. Le titre de l’article, «Le rêve de Bismarck», et la signature, Jean Baudry, lui sautent immédiatement aux yeux, faisant échos aux déclarations de Delahaye.

Dépassé par l’ampleur de sa découverte, le timide Patrick Taliercio ne souhaite plus répondre aux médias. C’est donc les spécialistes du poète — la «Rimbaldie» — qui répandent la bonne nouvelle. Interrogé lundi par Frédéric Taddéï sur France 3, l’écrivain Marc-Edouard Nabe parlait de «plus grande découverte littéraire du siècle».

Sans tomber dans l’excès, Steve Murphy, professeur à l’université de Rennes II et spécialiste de Rimbaud estime pour 20minutes.fr que c’est une «découverte extraordinaire, même si ce n’est pas un grand texte de Rimbaud». «C’est plus intéressant historiquement et biographiquement que littérairement».

Rimbaud était aussi patriote

Avec cet article, les biographes découvrent un Rimbaud patriote, loin de l’image que l’on en a traditionnellement. Quelques mois auparavant, le 25 août 1870, dans une lettre à Georges Izambard, le poète de 15 ans ironisait sur le patriotisme ambiant: «C’est épatant comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous les ventres, qui, chassepot au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières».

Mais le 4 septembre, Léon Gambetta et ses amis proclament la République, faisant tomber le Second Empire. «On voit dans l’article que l’avènement de la République a converti le jeune Rimbaud au patriotisme. Il écrit un texte contre Bismarck pour protéger le nouveau régime», explique Steve Murphy.

D’autres textes de Rimbaud pourront-ils un jour être exhumés? «C’est possible», estime Steve Murphy. «Il y a peut-être des poèmes cachés dans des collections privées». Ou d’autres articles dans d’autres éditions du Progrès… La chasse est ouverte.

>> Vous voulez lire l'article de Rimbaud? Le journal «L'Union» le publie sur son site Internet...