QUAIS DU POLARCes super flics devenus auteurs de polar

Quais du polar: Ils étaient policiers, ils sont devenus des auteurs à succès

QUAIS DU POLARLe festival Quais du polar, qui s’ouvre vendredi à Lyon, a invité plusieurs commissaires de police, devenus des écrivains à succès…
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Quais du polar, de vendredi à dimanche, a invité les anciens flics Christophe Molmy, Christophe Guillaumot et Olivier Norek.
  • Si la plupart reconnaissent que les enquêtes sur lesquelles ils ont travaillé peuvent être source d’inspiration, tous admettent que la clé de la réussite est le « talent de conteur ».

Traques de tueur en série ou de baron de la pègre, rapt, kidnapping d’enfants… Qui d’autre qu’un policier est le mieux placé pour en parler ? Depuis quelques années, de plus en plus prennent la plume pour écrire des romans noirs, inspirés parfois d’histoires réelles sur lesquelles ils ont enquêté et qui cartonnent auprès des lecteurs. Cette année, le festival Quais du Polar, qui s’ouvre vendredi à Lyon, en a convié trois : Christophe Molmy, Christophe Guillaumot et Olivier Norek.

Mais le vécu ou l’expérience sur le terrain n’est pas en soi un gage de réussite. Loin de là. La clé du succès, c’est « avant tout l’écriture », répond Ivan Buthon de la librairie Esprit Livre. « Être commissaire de police ne fait pas forcément de vous un bon romancier. Il faut savoir mettre en scène ses histoires. Il ne s’agit pas d’écrire point par point ce que l’on observe. Le tout est de savoir captiver le lecteur, le plonger dans une ambiance en s’affranchissant des règles de procédure. »

Du vécu mais un talent de conteur avant tout

Danielle Thiéry, lauréate du Prix Quais des Orfèvres en 2013 pour Des clous dans le cœur, est l’une des premières à l’avoir compris. Ancienne commissaire divisionnaire, elle a pris la plume dans les années 1990 à la fin de sa carrière. Elle est d’ailleurs la seule policière française à écrire des romans aujourd’hui.

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« Si on a simplement des enquêtes à raconter, on va vers le documentaire. Il faut avant tout avoir un talent de conteur d’histoire. Vous devez respecter certains codes », explique-t-elle. Comme « mettre en scène des ingrédients pour accrocher le lecteur et le tenir en haleine ». Elle poursuit : « Il doit se sentir intelligent mais au final vous êtes le marionnettiste qui tire les ficelles. Vous êtes le seul à connaître la fin de l’histoire. ». Une histoire qui se dessine au fil des pages et non au gré des dossiers d’archives ressortis pour l’occasion.

Le « réalisme », ligne directrice d’Olivier Norek

« Le polar, c’est vraiment l’antithèse de l’enquête de police, estime Danielle Thiéry. On est dans une démarche totalement inverse. Dans le roman, on part d’une idée, d’une chose qui vous tracasse ou vous interpelle, pour servir l’affaire et mettre en place les éléments de la vérité. Dans l’enquête, on part d’un fait, un crime ou un assassinat par exemple, et on tire le fil. La vérité existe avant que vous ne la découvriez. »

Une fois que l’idée est là, l’ex-commissaire divisionnaire pioche des éléments dans ses souvenirs, des affaires qu’elle a traitées ou des personnages rencontrés. Elle n’hésite pas non plus à « replonger dans la vie de service qui [l’a] fait toujours vibrer » pour rester réaliste. Le « réalisme » est aussi la ligne directrice d’Olivier Norek, lieutenant à la police judiciaire de Saint-Denis pendant 18 ans et aujourd’hui « en dispo ».

« Une carte de police pour ouvrir des portes, un flingue pour fermer des gueules »

Pour les besoins d’Entre deux mondes, l’homme s’est immergé trois semaines dans la Jungle de Calais. « J’ai pu goûter à la peur, aux angoisses de chacun. Comme une éponge, je me suis imprégné de tout ça pour retranscrire ensuite des émotions. Il faut aller voir les choses avant d’écrire dessus », appuie-t-il. Et d’ajouter : « Pour réaliser un bon livre, il faut connaître les textures, les odeurs, les couleurs. C’est essentiel. » Le vécu ne suffit pas. En faire des tonnes non plus.

« Quand je raconte certaines affaires sur lesquelles j’ai travaillé, les gens écoutent et me renvoient cette impression que ma vie est un film. Mais au fond, je suis quelqu’un de très ordinaire, qui a simplement été face à des situations extraordinaires », ajoute l’écrivain se refusant de mettre en scène des super flics. Pas question non plus d’exorciser des années de travail au moment de remplir une page.

« Il faut arrêter de penser que l’écriture est une catharsis. Pendant des années, j’ai eu une carte de police pour ouvrir des portes et un flingue pour fermer la gueule de certains. J’ai toujours su prendre du recul. J’avais une devise : ce ne sont pas tes proches, ce n’est pas ta peine. Sinon, on porte un fardeau de quatre tonnes sur les épaules », explique-t-il. Un avis partagé par Danielle Thiéry. « N’allez pas imaginer qu’on a trop de choses sur le cœur et qu’on n’en peut plus de cette vie-là. Si c’était le cas, je serais allée consulter un psychologue et cela aurait été bien plus efficace », conclut-elle en plaisantant.