Bastien Vivès: «Au collège, une poitrine naissante devenait gigantesque pour mon esprit tourmenté»
INTERVIEW•Le prodige de la BD commente pour 20 Minutes quelques cases de « Hollywood Jan », réédité dix ans après sa création…Olivier Mimran
L'essentiel
«Hollywood Jan », réédité dix ans après sa sortie par Casterman, raconte les déboires d’un collégien.
« 20Minutes » a soumis quelques cases de sa première BD à Bastien Vivès.
Bastien Vivès et Michaël Sanlaville (coauteurs, avec Balak, de la série à succès Lastman) débutaient à peine lorsqu’ils ont cosigné en 2008 Hollywood Jan, leur œuvre de jeunesse.
Pour fêter les 10 ans de cet album réédité par Casterman avec une version augmentée à paraître le 28 mars, 20 Minutes a soumis une séquence phare de l’album à Bastien Vivès, afin de savoir ce qu’il en pense aujourd’hui.
En quoi cette séquence résume-t-elle l’album ?
Elle condense tous les axes du récit : on a un univers réaliste dans la première case, puis deux cases un peu plus expressionnistes dans lesquels on comprend que le jeune Jan va focaliser sur une fille, et enfin une case de pure imagination - celle de Jan, ce qui est très important dans le livre… mais chut ! Je ne veux pas spoiler.
Quelle est l’intention de la première case ?
On voulait montrer, ou plutôt rappeler aux gens, combien le collège est un lieu bizarre, où les ados ont tous des physiques super différents. Ça trouble quand même, à la rentrée scolaire, de se retrouver dans une classe avec des gars super grands, d’autres tout petits, des filles qui commencent à avoir des formes, et je ne parle pas de ce calvaire de la puberté qu’est l’acné, face à laquelle personne n’est égal…
J’aime bien revoir les tronches de ces ados, là, dans la première case. on leur a effectivement mis des boutons plein la tronche et on se marrait bien en le faisant… mais par vengeance, hein, parce qu’on sortait nous-mêmes à peine de l’enfer de l’adolescence (rires).
Les deux cases suivantes évoquent le désir naissant, non ?
Ça vient d’un souvenir de collège, vers la 4e, quand j’ai fixé mon regard sur une fille qui n’avait qu’un tout petit peu de poitrine, tout juste naissante, mais à laquelle mon esprit tourmenté donnait des proportions gigantesques (rires). À notre décharge, des garçons comme Michaël ou moi avons un peu loupé le coche de la puberté parce qu’à l’époque, on était tout le temps en train de dessiner dans notre coin. On était ces types qu, physiquement, ont l’air d’avoir trois ans de moins que leurs camarades de classe. Alors évidemment, on se faisait des films…
La dernière case est obscure quand on n’a pas lu l’album…
Ah bon ? Moi, je trouve qu’on comprend tout de suite que le jeune Jan est étourdi par le charme de sa voisine de classe. Il est assommé, quoi, comme s’il s’était pris un crochet.
Comment vous est venue l’idée de bosser à quatre mains ?
C’était la première fois que je travaillais avec Michaël, que j’avais rencontré à l’école des Gobelins. Là-bas, pendant les cours (rires), on s’est vite rendu compte qu’on avait plein d’atomes crochus parce qu’on avait les mêmes influences culturelles, mais surtout le même style de dessin et une même approche des arts graphiques.
En fait, dès le départ, on s’est bien complétés : moi, j’admirais le dessin de Michaël que je trouvais très clean ; et lui appréciait le mien qui lui semblait plus « libre ». Et puis à la fin de nos études, nos styles ont comme… fusionné. Enfin on avait tous les deux un dessin un peu « collectif ». Et je crois que c’est le style qu’on retrouve dans Lastman. Dans Hollywood Jan, on perçoit encore un peu de Michaël par ici et un peu de moi par là, mais on sent aussi le début d’une sorte de symbiose.
Bref ; après les Gobelins, on a tous les deux été embauchés par le même studio de production d’animation. Alors à force de passer de nouveau nos journées ensemble, on a naturellement pensé à créer une BD en duo et on s’est lancés dans l’aventure Hollywood Jan.
Vous vous répartissez les tâches au hasard ?
Non, ça a été du « toi, tu vas faire ci et moi je vais faire ça ». On s’est attribué des séquences par affinités, quoi. Celle qui est présentée ici est de moi, ça tombe bien (rires) ! Pour faire court, toutes les séquences action, c’est plutôt Michaël et toutes les séquences « bla-bla », c’est plutôt moi (rires).
Il y a déjà du Lastman dans Hollywood Jan. Non ?
Oui, complètement. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’à partir de cette collaboration, Michaël était pour moi une « valeur sûre ». Donc dès qu’on a commencé à parler de Lastman avec Balak, on a tout de suite pensé à Michaël pour compléter notre trio. Perso, je n’aurais pas pu me lancer dans une telle aventure sans lui parce que lui et moi sommes vraiment hyper-complémentaires : ce que je n’arrive pas à dessiner - les décors et les voitures, par exemple -, il le fait super bien ; et inversement, je dessine les filles parce que lui n’y arrivait pas (mais ça n’est plus vrai aujourd’hui).
Pour en revenir à la séquence commentée, qu’en changerais-tu si tu le pouvais ?
En vérité, je trouve que même si le dessin pourrait être plus lisible, cette séquence est très bien, elle dit bien ce qu’on va découvrir dans le livre. Mais bon, à la réflexion, je referais sûrement les bords de cases un peu plus droits (rires).
« Hollywood Jan », de Bastien Vivès & Michaël Sanlaville - éditions Casterman - 18 euros
En vente le 28 mars 2018