JAPONUn groupe d’idols transgenre japonais veut «voir disparaître le mot LGBT»

VIDEO. Japon: Le groupe d’idols transgenre «Himitsu no Otome» voudrait «voir disparaître le mot LGBT»

JAPONLe groupe récemment formé par une importante agence artistique japonaise vient de donner son premier concert à Tokyo...
Mathias Cena

Mathias Cena

De notre correspondant à Tokyo,

Akihabara, un soir de fin février. Dans une rue calme de ce quartier considéré comme geek et otaku de Tokyo, plusieurs dizaines de personnes, pour la plupart des hommes entre 25 et 55 ans, font la queue devant la porte d’un club, scène classique avant un concert d’idols - ces artistes souvent jeunes qui chantent, dansent ou jouent la comédie et se distinguent par une proximité affichée avec leurs fans.

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Au sous-sol, parmi les groupes qui se préparent à monter sur scène, un duo féminin en robes bleue et rose et nœuds assortis dans les cheveux, et une équipe de six adolescentes de 13 à 17 ans, qui sera le clou de la soirée. Présence moins « classique » dans le monde des idols, la première partie de ce concert est assurée par les « Himitsu no Otome » (qu’on pourrait traduire par « les jeunes filles secrètes »), un trio transgenre formé il y a six mois qui se produit en public pour la toute première fois. Leur premier disque est prévu pour le 4 avril.

« On était stressées, on craignait des réactions un peu froides ou négatives des spectateurs qui ne nous connaissaient pas », raconte Natsuki, leader de ce groupe que 20 Minutes a rencontré la semaine dernière après leur répétition de chant. « Mais les gens, qui étaient venus pour les autres idols, ont été très chaleureux, ça nous a encouragées », embraye Gorina.

« Gays, dragqueens, trans… Tout se mélange un peu dans l’esprit des gens »

Au Japon, premier pays à élire un homme trans dans un conseil municipal l'an dernier (une femme trans avait été élue dès 2003 à Tokyo), les minorités sexuelles n’ont pas pour autant pignon sur rue, et leur existence est loin d’être une évidence pour tout le monde. Au début de l’année, le dictionnaire nippon de référence Kojien, qui publiait sa première édition mise à jour depuis dix ans, a intégré le terme LGBT dans ses pages, mais en le définissant vaguement comme décrivant « les personnes dont les orientations sexuelles sont différentes de la majorité ». Cette définition, qui omettait le T (« transgenre ») de l’acronyme, a suscité une vague de critiques et l’éditeur a finalement dû publier un correctif.

« Tout se mélange un peu dans l’esprit des gens, regrette Natsuki : gays, dragqueens, trans… Au Japon, il y a cette image de l’okama [un terme péjoratif qui désigne les hommes homosexuels] jovial, à forte personnalité et amusant en société, qui est véhiculée à la télévision. » Des personnalités comme Matsuko Deluxe, un homme travesti omniprésent dans les émissions de variété, sont plébiscitées sur les chaînes nipponnes, où elles incarnent une parole libre qui s’écarte de la norme et sont encouragées à « choquer ».

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Matsuko Deluxe

Avec tous ces clichés, « les gens ne comprennent pas vraiment ce que signifie être trans, renchérit Gorina. Je pense aussi que les Japonais ne sont pas très doués pour accepter la différence. Certes je travaille dans le show-biz, mais dans la vie de tous les jours, j’ai appris depuis longtemps à fuir le climat d’intolérance. »

« Abattre le mur de l’incompréhension »

« On ne critique pas les gens qui correspondent à ce stéréotype, tempère Natsuki. Je respecte beaucoup Matsuko par exemple. C’est aussi grâce à eux qu’on peut avoir cette place aujourd’hui et former ce groupe. Mais en contrepartie de la tolérance pour les minorités sexuelles dans le divertissement ou la comédie, je trouve qu’il y a peu de respect dans la société pour nous en tant que personnes », résume-t-elle.

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Le documentaire «High Heels Revolution» (2016) raconte le cheminement personnel et la transition de Natsuki

Les Himitsu no Otome « chantent, dansent, veulent se faire remarquer et faire du bruit », proclament leurs flyers. En se produisant sur scène, Natsuki, Gorina et Kokoro disent ainsi vouloir « abattre le mur de l’incompréhension ». Elles sont produites et appuyées dans cette vaste entreprise par Stardust Promotion, une importante agence qui représente notamment le populaire groupe d’idols Momoiro Clover Z.

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Kokoro, la plus jeune du trio, qui a participé en 2014 au concours de beauté transgenre Miss international Queen en Thaïlande, dit aussi vouloir profiter de cette nouvelle carrière d’idol pour « mûrir et devenir plus forte », se blinder face à ces mots d’okama ou de « new half » (un terme japonais qui désigne les personnes trans, surtout les femmes) qu’elle n’aime pas entendre. « Mais on ne veut pas être prises en pitié, prévient Gorina. Tout le monde a des problèmes, que ce soit en famille, à l’école, ceux qui se font harceler… La vie est dure pour tout le monde ! »

Des personnages moins caricaturaux apparaissent dans les « drama »

Lucides sur la situation des minorités sexuelles, les trois chanteuses reconnaissent malgré tout un début d’ouverture dans la société : « Natsuki et moi avons 30 ans, mais Kokoro, qui en a huit de moins, est presque d’une autre génération de ce point de vue. Avant on pouvait se faire traiter d’okama dans la rue, mais de plus en plus de gens nous acceptent. »

Ces derniers mois, les chaînes japonaises multiplient aussi les « dramas » ou séries télévisées avec des personnages LGBT s’éloignant des caricatures. La chaîne publique NHK a ainsi diffusé au début de l’année Joshiteki Seikatsu (« La vie en fille »), dont le personnage principal est une femme trans. « C’est une femme qui aime les femmes. Bien sûr, il y a aussi des hommes trans qui aiment les hommes, des hommes trans qui aiment les femmes, etc., mais ce genre de séries permet de suggérer au public cette diversité », convient Natsuki.

Mettre le coming-out au placard

Pour encourager la tolérance, le groupe aimerait voir disparaître le terme « LGBT ». « C’est simpliste et problématique de tout vouloir regrouper sous un terme unique, pense Natsuki. Nous, par exemple, on est trans et on ne sait pas spécialement ce que ressentent les L, G et B et les difficultés qu’ils rencontrent. C’est un peu un non-sens de vouloir tout catégoriser, même si ça semble pratique. »

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Le groupe Himitsu no Otome

Les trois idols aimeraient aussi que soit remisé pour de bon le mot « coming-out ». « On voudrait que chacun soit comme il est et qu’il n’y ait pas un "dans" ou un "hors" du placard », explique Natsuki. Tout en se défendant de vouloir devenir les symboles d’une quelconque communauté, les Himitsu no Otome voudraient bien, à la limite, représenter « ceux qui cassent le mur ».