Quand la physique entre en cuisine
GASTRONOMIE•Alors que la cuisine moléculaire fête ses vingt ans, un cuisinier et un physicien font labo commun...Stéphane Leblanc
Certes, c'est un hasard de calendrier, mais vingt ans de cuisine moléculaire, ça se fête ! Avec un menu en trois temps : navet « daïkon », homard à l'américaine et poire Belle-Hélène. Des produits proposés bruts, puis déstructurés en « perles de saveur » et recomposés selon la créativité du chef. Cette expérience menée au Laboratoire, nouvel espace d'exposition à Paris (1er), est le fruit d'un travail de recherche entre Thierry Marx, chef du Château Cordeillan-Bages (Pauillac), et Jérôme Bibette, directeur de laboratoire à l'Institut de physique et de chimie industrielle de la Ville de Paris. Elle repousse les limites de la gastronomie moléculaire.
Cette discipline purement expérimentale, initiée dès 1988 par le Français Hervé This et l'Anglais Nicholas Kurti, ne s'inscrit pas en réaction à la cuisine traditionnelle. Elle s'intéresse aux particules physico-chimiques des produits, et a permis d'inventer la chantilly de foie gras ou l'écume de champignon. Jusqu'ici, on savait « encapsuler » les saveurs dans une substance à base d'algue. Rien de tout cela ici. « La goutte qui tombe dans une solution d'eau salée se dote d'une membrane proche du centième de millimètre sans que les deux fluides ne se mélangent », se félicite Jérôme Bibette. Thierry Marx s'exclame : « Zéro intermédiaire, on est au plus près du produit. » Est-ce bon pour autant ? La poire Belle-Hélène séduit : on distingue bien le goût des perles du fruit, de vanille et de chocolat. Mais pour le homard, on peine à distinguer le crustacé de l'oignon et de la tomate. Le cuisinier et le physicien sont d'accord : il leur faut « chercher encore ».