PRÊTLa France envisage de prêter la Tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni

La France envisage de prêter la Tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni

PRÊTUn geste fort pour solidifier les relations franco-britanniques en plein Brexit...
La tapisserie de Bayeux, illustration
La tapisserie de Bayeux, illustration - Stéphane Maurice/AP/SIPA
Laure Beaudonnet

L.Be. avec AFP

C’est un chef-d’œuvre du Moyen-Âge et un symbole quasi-millénaire des relations longtemps belliqueuses entre l’Angleterre et le continent. La célèbre Tapisserie de Bayeux, pourrait être prêtée dans quelques années au Royaume-Uni, un geste fort pour solidifier les relations franco-britanniques en plein Brexit.

L’Elysée a fait savoir ce mercredi que le président français Emmanuel Macron et la Première ministre britannique Theresa May annonceront, lors du sommet franco-britannique de jeudi, un programme d’échange d’œuvres, qui pourrait inclure la fameuse Tapisserie. « Ce prêt est envisagé » mais « ce ne sera pas avant 2020 car c’est un objet patrimonial extrêmement fragile qui fera l’objet de travaux de restauration très importants » avant tout transport, précise l’Elysée.

Un ancêtre des bandes dessinées

La tapisserie quasi-millénaire, joyau médiéval de l’histoire franco-anglaise qui relate l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, et la bataille d’Hastings en 1066, attire chaque année 400.000 visiteurs dans la ville normande de Bayeux. Tout à la fois œuvre d’art et document historique, elle décrit le voyage d’Harold en Normandie, son retour en Angleterre et son couronnement après la mort du roi Edouard le Confesseur au XIe siècle. Elle montre aussi la préparation de l’expédition organisée par le duc Guillaume pour envahir l’Angleterre, la traversée de la Manche et la bataille d’Hastings.

Il s’agit d’une broderie réalisée sur une toile de lin mesurant 68,38 m, qui est constituée de neuf panneaux d’une largeur de 50 cm et de longueurs inégales, selon les informations du musée de Bayeux. Souvent décrite comme un ancêtre des bandes dessinées, et un outil de propagande politique pro-normand, la Tapisserie de Bayeux est inscrite au registre Mémoire du Monde de l’Unesco.

Réalisée par l’épouse de Guillaume le Conquérant

Le lieu de sa fabrication reste un sujet de débat. Comme le rappelle la commission française pour l’Unesco, la légende veut qu’elle ait été réalisée par la reine Mathilde, épouse de Guillaume le Conquérant, et ses suivantes, d’où le fait qu’elle donne la part belle aux Normands ; mais des inscriptions laissent penser qu’elle aurait été brodée par des moines anglais.

« La tapisserie a très probablement été conçue à Canterbury, dans le Kent (sud-est de l’Angleterre), où existaient à l’époque de nombreux ateliers de broderie », confirme Pierre Bouet, historien médiévaliste, et co-auteur de « La tapisserie de Bayeux mystères et révélations d’une broderie du Moyen Age ». « Un prêt au Royaume-Uni serait un grand événement », souligne l’historien, pour qui « ce serait donc un retour aux sources ».

En « bon état », comme l’avait notamment démontré une expertise en 1982, et conservée « dans un boîtier métallique qui la protège des incendies et de l’humidité », la Tapisserie a déjà voyagé au fil des siècles, rappelle ce spécialiste. « Napoléon a fait venir la tapisserie à Paris en 1804 pour mobiliser l’opinion publique à la conquête de l’Angleterre », projet qu’il avait dû abandonner, et elle avait également été transportée à Paris au Louvre en juin 1944, sur ordre de Hitler qui voulait « l’emmener à Berlin », dit-il.

« Un geste diplomatique extraordinaire »

Alors que Theresa May est en pleines négociations en vue du Brexit, programmé l’an prochain, ce possible prêt est « un geste diplomatique extraordinaire de la part du président français, et une marque de bonne volonté de la part de l’un de nos plus proches voisins et alliés », a salué sur la BBC Tom Tugendhat, député et président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes.

Ce serait « une occasion formidable pour les Britanniques de voir une œuvre qui fait partie des racines de notre histoire nationale », estime-t-il, suggérant que le British Museum pourrait prêter en échange la Pierre de Rosette, un de ses biens les plus précieux.

L’annonce a également fait sourire certains commentateurs britanniques, voyant dans ce geste français une façon de « moquer » ou « troller » les Britanniques en leur prêtant le symbole d’une de leurs défaites les plus cuisantes. A l’image de Kevin Maguire, un des responsables du Daily Mirror, quotidien pro-UE, qui estime que « les partisans du Brexit vont détester la Tapisserie de Bayeux ».