«Hello World»: Le jour où une intelligence artificielle a dévoilé son morceau composé avec Stromae
MUSIQUE•« Hello World », l’album multi-artistes composé à l’aide d’une intelligence artificielle, sort ce vendredi...Laure Beaudonnet
Va-t-on voir un androïde aux faux airs de David Guetta monter sur scène et remuer en rythme derrière ses platines ? Les invités amassés devant la Gaïté lyrique mercredi soir sont un peu perdus avant d’emprunter les escaliers souterrains, à quelques pas de l’entrée traditionnelle du centre culturel de la rue Papin (3e arrondissement de Paris). Ils viennent découvrir en avant-première Hello World, un album multi-artistes composé à l’aide d’une intelligence artificielle (IA). Le nom de Stromae est sur toutes les lèvres.
L’artiste aidé par la technologie
On entame les festivités par une courte exposition des instruments de musique à travers les âges avant de passer aux choses sérieuses : le coin bar, où on reste bloqué deux heures accoudé au comptoir (on a commis l’erreur d’arriver pile à l’heure). On attend impatiemment l’arrivée de Flow Machines, l’IA dont tout le monde parle. Quelques verres plus tard et un état d’ébriété palpable dans la salle, François Pachet, chercheur en intelligence artificielle chez Spotify et directeur de Flow Records, monte sur scène pour présenter la technologie. « Flow Machines est un projet scientifique, au départ, qui s’est transformé en projet musical », insiste-t-il aux côtés de son équipe.
Une vidéo se lance pour dévoiler le vrai visage de ce compositeur un peu particulier. Pour ne rien vous cacher, il a tout l’air d’un banal ordinateur qui affiche des partitions sur son écran. Le fantasme du robot humanoïde habillé tout de cuir n’aura pas survécu très longtemps dans notre esprit. Comment ça marche concrètement ? Le musicien nourrit Flow Machines de ses inspirations, de ses influences, de notes écrites sur le coin d’une table. L'IA va ensuite analyser toute cette matière et faire des propositions de compositions.
« Elle est capable de repérer des régularités que même les êtres humains ne sont pas capables de voir », indique François Pachet. Elle génère des mélodies, des harmonies, ou des voix que l’artiste peut modifier, et même effacer, au fil de la collaboration. Elle ne remplace pas le compositeur, elle l’assiste. « Pour qu’il y ait une œuvre d’art, il faut une intention, une envie, un moteur, c’est l’artiste qui fait ça, mais il va être aidé par la technologie », précise le scientifique à l’origine du projet.
Quinze chansons pour quinze histoires différentes
Le collectif artistique SKYGGE, dirigé par le compositeur Benoît Carré, s’est entouré d’artistes variés pour franchir cette nouvelle étape technologique. Stromae, l’Islando-canadienne Kyrie Kristmanson, le duo The Pirouettes, pour ne nommer qu’eux, ont participé à cet album Hello World, dont le titre fait un clin d’oeil au texte traditionnellement écrit par un programme informatique. « Chaque chanson a une histoire différente. Hello Shadow avec Stromae est très inspirée de musique cap-verdienne, explique François Pachet. Il y a des chansons inspirées de Bossa-Nova, des chansons Pop, des musiques jazz. Quinze chansons pour quinze histoires complètement différentes ».
Ça promet. A 21 heures passées, les portes de la salle de « concert » s’ouvrent enfin. Plongé dans le noir, on embarque dans un univers onirique où des lumières psychédéliques dansent sur les murs. Pendant quatre minutes, les extraits s’enchaînent, la musique vibre et le public se laisse emporter dans une expérience sensorielle surprenante. La démo est à la hauteur de nos attentes. On a le sentiment d’avoir accédé à un autre monde où l’humain s’est invité quelques minutes dans l'univers des machines pour prononcer à son tour : « Hello world ». Ou peut-être est-ce l’euphorie des vapeurs d’alcool qui parlait.