Qui sont les programmateurs de Fip, «la meilleure radio musicale du monde»? (D'où viennent-ils, quels sont leurs réseaux?)
RADIO•Nous sommes le 13 février, et c'est la journée mondiale de la radio, l'occasion parfaite pour se pencher sur le «mystère» Fip, qui réussit toujours à passer «le» bon morceau au bon moment...Vincent Jule
Une voiture sur une route de banlieue. Il est 23h passées, femme et enfant dorment à l’arrière, et l’autoradio est branché sur le 105.1 FM. Quand tout à coup la musique d’Aladdin. Oui, le film d’animation Disney. Et plus précisément la chanson Prince Ali… en version originale ! C’est aussi ça, Fip Radio.
La petite sœur discrète
Créée en 1971, Fip (pour France Inter Paris) est la radio musicale généraliste de Radio France, le plus petit réseau du groupe également, une sortie de petite sœur discrète. Elle ne fait pas trop parler d’elle, si ce n’est lorsque son existence est menacée ( «Il n'est pas question de toucher à la pépite Fip» assurait Mathieu Gallet en 2015) ou que le patron de Twitter l’élit « meilleure radio du monde, toujours parfaitement dans l’ambiance. » Et il a raison, Fip a cette capacité à passer « votre » musique, le genre que vous adorez, la découverte que vous attendiez, ou la bande originale d’Aladdin. Le tout sans algorithmes, mais avec des programmateurs.
Savoir enchaîner les titres
Ils sont sept, et ils sont les garants de l’esprit Fip. « Le dénominateur commun est que nous sommes tous des passionnés depuis longtemps, depuis l’enfance », témoigne l’un d’entre eux, Alexandre Desurmont. Il faut une culture et une curiosité musicales de tous les instants, pour trouver toujours plus de nouvelles chansons et morceaux. « Mais la spécificité du métier est de savoir enchaîner les titres, ajoute-t-il. Fip est l’une des dernières radios à proposer des enchaînements manuels. » Chaque programmateur a sa tranche de trois heures par jour à monter, son histoire à raconter, « comme un écrivain face à une page blanche ».
Une radio musicale générale
Fip n’a historiquement pas de programmes identifiés, sauf depuis deux ans avec plusieurs émissions de début de soirée comme Jazz à Fip, Sous les jupes de Fip, C’est magnifip, Certains l’aiment Fip et Live à Fip. C’est donc la musique qui fait son identité, une musique choisie en totale liberté, « à part quelques disques imposés par des partenariats ou les invités ». Alexandre Desurmont préfère d’ailleurs parler de « radio musicale générale », plutôt que généraliste : « Toutes les musiques sont représentées, du classique au rock, de la pop au jazz en passant par les bandes originales de films, avec un fonctionnement artisanal. Un programme a ses imperfections et ses temps forts, de la fête comme de la connivence ou de la subtitillé. Chaque titre est un parti pris, et le programmateur peut tous les justifier, sans souci ». Même Aladdin à 23h.
Et si plus grand, votre rêve est de devenir programmateur à Fip, sachez qu’il y a beaucoup de candidats pour peu d’élus. « L’embauche est assez naturelle, explique le programmateur. Tu te fais repérer en envoyant une maquette, tu commences par des remplacements, puis après un départ, le plus ancien prend la place. »
Un lien fort avec l’auditeur
Mais le travail de programmateur a lui-même changé au fil des dernières années, et de la révolution numérique : « Nous pouvions recevoir jusqu’à 60 CDs par semaine, mais nous sommes aujourd’hui à l’ère des liens digitaux. La production s’appauvrit, le physique disparaît. Cela a changé notre rapport à la programmation, car beaucoup avaient une mémoire visuelle, fonctionnaient plus par pochette d’album que par son titre ou son artiste. Cela participait au lien fort qu’il peut exister entre la musique et le mélomane. » Un lien que Fip perpétue à sa manière, avec à ses programmateurs. Si vous entendez la chanson française d’Askehoug, la pop de Little Hurricane ou l’électro de Jordan Rake un soir à la radio, c’est sûrement grâce à Alexandre.