Marseille veut son quartier des graffeurs (comme Miami)… «J’aurais honte de peindre là-dedans», s’énerve l’un d’eux

PROJETUn quartier des graffeurs à Marseille, sur le modèle de Miami ? Le projet est sur la table, mais c’est loin d’être fait…
Jean Saint-Marc

Jean Saint-Marc

L'essentiel

  • Un quartier des graffeurs à Marseille ? « Que s’appelorio le Cours-Julien ou le Panier », ironisent les mauvaises langues.
  • De nombreux graffeurs pestent ce projet auquel réfléchit Euroméditerranée.
  • Le grand conflit, classique, entre l’art autorisé et l’art interdit.

Les élus marseillais ont ramené une belle polémique de leur voyage à Miami… Ils ont aussi pêché deux-trois idées dans la baie de Biscayne. Celle de créer un quartier des graffeurs, comme le célèbre Wynwood District. L’idée vient du designer marseillais Nicolas Mannoni, qui a même trouvé un nom au projet : Baby Wynwood. Il a trouvé une oreille attentive, aussi : celle d’Hugues Parant, patron d’ Euroméditerranée.

L’ancien préfet, sexagénaire, n’a pas vraiment le profil d’un amateur de street art. Dans sa voix grave et sérieuse, pas d’enthousiasme, mais de l’intérêt : « Le modèle de Wynwood, un quartier en très mauvais état racheté par un privé, n’est évidemment pas reproductible. Mais on est séduits par cette forme artistique. » Le projet est donc sur la table, « à condition d’obtenir l’adhésion de la population » du quartier des Crottes, qui pourrait être concerné.

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L’adhésion des graffeurs locaux, aussi ? Ce n’est pas gagné. Une série de coups de fil (et un peu de téléphone arabe) n’ont évidemment pas valeur de sondage. Mais les quelques graffeurs marseillais sollicités par 20 Minutes n’affichent pas leur enthousiasme (euphémisme). Ecoutez par exemple Arnaud, figure du graff marseillais. Sans filtre :

« Déjà, “quartier des graffeurs”, je trouve ça très moche comme expression. Wynwood, c’est sans goût et sans saveur, c’est de l’art autorisé, c’est l’inverse du graff. Le graffiti, ça se mérite, c’est braver l’interdit. Un mec qui fait des super fresques mais qui n’a jamais fait un train, c’est un peintre muraliste, pas un graffeur. Moi, j’aurais honte d’aller peindre là-dedans ! C’est bon pour les gars qui se caguent, qui ont peur des flics. »

Un autre graffeur poursuit : « Ce sera pour ces mêmes gens qui mangent sur ce gagne-pain des fresques payantes, comme sur la [rocade] L2. Cette optique, avec des mecs qui ont des contrats… C’est nul ! » Le conflit classique entre ceux qui acceptent de s’institutionnaliser, et ceux qui restent dans l’illégalité… Un troisième témoignage, pour la route ? « Je trouve ça ridicule de parler de quartier des graffeurs. Du coup, les cours Julien et le Panier, c’est quoi ? »

Truc pour touristes

C’est dans ces deux quartiers du centre-ville que les « vandales » marseillais s’expriment, depuis des années. Leurs œuvres font du like sur Instagram. Elles sont parfois effacées par les services municipaux. Arnaud, de nouveau : « On a tous eu des amendes, on a tous été en garde à vue, et maintenant, ça devient à la mode, alors ils veulent nous récupérer ? » Ce projet ressemble à « un truc pour touristes », ajoute Lucie Olivier, chef de projet du festival étudiant Calligraff'IT.

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Nicolas Mannoni l’assume complètement, d’ailleurs : « Je vois ce projet en trois temps. Un, les graffs, pour la visibilité. Deux, les artistes et les créatifs qui installent leurs locaux. Trois, les touristes qui viennent visiter. » Et les graffeurs qui ronchonnent ? Il répond sans liste à puces :

« Je pense que la qualité des graffeurs marseillais est sous-exploitée. OK, y a le street, le vandale. Mais avoir un échafaudage, un masque, et un repas le midi, ça n’enlève pas ta créativité, non ? On ne va pas tuer le graff à Marseille, on va élever le niveau ! »