INTERVIEW«Le sexisme dans le rap, il vient du public», explique la rappeuse Chilla

Chilla: «Le sexisme dans le rap, il vient du public»

INTERVIEWLa rappeuse Chilla a composé un morceau pour dénoncer les violences faites aux femmes...
Benjamin Chapon

Propos recueillis par Benjamin Chapon

Deux semaines après la sortie de son premier EP, Karma, la rappeuse Chilla sort un nouveau titre inédit, et son clip, inspiré par l’affaire Harvey Weinstein et ses conséquences. Intitulé #Balancetonporc, le titre incite les femmes à prendre la parole pour exiger l’égalité. La chanson et son clip sortiront samedi à l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes.

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Déjà auteure de morceaux féministes comme Sale Chienne ou Si j’étais un homme, Chilla enfonce le clou avec une chanson puissante, violente et inspirante.

Comment est née l’envie de sortir ce titre, alors que vous venez de sortir un EP de dix chansons ?

Je me suis juste dit : « Si ce n’est pas moi, qui va le faire ? » Comme j’ai déjà fait des chansons sur ce thème, et parce que j’ouvre souvent ma gueule sur le sujet des droits des femmes, on me posait la question de ce que je pensais de #BalanceTonPorc. Mais je ne suis pas la meilleure oratrice et j’étais en train de défendre mon EP donc j’ai préféré faire ce que je sais faire : du son.

Le sujet doit particulièrement vous toucher pour que le morceau soit venu si vite ?

Je suis révoltée par les violences faites aux femmes, le harcèlement, les viols, et ce qu’on appelle le sexisme ordinaire permanent. Tout ça me révolte, donc naturellement j’ai été inspirée.

C’est un sujet qui vous intéresse depuis longtemps ?

J’ai vraiment réalisé l’inégalité quand je suis devenue une jeune adulte, étudiante à Lyon. Avant, j’habitais à la campagne. Mes parents m’ont toujours élevée dans le dialogue et en me parlant des inégalités dans le monde en général. Ils travaillaient tous les deux dans le social. Mais c’est quand j’ai subi moi-même le harcèlement de rue par exemple que j’ai réalisé toutes les injustices, les inégalités et les violences qu’on subit en tant que femme et qu’on a pris l’habitude de tolérer. Alors que c’est intolérable !

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Avez-vous été victime de comportement déplacé dans votre carrière ?

Non. Il y a très peu de femmes dans le milieu du rap alors les mecs sont souvent étonnés de me voir là mais ça se passe bien. Mais le but de mon morceau, c'est aussi de donner du courage aux femmes, parce qu’il faut du courage pour dénoncer, pour porter plainte. Je ne veux pas que ce titre s’arrête là, que ce soit du vent, je veux lui donner une autre dimension.

C’est pour ça que vous avez tourné le clip dans une résidence de l’association FIT qui vient en aide aux femmes en détresse ?

Exactement. C’était génial de permettre à celles qui le sentaient d’apparaître fières et battantes. Les autres ont pu assister au tournage. C’était très fort.

Avez-vous été victime de sexisme en tant que rappeuse ?

Oui bien sûr. On me dit que je suis trop vulgaire, trop virile… Mais les femmes aussi ont le droit de dire des horreurs et de faire « le bonhomme. » Les valeurs attribuées aux genres, c’est de la connerie.

Ce genre de revendication vous a causé des ennuis ?

Jamais de la part des pros, que ce soit les managers ou les autres rappeurs. Parfois je me dis même que je suis plus tranquille que les jeunes chanteuses de variété. Mais le problème du sexisme dans le rap, il vient du public violent et de leurs commentaires, sur les réseaux, sur YouTube. Moi j’ai arrêté de lire ces merdes mais c’est vraiment violent pour les femmes.

Le rap, par ses chansons et ses clips, est souvent sexiste et violent...

(Elle coupe) Pas mon rap ! Je ne veux pas stigmatiser les rappeurs parce que moi je n’ai jamais eu aucun problème. Mais c’est vrai que j’aimerais bien les entendre un peu plus sur la lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous dites que vous ne voulez pas d’une chasse aux sorcières ?

Depuis des millénaires, les hommes ont eu une certaine position qu’on est en train de remettre en cause. Ils ont peut-être du mal à trouver leur place aujourd’hui, et je ne veux pas les accabler. Mais il est temps qu’ils acceptent le changement.

Dans le morceau vous regrettez qu’on résume votre musique à votre sexe...

Ce n’est pas dramatique, c’est sûr, mais ça commence là. Il n’y a pas de hiérarchie des souffrances. Du viol au harcèlement, du père qui bat sa fille tous les jours aux vieux qui te reluquent le cul dans la rue, tout ça c’est un système. Dans le morceau, je parle aussi de l’homophobie et du racisme, parce que ce sont les mêmes mécaniques. Il faut que les victimes renversent tout ça.