Aglaé, l'accélérateur de particules rénové du Louvre qui perce les secrets des œuvres d'art
RECHERCHE•L’unique accélérateur de particules au monde dédié à l’étude du patrimoine est au Louvre, il s’est fait une nouvelle jeunesse et « 20 Minutes » est allé voir à quoi ça allait servir…Claire Barrois
L'essentiel
- Ce jeudi matin, la ministre de la culture Françoise Nyssen inaugure l’accélérateur de particules New-Aglaé.
- La machine, créée à la fin des années 1980, a été remplacée par un nouveau modèle plus performant et plus sensible.
- Aglaé est le seul accélérateur de particules au monde dédié au patrimoine. 20 % de son temps de faisceau sera donc utilisé par les musées européens qui font partie d’un programme commun.
Le Louvre est un endroit bien mystérieux. Peu le savent, mais, outre le fantôme de Belphégor, le plus grand musée du monde abrite un accélérateur de particules. Comment une machine de 27 mètres de long qui envoie des protons à 30.000 km/heure révolutionne-t-elle l’étude du patrimoine français ? 20 Minutes est parti à la rencontre d’Aglaé, nommée selon une déesse grecque qui signifie « éclat, beauté, parure » et inaugurée ce jeudi matin par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, pour en savoir plus.
La carte d’identité chimique de l’objet
Cette beauté fait la fierté du Centre de recherche et de restauration des musées de France. Grâce à son faisceau, les chercheurs percent chaque jour un peu plus les mystères du patrimoine et des œuvres d’art qui peuplent les musées français. Comment ? « Les particules produites par la machine s’enfoncent dans la matière de l’œuvre analysée, explique Didier Gourier, le directeur de la fédération de recherche New-Aglaé. Les atomes qu’elles rencontrent émettent de l’énergie, comme les rayons X ou les rayons gamma, qui donnent la carte d’identité chimique de l’objet. On détecte même les traces, des impuretés qui disent d’où viennent les matériaux. »
Ne comptez tout de même pas sur la demoiselle pour tout vous dire. Les conservatrices du Forum antique de Bavay (Nord), dont le trésor, composé de 350 objets en bronze, est actuellement à l’étude, seraient presque inquiètes des résultats qui les attendent. « Pour l’instant, on a trois hypothèses privilégiées sur l’origine de ce trésor, expliquent-elles. Il est possible que, grâce à Aglaé, on aboutisse à une hypothèse plus privilégiée, mais il est aussi possible que l’analyse nous fasse formuler de nouvelles hypothèses, qui ne nous feraient pas vraiment avancer ! »
Une machine unique au monde
Provenance, composition… Autant d’éléments livrés par Aglaé qui peuvent en dire long sur l’environnement de l’artiste à l’origine de l’œuvre. Si la machine est à la disposition des 1.220 musées de France qui, comme celui de Bavay, souhaitent mieux connaître leur collection, 20 % du temps de faisceau sera aussi dédié aux projets européens. Aglaé est l’un des pilliers du projet E-RIHS, qui met en commun les infrastructures de vingt-quatre institutions européennes. « C’est une consécration de tout le travail mené ici, estime Didier Gourier. On a concrétisé l’étude des œuvres d’art par la matérialité. »
Et cette étude par la matérialité va pouvoir s’étendre. Jusqu’à présent, le premier Aglaé, très puissant, étudiait peu les tableaux. En cassant les liaisons chimiques entre les éléments, le faisceau de particules aurait pu faire… une tache. Hors de question de prendre ce risque. Aujourd’hui, la nouvelle machine permet d’adapter la quantité de particules en fonction de la fragilité de la matière, avec la même énergie. L’objectif de cette machine, qui pourra désormais fonctionner de jour comme de nuit (ce qui n’était pas le cas auparavant), est donc d’analyser plus de tableaux. Et ainsi, qui sait, trouver le secret de la peinture bleue des Mayas.