Japan Expo 2017: Les Japonais sont fous, la preuve en mangas
BD•Des chats yakuzas, un homme peluche, un lycéen père d'un saumon... «20 Minutes» a quelques idées de mangas pour accompagner votre Japan Expo 2017...Vincent Jule
L'essentiel
- Des mangas étonnants sont désormais publiés également en France.
- Derrière ces histoires farfelues se cachent des partis pris narratifs originaux.
- Pour les éditeurs français, publier ces titres permet d’élargir la vision des mangas qu’en a le public.
Hémorroïdes, paradis de chiens, compétition de boulangers… Il existe un manga pour chaque sujet, même le plus bizarre, et 20 Minutes en a déjà tiré un top 5 des mangas WTF Mais il s’agissait de la partie émergée de l’iceberg. Les titres se suivent et ne se ressemblent pas, au point que l’éditeur Akata en a tiré une collection à part entière, la bien nommée « WTF ? ! ». Le festival Japan Expo, du 6 au 9 juillet à Villepinte, sera ainsi l’occasion de découvrir la nouveauté Street Fighting Cat et apporter la preuve supplémentaire que les Japonais sont fous. Et leurs mangas encore plus.
Street Fighting Cat
Les chats n’ont pas seulement conquis les internets, mais également les mangas. Oh regardez comme elles sont mignonnesles aventures de Chi, Plum ou Kuro ! Attention, c’est un mensonge, car une fois la nuit tombée, les chats révèlent leur vrai visage à moustaches. Sur leurs deux pattes arrière, les griffes sorties, ils se battent dans une guerre des gangs sans pitié. Hige l’apprend à ses dépens, avant de rencontrer le matou et mentor Nobunaga. Trop drôle ? Street Fighting Cat l’est par son pitch, son titre et ses couvertures, mais après quelques chapitres, force est de constater qu’on n’est pas là pour rigoler et qu’il s’agit d’un vrai manga de yakuzas. A la Takeshi « Miaou » Kitano.
Street Fighting Cat, de SP Nakatema (Doki Doki)
Back Street Girls
Toujours la rue, toujours des yakuzas mais cette fois avec des idols. En effet, pour les punir, un chef mafieux force trois de ses hommes, Kentarô, Ryô et Kazu à devenir Chika, Maru et Airi, bientôt connues sous le nom des Gokudolls ! Bien sûr, le groupe cartonne, et les fans se multiplient autant que les quiproquos. Vous aimez les Back Street Boys ? Tant mieux pour vous (traduction : bouh la honte). En revanche, si vous avez aimé Magical Girl Boy (une idol ratée se transforme en magicienne un trop virile) ou Detroit Metal City (un garçon coincé fan de pop est en fait le leader d’un groupe de trash metal), vous allez adorer Back Street Girls.
Back Street Girls, de Jasmine Gyuh (Soleil)
Pillow Bear
Avec Ladyboy vs Yakuzas, et son malfrat transformé en fille et envoyé sur une île de pervers, Akata avait, nous semblait-il, atteint un sommet en matière de WTF. Naïfs que nous sommes. Voici doncPillow Bear, l’histoire de Wataru, un lycéen introverti, dont la passion inavouable est… les peluches. C’est bizarre, mais ça va. Sauf qu’un jour, il tombe sur une vieille machine à pinces, avec à l’intérieur un « homme ours en peluche. » Enfin plutôt un homme tout nu avec des oreilles d’ours, qui ne veut qu’une chose : des câlins. Couverture rose bonbon, pause lascive de son homme peluche, accroche (« ceci n’est pas un manga porno »)… l’éditeur comme l’auteur jouent avec délice sur la confusion des genres, et des premier, deuxième ou troisième degrés. A faire passer Ted pour un film pour enfants.
Pillow Bear, de Kagiji Kumanomata (Akata)
Tu seras un saumon mon fils
Vous n’êtes pas prêts, sachez-le. Tu seras un saumon mon fils commence ainsi par un concours de branlette entre potes au lycée. Shion est le champion. Mais avec le remariage de sa mère, il doit déménager et devient la tête de turc de sa classe. Un soir, il « évacue son stress » dans la rivière - vous avez saisi l’image -, et trois ans plus tard, il croise la route de Sauman, mi-homme mi-saumon qui est : son fils !
On savait déjà par Virgin Dog Revolution que le mangaka Shohei Sasaki avait l’esprit mal tourné, mais là il se dépasse et fait un tour à 360°. Le plus fort est que cette folie n’est jamais gratuite. Que font un lycéen de 15 ans et son fils saumon ensemble ? Ils boivent, fument, jouent de la guitare, lisent des mangas… Derrière la variation spleen et trash du E.T. de Spielberg, se révèle ainsi une chronique saisissante, et même touchante, sur la jeunesse et la paternité.
Tu seras un saumon mon fils, de Shohei Sasaki (Akata)
« Au-delà de l’outrance, il faut un sens »
Que ces mangas existent est une chose, qu’ils soient édités en France en est une autre. Pour l’éditeur Akata, la collection « WTF ? ! » est une respiration. « On édite surtout des titres sérieux, voire durs, donc on a besoin de lâcher la pression, explique Bruno Pham. L’idée est aussi de repousser les limites éditoriales, de se soustraire à la catégorisation habituelle en shônen, shôjo, seinen… » Pour le choix des mangas, l’éditeur effectue la même veille que pour le reste de son catalogue.
« Il faut aller au-delà d’une couverture ou d’un titre aguicheur, au-delà de l’outrance apparente, et trouver un propos, un sens. J’ai lu par exemple un manga sur un panda tout mignon qui passe son temps à tripoter des seins. Voilà, c’est tout. » Akata lui a préféré World War Demons, l’histoire d’une orpheline battue par son cousin, violée par son oncle, mal nourrie, qui se retrouve transportée dans un univers parallèle où elle va affronter des démons, aux côtés d’autres individus traumatisés. Tout un programme.