Eurovision: On a rencontré des fans américains du concours (oui, ils existent!)
REPORTAGE•Ils ne sont pas légion, mais on a quand même trouvé à Kiev des Américains qui sont accros à l'Eurovision depuis qu'ils ont découvert l'existence du concours...Fabien Randanne
L'essentiel
- L'Eurovision 2017 se déroule cette semaine à Kiev (Ukraine) et la finale aura lieu samedi soir.
- Des fans du monde entier assisteront à l'événement, parmi eux, une poignée d'Américains.
- 20 Minutes a recueilli les témoignages d'aficionados d'outre-Atlantique.
De notre envoyé spécial à Kiev (Ukraine)
Impossible de le louper. Kyle est confortablement installé dans un fauteuil de la Fan Zone, cet espace du Centre d’exposition de Kiev réservé aux fans accrédités, à deux pas de la salle de presse de l’Eurovision. Ce lundi matin, le lieu est encore désert, le jeune homme avec lequel 20 Minutes a rendez-vous est donc facilement identifiable.
Mais, même si l’endroit avait été bondé il aurait été repérable du premier coup d’œil. Avec son fez bleu vissé sur le crâne et ses larges bretelles jaunes courant sur son t-shirt blanc, on aurait bien du mal à deviner qu’il exerce le métier d’avocat. Mais le plus surprenant chez lui, c’est sans doute sa nationalité : américaine.
« Le morceau de l’Islande à l’Eurovision 2000 ? Qu’est-ce que c’est que ça ? »
Que vient faire cet habitant d’Atlanta dans les parages de l’Eurovision ? « J’assiste à chaque édition depuis 2011, en Allemagne », renseigne d’emblée le trentenaire. Sa découverte du concours remonte en 2002.
Il raconte : « Je vivais en Croatie et, alors que je faisais un karaoké chez un ami, passe une chanson que je n’avais jamais entendue. Je lui demande : "Qu’est-ce que c’est que ça ? !" Mon pote me répond : "C’est le morceau de l’Islande à l’Eurovision 2000." Et moi : "Qu’est-ce que c’est que ça ? !". Dans la foulée, j’ai regardé quelques vidéos et c’est comme cela que je suis tombé dedans. » Et même s’il est depuis longtemps rentré aux Etats-Unis, il n’a pas laissé son amour de l’événement en Europe. Kyle est ainsi membre de l’OGAE Rest of The World (la section de l’Organisation générale des amateurs de l’Eurovision vivant dans des pays ne participant pas au concours). Parmi tous les adhérents, selon lui, se trouvent 20 à 25 Américains…
« Tu aimes le patinage, les concours de beauté et les télécrochets ? Tu aimeras l’Eurovision »
A quelques mètres de là, côté salle de presse, William Lee Adams s’installe derrière un ordinateur. Le créateur de Wiwibloggs, le site de référence du concours qui a enregistré 4.6 millions de pages vues en mai 2016, s’apprête à livrer ses comptes rendus du jour avec son ton si particulier.
Le journaliste de 35 ans - qui en parait dix de moins - est connu comme le loup blanc par les fans de l’Eurovision et les délégations. Beaucoup ignorent cependant que celui qui est devenu en une demi-douzaine d’années un expert de l’événement a vu le jour de l’autre côté de l’Atlantique, dans l’Etat de Géorgie.
A 24 ans, William s’est expatrié à Londres. C’est là que son compagnon, devenu depuis son mari, lui a présenté le concours. « Il m’a dit : "Tu aimes le patinage artistique, les concours de beauté et les télé-crochets : tu aimeras l’Eurovision." J’étais sceptique mais j’ai regardé. C’était l’année où la Serbie a gagné avec Molitva. Qu’une chanteuse lesbienne d’origine tzigane s’impose devant Verka Serduchka, une drag queen ukrainienne ressemblant à l’homme de fer-blanc du Magicien d’Oz… j’ai instantanément adoré ! », s’emballe-t-il en se remémorant cette épiphanie.
« J’aime la musique, l’excitation et la joie que procure l’Eurovision »
La victoire serbe, c’est aussi ce qui a convaincu Danielle, 29 ans, que « l’Eurovision avait quelque chose de spécial » alors que la victoire des hard rockeurs finlandais de Lordi un an plus tôt lui avait fait penser que tout ça « n’était qu’une grosse blague ». Cette jeune femme n’a pas pu se déplacer à Kiev, mais assister en live au concours est sur sa « liste des choses à faire avant 2020 ».
Cette année encore, elle regardera les demi-finales et la finale chez elle, à Rapid City (Dakota du Sud). Dans un mail envoyé à 20 Minutes, elle se souvient avoir entendu parler de l’Eurovision pour la première fois en 2006, sur un forum consacré au patinage artistique. « A l’époque, j’étudiais l’histoire et les relations internationales, donc j’avais déjà un intérêt pour l’histoire européenne et le contexte de l’Eurovision me fascinait, précise la jeune femme. Je vois dans le concours un moyen de rapprocher les cultures et de trouver des similarités à travers la musique. » Mais plus prosaïquement, Danielle dit « aimer la musique, l’excitation et la joie que procure le concours ».
En 2016, 52.000 téléspectateurs aux Etats-Unis
Cette année, elle espère convertir aux plaisirs eurovisionnesques les amis qu’elle a conviés à découvrir la finale chez elle. Pour la deuxième année consécutive, le show sera retransmis à la télévision américaine, sur Logo TV… « Cette chaîne est spécialisée dans les thématiques LGBT, souligne Kyle. Ce seront essentiellement des gays qui regarderont, le côté camp ne peut que leur plaire. Mais je ne suis pas sûr que ça parle au grand public. »
aWilliam Lee Adams confirme : « L’an passé, Logo TV a géobloqué les vidéos du concours sur YouTube… Les Américains n’ont pu voir aucune image de l’Eurovision en dehors de cette chaîne ! Ce n’est pas comme ça qu’on permet aux gens de s’y intéresser ! » La finale 2016 a été vue par 52.000 curieux sur la chaîne câblée américaine. Une goutte d’eau dans une audience mondiale dépassant les 200 millions de téléspectateurs.
« Les commentateurs étaient mauvais, cingle le rédacteur en chef de Wiwibloggs. Mais cette année, avec Michelle Visage, juge très critique dans Ru Paul’s Drag Race (un talent show culte dans la communauté homo), ça peut marcher. Prenez la Maltaise de cette année, elle ressemble à une drag queen, ça va forcément lui plaire ! »
Parenthèse : Michelle Visage en un gif
Parenthèse refermée
Ce qui plaît à Kyle, cette année, c’est le duo roumain qui vibre de la glotte sur Yodle It et non celui de Saint-Marin dans lequel figure son compatriote Jimmie Wilson. Le fan Américain sera aux premières loges dans la fosse pour soutenir ses chouchous. Avant de tourner les talons, il sourit : « Vous repérerez peut-être mon chapeau dans la foule ! »