Après la polémique autour de son clip tourné sur l'A3, on a pu parler musique avec Sofiane
POLEMIQUE•Le rappeur Fianso sort son premier album «Bandit saleté»...Benjamin Chapon
Depuis une semaine, on ne parle que de lui. Pour tourner un clip, Sofiane (ou Fianso, son nom d’artiste), habitué des tournages in situ sans autorisation, a bloqué pendant quatre minutes la circulation de l’autoroute A3. Une opération qui a déclenché une tempête de réactions outrées… et des millions de vues sur YouTube.
Sofiane se défend d’avoir voulu créer un buzz. « Depuis un an, on a fait une série de clips dans les cités les plus chaudes de France. On fait tout ça complètement à l’impro, en flux tendu. Cette spontanéité, c’est à notre image. Et comme ça fonctionne au naturel, on a continué. »
Pour le clip de Toka, Sofiane confesse : « On ne s’attendait pas à de telles réactions en faisant le clip et j’avoue avoir été un peu dépassé par l’engouement que ça a suscité. Certains humoristes ont fait bien pire et n’ont pas eu droit à ce traitement médiatique. Mais je ne veux pas faire la victime, j’assumerai les conséquences comme un grand. » Une enquête a été ouverte pour entrave à la circulation… « Tout était prévu et encadré, se défend Sofiane. C’était à l’heure de pointe, on a juste profité d’un décalage de 20 mètres dans un bouchon. On n’a jamais arrêté le trafic ! Je pense que c'est l’effet d‘annonce dans notre communication qui a semé le doute et l’incompréhension. »
« Je continue d’apprendre mon métier »
Quand il ne bloque par les autoroutes, Sofiane fait de la musique. Depuis plus de dix ans… Mais ce n’est que le 12 mai que sortira son premier « vrai » album, Bandit Saleté, déjà disponible en précommande. « Bandit saleté, je l’ai fait en trois semaines. Donc il sonnera comme la suite de Je suis passé chez So [mixtape sortie fin janvier 2017] en un peu plus travaillé… Je me plie au standing qui m’est réclamé par notre maison de disques. C’est normal. Eux me pardonnent les trucs que je fais tout seul de mon côté alors je les écoute quand ils me donnent des conseils. »
Jusque-là, Fianso a pris l’habitude de tout faire à l’artisanale : « Etre un rappeur, c’est loin d’être une fin en soi pour moi. Je voulais comprendre la chaîne de la musique du stylo sur la feuille jusqu’à la mise en bacs de l’album. Mais j’ai fait tout ça avec beaucoup d’humilité. Je continue d’apprendre mon métier, je suis en indé. On est passé pour toutes les étapes. Tout ça prend du temps. »
« « C’est normal que ce soit un choc de découvrir ma musique pour certaines personnes. Mais nous aussi parfois on est choqué. » »
Aujourd’hui, la polémique autour du clip de Toka, et avant ça une vidéo où on le voit calmer le jeu entre policiers et manifestants lors d’un rassemblement contre les violences policières, ont permis à Sofiane de toucher un large public, qui n’est pas forcément le sien : « Je suis hyper flatté que la ménagère de moins de 50 ans entende parler de moi une fois au JT. C’est normal que ce soit un choc de découvrir ma musique pour certaines personnes. Mais nous aussi parfois on est choqué quand un politicien conservateur parle de nous ou qu’un média grand public rabaisse une légende du rap qui a changé nos vies et qui est traité par le présentateur comme un débutant. Mais après le choc social et culturel, il y aura peut-être des rencontres, des rapprochements. Même si on sait qu’on joue serré à chaque fois, c’est génial de participer, à ma petite échelle, à ça. »
Pour autant, le rappeur refuse d’endosser le rôle de porte-parole des cités : « Il y a des gens beaucoup plus qualifiés que moi pour ça, des associations, des artistes engagés depuis 20 ans qui ont mis leurs carrières entre parenthèses… Moi, je ne suis pas un modèle. Si tu fouilles un peu mon passé, tu verras que moi aussi je fais et dis des conneries. »
« Rendre cette musique aux gens à qui elle appartient à la base »
Rappeur hardcore que les médias généralistes s’arrachent tout d’un coup, Sofiane « assume la schizophrénie, le grand écart entre les clips hardcore et les interviews où certains sont surpris de voir que je sais parler Français, que je maîtrise la syntaxe. Les gens ne sont ni mauvais ni bêtes a priori. Il y a la masse qui ne comprend pas mais l’individu est intelligent. Il faut parler aux individus. »
Peut-être son nouveau morceau Mon p’tit loup, dure chronique de la vie des cités chantée sur un air enjoué, fera encore un peu plus entrer la musique de Sofiane dans les foyers français : « J’ai été influencé par Stromae qui arrive à raconter des drames de la vie dans des morceaux où il fait danser les gens. C’est un paradoxe intéressant. Mon p’tit loup est un morceau dur mais j’espère qu’il fera danser. »
En attendant de, peut-être, monter sur la scène des Victoires de la musique, Sofiane soigne son « vrai public » et organise une tournée parallèle à sa tournée officielle pour jour, gratuitement, en après-midi, dans les cités. « Pour moi ça coule de source de faire ça. On va dans des cités où ils n’ont pas vu un concert de rap depuis dix ans ! Je voulais rendre cette musique-là aux gens à qui elle appartient à la base. On fait les concerts en MJC, il y a des gamins, c’est génial. Je ressors enrichi de tout ça. »