«Monkey Island», «Day of the tentacle», «Full Throttle»… C’était le bon vieux temps des jeux LucasArts
RETROGAMING•Après «Mondey Island» ou «Day of the tentacle», c’est au tour de «Full Throttle» de sortir en version remasterisée et de rappeler un âge d’or du jeu vidéo…Vincent Jule
«C’est le dernier truc dont je me souvienne, l’odeur épaisse de l’asphalte. » Un souvenir partagé par tous les joueurs de Full Throttle, son héros biker, ses motos aéroglisseurs, la musique de Gone Jackals. Ce jeu culte des années 1990 ressort mardi en version remasterisée, et reste toujours l’un des meilleurs représentants d’un genre, le jeu d’aventure « point’n click », et d’un studio : LucasArts, filiale de Lucasfilm. Mais il n’est pas le seul. The Secret of Monkey Island, Sam and Max, Day of the tentacle, Grim Fandango… Ils ont tous eu le droit ces dix dernières années à une suite, un remake ou les deux. Et il y a une raison à cela. Les jeux LucasArts ne sont pas seulement générationnels, mais aussi uniques et… « magiques ? », tente Jérôme Darnaudet.
Une révolution technologique
Hier journaliste à Micro News et Joystick, aujourd’hui big boss de Canard PC, Jérôme Darnaudet était aux premières loges lors de la sortie de Maniac Mansion ou Loom. « Ils sont arrivés comme le messie, se remémore-t-il. C’étaient des jeux très travaillés, une mayonnaise indescriptible, et avant tout une claque graphique. » LucasArts fait en effet se rencontrer le jeu vidéo et la bande dessinée, mariage qui fut ensuite à l’origine du pixel art.
« LucasArts est un éditeur à part, raconte Patrick Hellio, auteur de Génération Jeu Vidéo - Années 80 (bientôt édité par JV Magazine) et de L’histoire du point’n click (deuxième semestre 2017 chez Pix’n Love). Au début des années 1980, en pleine folie Star Wars, George Lucas se positionne très vite sur le jeu vidéo, comme il l’avait fait pour les effets spéciaux avec la société ILM. La petite équipe, sous le nom Lucasfilm Games, sert alors de laboratoire à différentes recherches et défis techniques. » Ce sont le moteur SCUMM et l’interface « point’n click », qui révolutionne le genre aventure, jusque-là textuel, et apporte plus d’interaction et d’immersion.
Des univers particuliers
Si de jeunes développeurs ont rejoint LucasArts en premier lieu, c’est qu’ils étaient fans absolus de La Guerre des étoiles. « Sauf que George Lucas les prévient qu’ils ne bosseront pas - pas tout de suite - sur des jeux Star Wars ou Indiana Jones, explique Patrick Hellio. Tout sauf Star Wars. Ils vont ainsi jouir d’une liberté assez folle, et créer des univers très particuliers, très personnels et très référencés. »
Maniac Mansion est ainsi un hommage aux comics fantastiques et aux séries Z, de Creepshow à La petite boutique des horreurs. « Loom est l’histoire de Tisserands, des tisseurs de réalité et de temps, se souvient le journaliste de Joystick. Difficile de faire plus original, plus novateur. » L’occasion également de s’intéresser aux univers parallèles. Même lorsqu’ils revisitent des univers codifiés (la piraterie dans Monkey Island, les motards dans Full Throttle, la mythologie aztèque dans Grim Fandango), c’est toujours avec un pas de côté, un ton bien à eux.
Une douce folie
C’est peut-être ça la formule magique de LucasArts. « Quel que soit le titre ou l’univers, les jeux sont traversés par un vent de folie, un humour second degré, une philosophie commune », commente Patrick Hellio. Ce sont d’ailleurs des jeux très écrits. » Qui a oublié les duels d’insultes, plutôt que d’épées, dans Monkey Island ? Chacun a ainsi le souvenir d’une énigme tirée par les cheveux (le « retourner ce chat comme un gant » au début de Sam and Max), d’un moment non-sensique (le concours de crachats de Monkey Island 2) ou d’une blague totalement gratuite (le coup de l’enceinte et du faux vomi collé au plafond de Day of the tentacle #lesvraissavent). LucasArts, ce n’est pas seulement jouer à un jeu, c’est également pénétrer dans de drôles d’univers… et se taper des fous rires.
Une politique des auteurs
S’il a donné son nom au studio, George Lucas n’est pourtant pas le premier auquel les fans pensent à l’évocation de LucasArts - fermé par Disney en 2013. En revanche : Ron Gilbert, Gary Winnick, Tim Schaffer… Ils étaient développeurs, et se sont révélés également artistes. Leurs noms étaient parfois sur la jaquette du jeu, mais il a fallu le temps de la reconnaissance du jeu vidéo en temps qu'art à part entière pour qu'ils soient considérés comme des Auteurs (oui avec un grand «A»), au même tire qu'un Shigeru Miyamoto (Mario, Zelda), un showrunner de série ou un réalisateur de film. Ainsi, lorsque Tim Shaffer (Full Throttle, Grim Fandango) fait appel à Kickstarter pour financer son jeu Broken Age, il dépasse son objectif initial de 400.000$ et obtient... 3,5 million ! Ron Gilbert, lui, vient de sortir Thimbleweed Park, un «point'n click» à l'ancienne, suite spirituelle de Maniac Mansion, qu'il décrit comme «un jeu d'aventure LucasArts inconnu auquel vous n'avez jamais joué».