Bisous, politique, politesse… Les chocs culturels d’un couple franco japonais racontés en manga
BD•Dans « A nos amours », le mangaka Jean-Paul Nishi raconte le doux choc des cultures entre la France et le Japon, et sa vie en couple avec une journaliste française…V. J.
«Bonjour ! Je m’appelle Jean-Paul Nishi, et je suis auteur de mangas. » Mais pas de n’importe quels mangas. Depuis maintenant 10 ans, et son premier séjour à Paris, le dessinateur s’est fait une spécialité de croquer les détails et anecdotes de la vie à la française en général, et à la parisienne en particulier. Les Japonais adorent, les Français aussi.
Taku Nishimura de son vrai nom , JP Nishi a ainsi déjà consacré plusieurs ouvrages à la capitale (A nous Paris, Paris le retour, Paris toujours aux éditions Picquier), mais c’est à Tokyo qu’il a rencontré sa femme, une Française bien sûr - la journaliste AFP Karyn Poupée. Le couple était au salon Livre Paris pour la sortie de la bande dessinée A nos amours (éditions Kana), l’occasion d’une confrontation des regards et des cultures entre le Japon et la France sur des sujets quotidiens tels que le travail, le restaurant, la politique ou leur fils. Jean-Paul VS Karyn ? Fight !
Le couple
Lui : « Cela ouvre A nos amours, mais en France, tout le monde s’embrasse devant tout le monde, et ça ne dérange personne. Au Japon, si un couple s’embrasse en public, les gens autour sont gênés. Mais moi, c’est quelque chose que j’aime bien. »
Elle : « De manière, les couples japonais ne s’affichent pas ensemble, ni au sein d’un groupe. Ils sortent chacun de leur côté. Comme le raconte JP dans un précédent manga, il était invité à un mariage d’un copain, et voilà, je n’étais pas invitée/Et ce n’était pas normal pour moi. Idem pour les fêtes d’entreprise, il n’y a pas de "Les +1 sont acceptés" ou "Venez avec votre conjoint". Mais notre couple n’est pas concerné pour tout ça, parce que nous avons changé les règles et créé les nôtres. »
Les enfants
Lui : « Ce qui était très étonnant chez Karyn, c’était sa façon de changer les couches, d’utiliser une table à langer, de coucher le petit dans une turbulette. Au Japon, on fait tout à même le sol, les petits dorment dans un futon. C’est comme si elle prenait l’enfant et le mettait à hauteur d’adulte. »
Elle : « On a souvent l’image du père japonais toujours au travail, peu impliqué dans l’éducation des enfants. De ce point de vue, mon ami est tout sauf japonais. Toutes les tâches sont divisées à 50/50 chez nous, mais cela vient du fait aussi qu’il travaille à la maison et non en entreprise. Mais cela montre bien dire que ce n’est pas dans les gênes, qu’il s’agit de circonstances sociales. C’est finalement assez triste pour eux. »
Le travail
Lui : « Le Japonais coupe sa vie privée de sa vie professionnelle. Lorsqu’il est dans le cadre du travail, il remplit son rôle, il ne partage pas ses humeurs, ses états d’âme. Il endure, il accepte. En France, on peut mêler les deux. Je me souviens être entré dans une boutique France Télécom et une dame âgée râlait au sujet de sa facture. La conseillère lui répondait, s’énervait et a même fini par partir. Impensable au Japon. »
Elle : « La qualité de service est exceptionnelle au Japon, et identique d’un vendeur à l’autre. Mais cela donne lieu aussi à des habitudes, des mécanismes presque inhumains. Je travaille depuis 12 ans à l’AFP Tokyo, et je croise tous les jours le même vigile. Mais il ne manque jamais de me demander mon badge, il respecte la consigne. »
Le restaurant
Lui : « Dans les restaurants français, le serveur jette parfois les menus sur la table. Je ne comprends pas. »
Elle : « Ah ah ! Un jour, dans un restaurant parisien, et pas un petit troquet, le garçon a écrasé un moustique sur la nappe blanche, puis retourné la nappe. Vous auriez vu la tête de Jean-Paul. »
La politique
Lui : « Le gouvernement français, c’est quand même étonnant de voir toutes ces relations amoureuses entre les ministres. A l’instar d’Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti. Et ne parlons pas de François Hollande, pris entre Valérie, Julie et Ségolène. Ce n’est pas un gouvernement, c’est une cage à hamsters. Au Japon, tu as "au mieux" des scandales financiers, quelques suicides, mais pas d’histoires d’amour qui tournent mal. »
Elle : « Les Japonais se désintéressent de la chose politique, c’est presque choquant, désespérant. Ils votent mécaniquement, sans réel intérêt et n’y accordent que peu d’importance. La politique s’invite très tôt dans les familles françaises, à la table du dîner. Au Japon, même entre amis, on n’en parle pas. Ça me manque. »
Fukushima
Lui : « Le gouvernement japonais et son traitement de la crise me font honte. Six ans après la tragédie, plus de 10.000 personnes vivent encore dans des logements provisoires, c’est indigne du Japon. »
Elle : « J’ai cru que la catastrophe allait sortir le pays de sa torpeur, comme à la fin de la guerre. Je pensais qu’ils allaient rebondir. Mais la jeunesse a raté cette chance, les mouvements antinucléaires se sont éteints aussi vite qu’ils étaient nés, et comme les conséquences sont "invisibles", ils ont fait comme-ci… La résilience s’est faite quand même. »