VIRTUALITYFaire l’amour dans la VR, c’est pour aujourd’hui ou pour demain?

Faire l’amour dans la réalité virtuelle, c’est pour aujourd’hui ou pour demain?

VIRTUALITYEt si le sexe du futur se jouait sur le terrain de la réalité virtuelle ?…
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

«Je me demandais si vous voudriez faire l’amour avec moi ». Demolition man est devenu culte en un claquement de scène : Sandra Bullock offre un casque à Sylvester Stallone pour s’envoyer en l’air. Quand on voit que l’industrie du porno s’empare de la réalité virtuelle - VR pour les intimes -, que les sex-toys connectés émergent en Chine et au Japon, et que certains scientifiques imaginent la disparition du corps, on se demande si la science-fiction n’est pas en train de devenir réalité… Pourra-t-on bientôt faire l’amour dans un monde imaginaire ?



Et pourquoi pas vivre à deux l’expérience de la VR ?

L’industrie du porno, toujours à la pointe des nouvelles technologies, s’est jetée à corps perdu dans la réalité virtuelle. Marc Dorcel en tête. Il propose notamment une expérience de 10 minutes à 360° où on devient réalisateur d’un film X. « Ce qui nous intéresse c’est d’apporter une valeur ajoutée par rapport à ce qui se fait déjà, immerger le spectateur dans une réalité fantasmatique et, pour cela, on refuse d’utiliser des images de synthèse », explique Grégory Dorcel qui a repris les rênes de l’empire. On plonge dans des images réelles, mais, aujourd’hui, on fait l’expérience de la réalité virtuelle, seul avec son casque. Et pourquoi pas à deux ?

« Rien n’empêche techniquement d’être plusieurs dans la réalité virtuelle », précise Philippe Fuchs*, responsable de l’équipe de recherche Réalité Virtuelle & Réalité Augmentée (RV & RA) à Mines Paris Tech, qui participe au salon Laval Virtual jusqu’au 26 mars. « La salle de réalité virtuelle ouverte au MK2 Bibliothèque fait vivre l’expérience seul, mais ça pourrait se faire à plus, pour peu que le contenu soit intéressant. Le jeu Eagle Flight d’Ubisoft propose un mode multijoueur, par exemple ».

Dans la VR, le corps a un fonctionnement différent. On a l’impression de ne plus avoir de corps mais il existe toujours. « On passe d’une immersion visuelle au cinéma, où on oublie son corps, à une immersion corporelle par la proprioception [la capacité à percevoir la position de notre corps dans l’espace] », souligne le professeur Philippe Fuchs. La réalité virtuelle ne va pas faire disparaître le corps, n’en déplaise à certains, mais on peut se désincarner dans l’espace virtuel, modifier la perception de nous-mêmes dans l’espace. Et même, à terme, toucher quelqu’un.

« Très modestement », insiste le professeur. Car, entre arriver à se toucher et pouvoir faire l’amour, il y a un gouffre. Le toucher, c’est la sensation du chaud, du froid, de l’humidité, de la rugosité, du dur et de la mollesse. « On ne sait pas reproduire ça virtuellement, mais on pourra avoir un toucher plus sommaire, serrer la main, se frôler », poursuit-il. Pas mieux du côté du producteur X. « Si on croit à une image virtuelle, le toucher nous ramènerait au faux. Le palpable ne fonctionnerait pas ». L’interactivité scénaristique pourquoi pas, mais Grégory Dorcel n’imagine pas de l’interactivité physique.

La révolution sexuelle par la libération du masque

Verdict : la révolution sexuelle ne va pas se jouer dans la virtualité. « La VR ne modifiera pas les rapports hommes-femmes, ça reste du spectacle, un divertissement, lance-t-il. Qu’on se fasse de plus en plus plaisir à l’aide de la réalité virtuelle, que ce soit un accessoire supplémentaire, très bien, mais qu’on remplace le rapport sexuel à deux, non ». C’est un objet masturbatoire. « La frontière est étanche, me semble-t-il, le divertissement d’un côté, la sexualité et l’intimité, de l’autre », insiste Grégory Dorcel qui nous ouvre les portes du futur avec la libération du masque devant les yeux. Pour lui, l’étape suivante, c’est l’hologramme : plus d’appareil sur le visage, plus d’intermédiaire. La virtualité à la maison.

« Avec un hologramme, on va pouvoir partager », sourit-il. Aujourd’hui, seuls les sex-toys numérisés pourraient avoir une incidence sur la sexualité, pour peu que la population s’en empare. La VR libère le plaisir, donne de nouvelles clés pour comprendre notre corps. Mais le sexe sans se toucher, ce n’est pas demain la veille.

* Auteur de Casques de réalité virtuelle et de jeux vidéos (presse des Mines), mai 2016