Sortie de l'oubli par le cinéma, la sculptrice Camille Claudel a enfin son musée
VISITE•Alter-ego de Rodin, la sculptrice Camille Claudel a désormais son propre musée à Nogent-sur-Seine (Aube), qui ouvre ses portes ce dimanche...Claire Barrois
Il aura fallu deux films, bientôt trois, pour qu’on sache qui était Camille Claudel. Isabelle Adjani en 1988, Juliette Binoche en 2013 et bientôt Izïa Higelin dans Rodin, en salles le 24 mai prochain, ont prêté leurs traits à la sculptrice du XIXe siècle et lui ont permis de retrouver sa place dans l’art. C’est en partie grâce à elles que la ville de Nogent-sur-Seine (Aube) a mis le paquet -12 millions- pour lui créer un musée dédié, qui ouvre ce dimanche.
Une passion artistique
Quand Auguste Rodin, sculpteur reconnu de 43 ans, rencontre Camille Claudel, 19 ans, c’est le coup de foudre. S’ensuit une relation passionnelle qui se termine dans la douleur. Dans Camille Claudel, elle est vue comme sa muse, lui comme son mentor. Jusqu’au moment où elle sombre dans la folie en pensant qu’il l’a utilisée pour se mettre en valeur. « Elle avait une affinité avec le style de Rodin parce qu’ils avaient une sensibilité commune, commente Cécile Bertran, la conservatrice du musée Camille Claudel. Ça n’était pas une affiliation, mais les gens pensaient qu’elle lui devait tout. »
La réalité est beaucoup moins cliché. Au-delà de leur relation amoureuse passionnelle, Rodin et Claudel sont surtout dans une incroyable relation d’émulation artistique. « Leur confrontation a été déterminante pour le développement de l’œuvre artistique de chacun, explique Cécile Bertran. Contrairement à ce que beaucoup croient, Claudel n’a pas suivi Rodin, ils se sont nourris l’un l’autre. » Le musée le montre en mettant en avant leur travail autour du baiser, la manière dont Rodin a repris La Jeune Fille à la gerbe de Claudel, ou encore en mettant côte à côte leurs œuvres toutes deux intitulées Femme accroupie.
Et un génie oublié
Si Camille Claudel avait un talent comparable à celui d’Auguste Rodin, comment se fait-il qu’il ait fallu qu’elle devienne une héroïne de cinéma pour qu’on s’intéresse à elle ? « De son vivant, Rodin avait organisé les choses et fait une grosse donation à l’Etat pour ouvrir son musée à sa mort, rappelle Cécile Bertran. Tandis que le fait que Claudel ait été internée les trente dernières années de sa vie ne lui a pas permis de valoriser son œuvre. » C’est cette période très difficile de sa vie que Bruno Dumont a mise en scène dans Camille Claudel, 1915, en racontant trois jours durant lesquels Camille attend la visite de son frère Paul, en 1915.
Le musée créé à Nogent-sur-Seine rend enfin justice à la sculptrice d’exception qu’a été Camille Claudel. Il replace son œuvre dans la continuité des sculpteurs nogentais du XIXe siècle pour montrer sa singularité. Evidemment, Rodin occupe une grande place dans la visite, notamment grâce à des prêts d’autres musées. Mais son influence est circonscrite à ce qu’elle a été, donnant toute leur ampleur aux spécificités de Camille Claudel, qui a désormais retrouvé sa place dans la sculpture.