Politique, apocalypse, superhéroïne... On a décrypté le show de Lady Gaga au Super Bowl
MUSIQUE•La pop star a performé durant près d’un quart d’heure, dimanche, à la mi-temps de la 51e finale du Super Bowl…Fabien Randanne
«Les seules déclarations que je ferai durant mon spectacle sont celles que j’ai faites de manière constante durant toute ma carrière », avait prévenu la semaine passée Lady Gaga. De l’artiste qui a fait le show ce dimanche lors de la 51e finale du Super Bowl à Houston au Texas, certains attendaient une prise de position tranchée au sujet de l’accession de Donald Trump au pouvoir. La pop star a donc préféré la rébellion en douceur au tract punk, mais sa prestation était loin d’être consensuelle. Décryptage.
- Le patriotisme subversif
Lady Gaga apparaît au sommet du NRG Stadium de Houston. Pendant qu’elle chante une nuée d’étoiles s’éclairent de bleu, de rouge ou de blanc avant de former un drapeau américain. Cette ouverture est largement teintée de patriotisme. La diva mêle les paroles de God Bless America et de This Land is your Land, deux hymnes officieux célébrant la patrie, moins par ode au chauvinisme que pour faire résonner le texte qui prend un sens particulier en cette aube de l’ère Trump. « Dieu bénisse l’Amérique, la terre que j’aime. Qu’Il reste à ses côtés et la guide en l’éclairant à travers la nuit. Cette terre est votre terre, cette terre est ma terre (…) Cette terre a été faite pour toi et moi », entonne l’artiste avant de déclamer les derniers mots du serment d’allégeance au drapeau américain : « Une nation sous Dieu, indivisible, garantissant à tous la liberté et la justice. » Donald a-t-il reçu le message ?
- Une superhéroïne au secours de l’Amérique
Sans prévenir, Lady Gaga se jette dans le vide. Retenue par deux filins, elle a fait son entrée sur scène comme une Wonder Woman de paillettes. Le gif de son saut est depuis devenu viral. Un journaliste de Buzzfeed s’en est servi pour illustrer « l’effet que ça fait de couvrir la politique en 2017 ».
Ce « leap of faith », cet « acte de foi », a épaté les Américains… Ont-ils vu en la chanteuse un messie pop prêt à prêcher sa bonne parole ? On sait, grâce à Spider-Man qu’« avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités ». Lady Gaga va donc devoir se montrer à la hauteur.
- Un pays qui renaît de ses cendres ?
La « superhéroïne » débarque dans un décor post-apocalyptique. Des étoiles lumineuses semblent s’être décrochées du drapeau américain pour se planter dans le sol.
Autour, tout n’est que fer, flammes et fumée. C’est Mad Max au Texas. Elle prend place sur une structure métallique qui se prête à de nombreuses interprétations (un simple échafaudage ? Le vestige d’une tour ? Un rappel de la torche de la Statue de la liberté ?….).
Plus le show avance, plus ce décor anxiogène s’estompe pour se parer de lumière et de couleurs vives. Le bleu, le blanc et le rouge, les couleurs du drapeau américain – et du sponsor Pepsi – inonderont le dernier tableau, au rythme de Bad Romance.
- N’oubliez pas les paroles
Lady Gaga commence son medley par Pokerface. Elle chante « I wanna hold’em like they do in Texas » (« Je veux les tenir comme ils le font au Texas », ces paroles sont aussi un jeu de mots avec le Texas hold’em, une variante du poker) et saisit alors une barre de fer.
A-t-on l’esprit mal placé si on y voit un symbole phallique ? Et surinterprète-t-on le geste si on y voit une réponse au « Grab them by the pussy » de Donald Trump ? Beaucoup plus explicite, les paroles de Born This Way : « Peu importe que je sois gay, homo ou bi, lesbienne ou trans. Je suis sur la bonne voie, bébé. (…) Peu importe que je sois noire, blanche ou beige, latina ou conçue en Orient, je suis née pour être courageuse. » Des phrases qui font figure de manifeste au regard des inquiétudes suscitées par l’administration Trump et son conservatisme. Le texte de la chanson qui vise à l’acceptation de soi fait aussi référence à la religion : « Je suis belle à ma manière car Dieu ne commet jamais d’erreur »… Dans un Etat comme le Texas, prétendument réactionnaire et très croyant, ces phrases ont une résonnance particulière.
Seul moment d’accalmie au milieu de ce quart d’heure spectaculaire : le passage au piano de Lady Gaga qui lance alors un « Bonjour Houston, boujour le monde, nous sommes là pour vous faire vous sentir bien » et chante l’un de ses derniers singles, A Million Reasons. « J’ai un million de raisons pour m’en aller mais, bébé, une seule bonne raison me fera rester. » L’amour du pays plus fort que l’envie d’exil au Canada ?
- Pop star
Au-delà de toutes ces interprétations politiques, cette mi-temps aura rempli son contrat : offrir du spectacle. Lady Gaga a enchaîné ses plus grands succès et multiplié les clins d’œil pop. Avec son synthé en bandoulière sur Just Dance, elle avait de faux airs de Jem et les Hologrammes.
Les costumes brillants, scintillants, étincelants et clairement too-much étaient au service d’un défilé camp que n’aurait pas renié un candidat de l’Eurovision. Sa sortie de scène a été amorcée par un « mic drop », un lâcher de micro, geste apparu dans le milieu du stand up dans les années 1980 mais popularisé par Barack Obama en 2012…
L’allusion à l’ex-locataire de la Maison Blanche était-elle directe et délibérée ? Lady Gaga ne répondra pas et se contentera littéralement de saisir la balle au bond avant de sauter une nouvelle fois, et de disparaître. Mission accomplie.