«L’épisode se termine au moment où Carrie voit un rayon de soleil à travers la fenêtre. » Ainsi s’achève le résumé du dernier épisode de la saison 5 de Homeland sur l’article détaillé de Wikipédia. Si ces résumés existent, c’est qu’ils sont lus. Pure logique. Oui, mais par qui ? Qui peut bien lire des résumés de séries plutôt que de les regarder ? D’après notre enquête : beaucoup de monde.
« J’ai bien aimé les deux premières saisons de Homeland mais après j’ai lâché, raconte Sophie qui se présente comme une sériphile raisonnable. J’ai voulu m’y remettre au moment de la diffusion de la saison 5 mais je ne voulais pas rattraper les deux saisons manquées alors j’ai lu les résumés détaillés sur Wikipédia. » Ce genre de comportement fera sans doute hurler les fans de Carrie Mathison, mais semble assez raisonnable alors que la diffusion de la saison 6 commence dimanche ( mardi 17 sur Canal + Séries pour la France).
En fouillant un peu les forums de fans de séries, on trouve également quelques personnes qui confient lire les résumés de séries qu’elles n’ont pas le temps, ou l’envie, de regarder, « pour pouvoir en parler avec les amis, explique Séverine. J’ai un cercle de potes qui aiment beaucoup débattre sur les séries du moment. Moi, je n’ai pas toujours le temps de regarder mais je ne veux pas être larguée pendant les discussions. » La jeune femme confesse avoir déjà (souvent ?) fait croire à ses amis qu’elle avait vu et apprécié une série dont elle n’avait que lu les résumés. « Si ça se trouve, on a eu des soirées débats sur des séries qu’aucun d’entre nous n’avait vu… »
« Spoile-toi toi-même », Socrate
« Le cliché selon lequel le voyage est plus important que la destination s’applique totalement à mon rapport aux séries, explique Xavier. Je peux apprécier un beau retournement de situation ou un twist inattendu bien sûr, mais j’apprécie encore plus la façon dont cet événement va être amené : comment les auteurs ont construit leur intrigue, comment ils ont semé des indices… Alors, quand pour certaines séries le suspense devient littéralement insoutenable et que les épisodes ont déjà été diffusés, je me spoile. Ainsi, je me libère d’une tension (comme « Mais qui est le mystérieux homme mort dans la maison d’Annalise Keating ? » dans How to Get Away with Murder) et je peux ensuite apprécier la série comme un amateur de vin qui vient de commander un grand cru. On sait déjà qu’il est bon et pourquoi, cela permet d’apprécier pleinement sa saveur lorsqu’il est en bouche. »
Claire a également un rapport d’esthète à la lecture de résumés de série qu’elle sélectionne avec soin : « Je ne lis que les résumés d’épisodes des séries qui m’intéressent vraiment. Par exemple, The Night Of, j’en ai vu le premier et le dernier épisode. Les autres, j’en ai lu les résumés, très détaillés, sur Wikipédia parce que je n’avais pas le temps de les voir et que mon copain n’avait aucune envie de m’attendre… J’ai vraiment l’impression de l’avoir vu cette série, j’ai plein de choses à en dire. J’en ai vraiment ressenti l’esthétique mais c’est surtout l’intrigue et l’évolution des personnages qui m’intéressent. Je suis quelqu’un de l’écrit. J’aime les histoires, les parcours. Pour Breaking Bad, j’ai vu la première saison et après j’ai tout lu. Je cherche et je trouve des résumés vraiment très détaillés et bien écrits. »
Confessions en série
De justifications d’ordre pratique en explications à dimension esthétique, voir éthique, les lecteurs de résumés de séries confessent aussi des raisons moins avouables. Claire explique qu’elle est « une professionnelle pour parler de ce que je n’ai pas vu. J’adore ça. Pas pour donner l’impression d’avoir tout vu mais juste pour le plaisir de parler d’émotions esthétiques. » Sophie lit certains résumés en avance pour pouvoir « faire la blasée ou faire mine d’avoir deviné la suite quand je regarde l’épisode avec mon copain. » Xavier quant à lui confesse être « un peu trop sentimental. La mort de Will dans The Good Wife m’a fait pleurer plus que de raison. Si je l’avais su avant, j’aurais pu garder un peu de dignité sur mon canapé. »
Tous reconnaissent que ces lectures de résumés ne remplacent pas le visionnage d’une bonne série. Mais les conditions ne sont tout simplement pas souvent réunies. « J’ai pu regarder The Affair toute seule, à mon rythme, sans être dépendante de quoi que soit dans mon visionnage, raconte Claire. Je l’ai regardé en entier alors que c’est le genre de série que j’aurais tout à fait pu lire. » Enfin, Séverine s’est mise à regarder de vieilles séries qui ne suscitent plus de débats chez ses amis : « Je me fais un épisode des Soprano de temps en temps, à mon rythme, tranquille… Mais bon, j’ai déjà lu comment ça se terminait sur Wikipédia. »