Make it happen: que se passe-t-il après une campagne de crowdfunding réussie?
Innovation•Recevoir de l’argent, c’est bien. Ne pas tout claquer aux Bahamas, c’est mieux…Jean-Jacques Valette
«Réussir sa campagne, c’est une partie de plaisir. C’est après que les vrais ennuis commencent », note Romain Guiriec en rigolant. Ce professeur de mathématiques le sait bien, lui qui est à l’origine de deux campagnes réussies sur Ulule qui lui ont permis de lever près de 130.000€. Son projet ? Inside3, un puzzle en trois dimensions qui consiste à faire parcourir un labyrinthe en forme de cube à une petite bille en acier.
Trois ans après, le succès est enfin au rendez-vous et la petite entreprise commence à engranger ses premiers bénéfices. « On a vendu 75.000 cubes dans le monde malgré un paquet d’erreurs de notre part. Aujourd’hui, j’essaie d’apporter mon expérience aux autres porteurs de projets. »
Garder le contact
En plus du parrainage d’anciens, les porteurs de projets peuvent aussi compter sur plusieurs conseils délivrés par la plateforme en même temps que leur virement. « Le plus important, c’est de garder contact avec ses soutiens à travers des mises à jour régulières », explique Margaux Thiérrée, directrice du pôle projets chez Ulule. « Ce sont des gens qui ont confiance en vous et qui pourront demain être les ambassadeurs de votre projet. »
Et si on choisit de partir tout claquer aux Bahamas ? « Dans les faits, c’est rarissime car nous avons l’identité du porteur de projet et celui-ci s’est engagé légalement à délivrer les contreparties. » Dans le droit français, le crowdfunding est en effet assimilé à de la vente. « Et puis, pour réussir une campagne il faut d’abord convaincre ses proches d’investir. Ce serait dommage de décevoir votre grand-mère. »
Ne pas craindre les retards
Viens alors l’étape de l’envoi des contreparties, qu’il faut accompagner d’un petit mot personnalisé ou de goodies inattendus. « Les gens sont ravis quand ils reçoivent une dédicace sur un livre par exemple. Souvent, ils prennent une photo et la poste sur les réseaux sociaux », constate Margaux.
A condition que tout se passe bien et que les contreparties soient prêtes dans les temps. « En cas de retard, ce n’est pas un drame. Il faut surtout communiquer dessus afin de ne pas se mettre les contributeurs à dos. En général, ils sont très compréhensifs. Après tout, un fournisseur qui vous lâche ça fait partie de l’aventure entrepreneuriale », ajoute-t-elle.
Convaincre les usines
Pour éviter ce désagrément, Romain Guiriec a anticipé et lancé la production avant même la fin de la campagne. « C’était une prise de risque. D’autant que faire fabriquer des objets en plastique est plus facile à dire qu’à faire. De nombreuses usines nous ont ri au nez ! Mais à la fin on a eu la chance de trouver les bonnes personnes et de réussir notre pari du Made in France. »
Une problématique qu’a également rencontré Kibloom. Un « jeu de construction végétal » lauréat du concours Make It Happen organisé en partenariat avec 20 Minutes. « Notre kit contient plusieurs éléments en plastique recyclé. Pour les fabriquer en série, il faut des moules à injection qui coûtent 10.000€ pièce ! », explique Marie-Laure Rauline, la pépiniériste à l’origine du projet.
Une somme bien supérieure aux 4.600€ que son projet a levé sur Ulule. « On a aussi reçu le prix du Made in France de la Camif d’une valeur de 5.000€. Mais le plus important dans une campagne ce n’est pas tant l’argent que la communication et la crédibilité que reçoit votre projet. »
Ne pas hypothéquer sa maison
En clair : après un crowdfunding réussi, il est plus facile de convaincre les banques de vous faire un prêt. « D’autant que vous pouvez demander de l’aide à la banque publique d’investissement ou à des organisations comme le Réseau Entreprendre pour se porter caution ou négocier des prêts à taux zéro », ajoute Marie-Laure, qui a ainsi éviter d’hypothéquer sa maison.
Pour la distribution, Romain Guiriec a eu la chance de rencontrer un propriétaire de boutiques de jeux de société lors d’un salon à Cannes. « Je suis plutôt anti-Amazon donc on y avait pas pensé. Mais depuis qu’on s’est mis dessus il y a trois mois, on touche une communauté de fan de puzzles et nos ventes s’envolent ! », s’étonne le professeur. Marie-Laure, elle, pourra compter sur le soutien de la Camif et son imposant catalogue de produits Made in France.
Enfin, reste la question de la communication et du marketing. « Il y a plein de choses auxquelles on ne pense pas. Comme faire de jolies boîtes ou réaliser plusieurs visuels différents pour les journalistes afin que leurs articles ne se ressemblent pas », note le créateur d’Inside3. Sa plus grande fierté ? « On a offert un de nos cubes à Alexandre Astier qui a adoré et l’a posté sur Twitter. Trois ans après, il y a encore des gens qui s’en souviennent ! »