Est-on encore capable de travailler sans applis anti-procrastination?
APPLIS•Pour éviter de se disperser, des dizaines d’applis proposent de nous couper temporairement l’accès aux réseaux sociaux ou à notre smartphone. Certaines sont ludiques, d'autres plus culpabilisantes...Annabelle Laurent
L’article que vous entamez est né dans des conditions extrêmes. Sous la menace de terrifiantes… applications. Et de non moins terrorisantes extensions Chrome.
Quand il s'agit de boucler un dossier, personne ne aussi bien que vous? Depuis quelques années, des dizaines et dizaines d’outils se proposent de nous aider à nous con-cen-trer, en nous coupant l’accès, temporairement, aux innombrables sources de distraction dont regorgent Internet ou notre smartphone… Au hasard: Facebook, Twitter, YouTube… Ou Reddit et cette fabuleuse photo de l’escargot, vous voyez laquelle, celui qui tente d’ et c’est marrant parce que… Pardon, je m'égare.
Adieu la procrastination, donc. Avec le feu vert d'un coach et consultant en «bien-être numérique», David Lajarge, créateur de :
«Utiliser la techno pour maîtriser son usage de la techno, je n’ai rien contre. Ces applis – dont 90% proposent la même chose, et beaucoup ont disparu à peine lancées – ont plutôt une utilité de garde-fou. Pour tous les travailleurs indépendants qui bossent depuis chez eux et sont facilement distraits, ça a tout son sens.»
On commence avec FocusBook. Une extension Chrome (à télécharger ici) qui se propose de fliquer nos visites sur Facebook. Et d’empêcher ce moment où entre deux recherches internet à but professionnel, sans même l’avoir voulu, on a ouvert l’onglet. Sans avoir rien à y faire. Ce que Focusbook se charge de rappeler, gentiment, puis un peu moins.
RETOURNE BOSSER
A chaque retour sur le site, un rideau bleu dégouline lentement pour recouvrir mon newsfeed, tandis qu’apparaît un message: «Pourquoi avez-vous ouvert Facebook? De quoi avez-vous besoin?». Je réponds «de vacances», le hors-sujet ne le choque pas et le rideau se lève, à moi Facebook. Mais plus j’y retourne, plus il s’agace: «Mon dieu, mais tu ne peux vraiment pas ton empêcher, hein ?!», puis «RETOURNE BOSSER ». Je peux cliquer «Laisse-moi tranquille», mais le répit n’est que temporaire.
Si seulement il n’y avait que Facebook. On va serrer la vis. C’est ce que propose par exemple StayFocused, une extension qui permet de bloquer les sites de son choix, une fois un décompte écoulé. Plus ludique, Focus propose de lister les sites à bloquer tout en inscrivant quel est votre «plus grand rêve». Je tente «being Beyoncé». Et à chaque visite sur «google.fr» (que je liste comme site interdit: j’ai dit qu’on serrait la vis), m’attend une sorte de fonds d’écran Windows orné d’une pseudo-citation de philo, mais surtout d’un rappel: «Il est temps de vous concentrer sur votre objectif: devenir Beyoncé».
Vous savez bien que malgré tout, mon smartphone est là, sous mes yeux, prêt à s’allumer pour un SMS, une notif Whatsapp, une alerte push, etc… Je pourrais choisir Freedom, qui a l'avantage de synchroniser la déconnexion sur tous les appareils. J'installe pour l'instant FlipD, qui me propose de mettre mon portable en off pendant une durée de mon choix, 1 minute, 8 heures, selon ma force.
Dix minutes d’abstinence et je suis félicitée d’un «Good Job!». J’augmente à 30 minutes, mais une notif Messenger déboule, je checke, et game over. «Oh non, vous avez échoué», regrette Flipd.
C’est tout le problème de ces applis sur iOS, où le blocage est inefficace puisque la dictature d’Apple interdit tout accès à ses applis, là où Android permet un blocus réel.
«Du coup l’usage de ces applis sur iPhone peut être très déceptif», David Lajarge.
Nées ces deux dernières années avec la vague de la «digital detox», «qui est elle apparue en 2011, a explosé en 2013 et s’est complètement répandue l’an dernier», les applis proposent un blocage plus ou moins extrême, et il y en a pour tous les goûts: «L’intérêt de FlipD est de pouvoir autoriser, malgré le blocage du smartphone, certains outils comme les SMS ou Google Maps, celui de Moment est de permettre un contrôle familial, Offline permet d’envoyer des messages d’absence automatiques à ceux qui vous sollicitent que ce soit par SMS, sur Twitter ou Facebook… Mais dans l’ensemble, le problème est qu’elles sont très punitives et culpabilisantes.»
«Je recommande des applis moins punitives comme celles qui ont misé sur le gaming, à l’image de Forest: vous plantez un arbre lorsque vous souhaitez mettre de côté votre téléphone. L’appli ne bloque rien, à vous de prendre la décision de tuer ou non la jeune pousse.»
Moins fictif cette fois, une appli Unicef propose aussi de , l'Unicef s’engage à reverser une journée d’eau aux enfants qui en ont besoin.
On en arrive à la fin de cet article grâce à des outils qui pour augmenter notre «productivité», ont une utilité assez évidente. Mais pour se détacher de l'écran de son portable même dans sa vie perso? «Ces applis ne sont pas à utiliser comme des routines, sinon on ne s’autodiscipline pas, juge David Lajarge. Surtout, elles ne sont pas à utiliser entre amis, en famille, ou avec soi-même. Si vous en avez besoin pour lâcher votre portable alors que vous êtes avec vos amis, c’est qu’il y a un vrai problème...».