EXPOSITIONTino Sehgal fait de l'art avec des gens

Tino Sehgal amène 300 participants en guise d'oeuvre pour son exposition au Palais de Tokyo

EXPOSITIONL'artiste Tino Sehgal a reçu une carte blanche du Palais de Tokyo, à Paris, pour occuper les 13.000 mètres carré du lieu...
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Même si aucune affiche ne le clamera sur les murs du métro parisien, à Tino Sehgal (jusqu’au 18 décembre 2016) est . d’art contemporain, la manquer serait une grossière erreur.

Il s’agit en effet d’une exposition sans œuvre d’art. Plutôt que de se torturer les méninges devant ou un , le visiteur est ici invité à déambuler dans un Palais de Tokyo vide (13.000 mètres carrés tout de même). Il y croise des enfants qui l’abordent en lui demandant : « Qu’est-ce que le mystère ? » ou « Qu’est ce que c’est, le progrès ? », des adolescents qui cherchent à faire connaissance (« Les horoscopes tu y crois, toi ? », « Moi, j’imprime encore mes photos, je suis attaché à la matérialité, et toi ? »), une grand-mère qui raconte l’histoire de son tatouage « en forme de scorpion », un papa qui raconte une histoire intime « Tu ne le répètes à personne hein ? »…

Qui es-tu Tino ?

Mais attention, l’exposition de Tino Sehgal n’est pas un ensemble de performances.

En même temps qu’il repousse, Tino Sehgal met les commentateurs à l’épreuve. Pour l'appréhender au mieux, il faut d’abord se demander ce que l’artiste est, et ce qu'il n’est pas.

Tino Sehgal ne fait pas des performances mais organise des « situations ». Les participants à ces situations ne sont donc pas des performeurs ni des artistes, mais des figurants recrutés soigneusement par Tino Sehgal. Ils sont 300 au Palais de Tokyo, âgés de 8 à 82 ans, et joue un rôle central puisqu’à part eux, il n’y a quasiment rien dans l’exposition.

Tino Sehgal n’est ni peintre, ni sculpteur, ni plasticien. En revanche, Tino Sehgal est passionné de danse, voire chorégraphe lui-même. Quatre jours avant le début de son exposition parisienne, il a déployé ses « participants » pendant l’entracte.

Tino Sehgal n’existe presque pas. Il en tout cas. A titre personnel, même s’il voyage beaucoup, il ne prend pas l’avion, pour ne pas avoir de billets à son nom.

Tino Sehgal ne fait pour éviter les cartons d’invitations. Ils ne vend pas de billets d’exposition. Les visiteurs du Palais de Tokyo ne reçoivent aucune contremarque en échange du prix d’entrée. Et voilà pourquoi son nom n’est inscrit sur aucune affiche.

Ce qui ne l’empêche pas d’être . En 2013, Tino Sehgal a . Pour la pré-ouverture de sa carte blanche au Palais de Tokyo, le gotha de l’art contemporain était là, notamment .

Tino Sehgal en tant que telles. Mais l'homme est poli et répond aimablement aux questions quand on l’aborde.

Tino Sehgal n’est pas bavard. Lors de la présentation à la presse, après deux phrases au micro, il rigole : « J’ai beaucoup trop parlé pour aujourd’hui. »

Tino Sehgal refuse que l’on filme ou photographie ses expositions.

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Tino Sehgal ne signe aucun contrat. Tout accord est oral. Ce qui, de l’aveu de Jean de Loisy, réclame une vraie relation de confiance : « Il est sérieux, il sait de quelle somme d'argent on dispose et veille à ne pas dépenser plus. »

Tino Sehgal ne la joue pas perso. L’artiste Anglo-allemand a profité de la carte blanche du Palais de Tokyo pour inviter d’autres artistes, dont Daniel Buren, Pierre Huyghe, James Coleman…

«  Daniel Buren accueille le visiteur de l’exposition Tino Seghal Une photo publiée par Chapon (@benjaminchapon) le 11 Oct. 2016 à 7h41 PDT  »

Mais au delà de ce qu'il est ou de ce qu'il n'est pas, concrètement, Tino Seghal, il fait quoi? Si sa personnalité fascine (ou agace) et si ses oeuvres procèdent de la même intransigeance, son exposition au Palais de Tokyo est une expérience très accessible. Nul besoin d’un doctorat en histoire de l’art ou d’être un féru d’art contemporain pour ressentir quelque chose de fort lors de sa visite.

Une exposition thérapeutique

Pour entrer, le visiteur doit écarter un immense rideau, œuvre de Felix Gonzales Torres. « Cette exposition demande au visiteur de faire confiance à l’artiste, explique Jean de Loisy. Pour que le basculement essentiel est lieu, il faut faire preuve de bienveillance, d’attention à l’autre. » L’exposition est un dialogue permanent. Où qu’il aille, le visiteur est abordé par les « participants » qui l’interrogent et le guide à travers les espaces, soit en leur racontant des histoires, plutôt intimes, soit on dialoguant avec eux.

Dans la grande salle du Palais, une nuée court, ou danse, et parfois chante. Ils doivent être une centaine, de tous âges, sans uniforme. L’impression est forte.

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Dans d’autres espaces du Palais de Tokyo, le visiteur doit affronter l’obscurité, l’humidité. Dans une pièce cachée, cinq hommes psalmodient, de plus en plus vite, la phrase : « . » Dans une autre, complètement plongée dans le noir, un nombre indéterminé de personnes chantent en chœur. Si le visiteur hésite à entrer à tâtons, un des chanteurs vient le prendre par le bras pour l’accompagner au centre de la pièce.

«  Une vidéo publiée par Chapon (@benjaminchapon) le 11 Oct. 2016 à 5h32 PDT  »

Il y a aussi ce nouvel épisode de la vie de Ann Lee, pour lui donner une nouvelle vie. Différents artistes ont été invités à créer des œuvres pour ce personnage. Chez Tino Sehgal, la jeune fille au centre la performance est cette fois accompagné d’un jeune garçon qui l’interroge sur sa nature d’œuvre d’art vivante dans un dialogue troublant. On a vu des critiques d’art endurcis en ressortir l’œil humide.

Rebecca Lamarche-Vadel, commissaire de l’exposition, est chargée de mettre des mots sur ces œuvres hors du commun : « Cette exposition a pour but d’interroger la notion de visite au XXIe siècle. Comment le visiteur se fait-il une place face à une œuvre ? Et comment transformons nous le monde avec nos choix ? Tino Sehgal ne présente pas des objets que l’on regarde mais plutôt des choses que l’on éprouve. » Jean de Loisy confirme que le travail de l’artiste flirte avec « les limites des possibilités perceptives. »

Les coquetteries de l’artiste Tino Sehgal sont heureusement au service d’une œuvre forte qui trouble et soulage en même temps ses spectateurs.