ARTKoichi Kurita, un artiste pas si terre à terre

VIDEO. Koichi Kurita: «La terre que vous avez sous les pieds, voyez comme c'est joli»

ARTL’artiste japonais expose au château de Chambord les terres que lui et sa femme ont recueillies le long de la Loire, comme ils ont l’habitude de le faire partout dans le monde…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Inlassablement, il creuse. Koichi Kurita est un artiste japonais qui, , réalise encore et toujours la même performance. D’abord au Japon, puis en France depuis quelques années, il bat la campagne et prélève de petites quantités de terre, un peu partout. Ensuite, il sèche et nettoie ces échantillons, puis les stocke. Parfois, il les expose, , alignés au millimètre près, qui font inévitablement penser – –

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« Ça n’a rien à voir avec les jardins zen parce que je n’y mets aucune spiritualité » explique Koichi Kurita en alignant . L’artiste y a été invité à exposer, entre le 16 octobre et le 12 février 2017, des terres recueillies tout le long de la Loire. « J’ai prélevé plus de 10.000 terres différentes pendant plusieurs mois. Il y a longtemps que je voulais travailler au bord de la Loire. Quand je suis venu en France pour la première fois, j’ai cru que le mot « terroir » était une contraction de « Terre » et « Loire ». J’ai voulu appeler l’exposition Terre Loire. »

La terre, ce n’est pas sale

Koichi et sa femme Kazuko de Saint-Nazaire jusqu’à sa source, traversant douze départements et d’innombrables villages. « A chaque fois que je suis invité par une institution, je dépense tout l’argent qu’on me donne pour aller chercher des nouveaux échantillons de terre. . Donc, le reste du temps, j’ai un travail alimentaire. » Et lequel est-ce ? On vous le donne en mille : « Archéologue. Oui, je passe pas mal de temps les mains dans la terre… »

Koichi Kurita se définit avec peine comme un artiste : « Je n’ai fait aucune étude d’art, je ne connais . Et à part cette bibliothèque des terres, je n’ai aucun projet. Suis-je un artiste à vos yeux ? Mon but est de rendre beau quelque chose que beaucoup de gens jugent sale. Mais je suis plus concerné par la préservation de l’environnement et des paysages que par la dimension artistique. S’il y a un message dans mon travail, c’est celui-ci : prenez garde à ce que vous avez sous les pieds, voyez comme c’est joli. Et comme j’expose toujours , les visiteurs sont surpris, se posent des questions, se demandent pourquoi je fais ça… » C’est vrai, on se le demande : Pourquoi fait-il ça ?

Du respect de la terre au respect de la Terre

Koichi Kurita nous a emmenés en balade dans le parc du château de Chambord, puis dans ses caves, pour nous faire une démonstration de sa technique de « ponction », de « nettoyage » puis de « mise en place » de ses échantillons de terre. Le travail est à la fois très simple et méticuleux, de la collecte à l’installation. « Je ne prélève qu’un tout petit sachet, et je ne creuse pas. Je prends la terre à la surface pour ne pas abîmer la nature. Dix centimètres de terre, ça peut représenter cent ans d’histoire. »

Toutes ses terres, Koichi Kurita les nettoie puis les stocke précieusement pour constituer une sorte de bibliothèque des terres du monde entier. « Un ami parisien nous prête son garage pour les stocker. Et puis j’en ai plusieurs mètres cubes au Japon évidemment. J’ai des dizaines de milliers de sachets de terre… » En revanche, toute terre n’est pas digne d’être exposée. « Je garde celles qui ont une belle couleur et une belle texture, pas trop fine, celles qui accrochent bien la lumière. »

Koichi Kurita est fier d’avoir recueilli de la terre de , avant la catastrophe « Mon travail, c’est un témoignage. Quand j’étais jeune, j’étais un backpacker, j’ai beaucoup voyagé en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie du Sud-Est… Quand je suis revenu au Japon, j’étais un peu perdu. Un jour, je me baladais, j’ai regardé mes pieds et j’ai remarqué la beauté et la variété de tout ce que j’avais, là, sous mes pieds. »

Expert en paysages

Alors que Koichi et Kazuko Kurita installaient les carrés de terre de l’exposition dans la splendide chapelle du château de Chambord, des visiteurs curieux passaient une tête pour observer le travail en cours. « Les gens me demandent toujours comment je fais pour trouver autant de terres aux couleurs différentes. Mais c’est vraiment très facile. Avec le temps, je sais deviner, en regardant le paysage, où je vais trouver des terres rouges, ou noires, ou bleues. »

Après le vernissage de son exposition, il est prévu que le couple quitte sa résidence royale de Chambord puis retourne au Japon, mais a déjà plusieurs autres projets en France. « Pour l’instant, il n’y a pas d’autres pays qui s’intéressent à mon travail. Mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas si désagréable que ça de sillonner la France en Twingo… Je connais mieux les paysages de votre pays que beaucoup de Français : on a visité les deux-tiers des départements français. Il ne nous manque que le Sud Est. »