Le graffeur Zevs passe de la street au château
EXPO•Au Château de Vincennes, Zevs met les techniques du street art au service de l'art contemporain...Coralie Lemke
Il n’est ni sculpteur, ni peintre, ni photographe. Pour la première exposition d’art contemporain, , qui se tient entre ses murs, le château de Vincennes a choisi de laisser carte blanche au street artiste Zevs. A travers 25 œuvres, il mêle arts plastique et art de rue. Une production qui fait écho à son passé artistique, ni complètement vandale, ni complètement institutionnalisé.
Zevs est connu pour s’amuser à taguer dans le métro ou pour avoir envahi la ville de Montpellier avec son acolyte . Mais dans l’exposition Noir éclair, exit les aérosols et les collages. Installé dans un lieu patrimonial chargé d’histoire, le graffeur utilise des moyens détournés pour amener le street art au château.
Et ça commence avec les douves, ornées de flammes de chaque côté, grâce à la technique du graffiti propre. « A l’aide d’un pochoir inversé, il enlève de la matière sans en rajouter sur les surfaces. Le avait prévu de nettoyer les douves. Voilà pourquoi ils l’ont autorisé à graffer ici », explique Marie Deparis-Yafil, commissaire de l’exposition. Résultat : un château aux allures rock’n’roll dès l’entrée du visiteur.
« J’aime faire des va et viens entre les deux »
« La ville a été son atelier mais il a aussi créé des œuvres pour des galeries ou des collections privées. Zevs a toujours su travailler sur ces deux plans », explique Stéphane Chatry, producteur de l’exposition. S’il a longtemps dissocié ces deux activités, l’artiste a fini par les associer. « Pendant longtemps, j’ai cru qu’il était possible de développer une démarche parallèle sur les deux terrains. Mais aujourd’hui, je me dis que ces deux domaines opposés forment un équilibre. J’aime faire des va-et-vient entre les deux. »
Un glissement également perceptible dans les geôles du château, où les spectateurs peuvent observer un graffiti invisible. Son donjon, transformé en prison au XVIIe siècle, a vu séjourner de nombreux détenus, qui, pour passer le temps, gravaient des inscriptions dans les murs, comme « Heureux les yeux fermés aux choses extérieures et ouvertes aux intérieures ». Zevs a choisi de la rendre partiellement visible grâce à des pigments fluo luminescents. Ils n’apparaissent que dans l’obscurité. « J’aime prolonger ce qui existe déjà. Comme quand j’ajoutais des ombres au mobilier urbain », se souvient-il.
Less is more
Mais Zevs préfère enlever plutôt qu’ajouter, comme lors de son Visual kidnapping réalisé en 2001 et exposé au troisième étage du donjon : l’immense égérie Lavazza découpée de sa publicité géante à Alexanderplatz à Berlin, pour laquelle il a demandé une rançon.
« Cette exposition fonctionne comme une rétrospective sur son travail et permet de comprendre ce qu’il a apporté à l’histoire du graffiti », estime Stéphane Chatry. « On arrive à un stade où le street art est foisonnant. Je pense que c’est bien de prendre du recul et de redimensionner les notions de cette discipline », poursuit l’artiste. Son art contemporain en porte tous les stigmates : des néons de métro transformés en éclair aux traces de peintures qui coulent sous les lettres.