GeekNintendo face aux jeux Pokémon amateurs

Quand les fans de Pokémon créent des jeux à la place de Nintendo

GeekPour prolonger le plaisir, des développeurs amateurs bravent le droit à la propriété intellectuelle...
Thomas Weill

Thomas Weill

Un développeur sauvage apparaît ! Nous ne sommes pas en plein cœur d’une partie de Pokémon, mais c’est tout comme. Dans l’univers de Pikachu, de nombreux fans mettent la main à la pâte pour créer leur propre jeu vidéo. Une réappropriation de licence que Nintendo, son propriétaire, voit rarement d’un bon œil et qui pèse sur le travail des passionnés.

Parfois jusqu’à l’interrompre. Après plus d’un million et demi de téléchargements, Nintendo a fait retirer , jeu amateur (gratuit donc) sur fond d’accident nucléaire et de créatures infectées, le 13 août dernier après une semaine d’exploitation. Contactés par 20 Minutes, ni les développeurs, ni le géant japonais n’ont souhaité commenter l’affaire.

Ce n’est pas une première pour l’éditeur qui, tout à fait dans son droit, protège ses monstres de poche. L’entreprise a par exemple déjà fait interdire un site Internet, ainsi qu’un projet musical, Pokemon Reorchestrated, aujourd'hui introuvable sur Youtube bien que , pour motif d’utilisation illégale de la marque Pokémon.

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« Un apéritif pour faire patienter »

Loup Lassinat-Foubert, co-auteur de et journaliste sur le site spécialisé dans les jeux vidéo, , insiste sur le côté « procédurier » de l’éditeur. Mais la situation n’a rien de nouveau. « Les fan-games ont toujours existé, avec la licence au début. On en retrouve sur Pokémon qui a une très grande fan base et dont le codage est assez simple. C’est une sorte d’apéritif qui fait patienter » avant la sortie du prochain jeu, explique-t-il.

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« Quand j’ai commencé, il y a environ neuf ans, c’était juste un projet personnel. J’avais tellement aimé le jeu original que j’ai voulu l’essayer avec des graphismes améliorés », raconte Kristian Thomson, alias Linkandzelda, britannique de 25 ans qui a créé son propre jeu Pokémon sur la base d’un titre existant.

Depuis 2013, plus d’un million de téléchargements. Pourtant, le jeune homme n’a jamais craint les représailles de (et n’en a jamais eu). « J’étais prêt à travailler dessus pendant des années, même si c’était juste pour moi. C’était un peu comme avec des , où le fait de fabriquer quelque chose est plus amusant que le résultat final. »

D’après , si Kristian Thomson a réussi à passer entre les mailles du filet, c’est aussi parce que « plus le fan-game reste proche des titres de Nintendo, moins l’éditeur est gêné en termes d’image ». Ajouter de nouvelles créatures et créer un monde plus adulte et plus sombre que celui des jeux officiels, c’est l’assurance de réveiller les avocats.

La peur des représailles

Une bataille ou une menace de suspension qui peut décourager certains d’achever le développement de leur jeu hommage. Duncan Vincent par exemple, qui travaille dans les jeux vidéo, s’amuse aussi à développer sur son temps libre. Avec un ami, il a passé plus de deux ans à produire un jeu de rôle multi-joueurs en ligne sans l’accord de la maison-mère.

Lors d’une rencontre avec « un officiel de chez » dans le cadre de son travail, le fan s’enquiert des risques encourus. Verdict, « pas grand-chose si ce n’est la demande de fermeture du projet », se souvient-il. Lorsque le développeur envisage de tout recommencer de zéro pour rendre son jeu plus performant et faire face au succès rencontré, il se souvient pourtant de cette réponse et jette l’éponge. « Ca ne valait pas la peine de repartir sur deux ou trois ans de travail pour recevoir la lettre d’un juge. »

« Un jeu fan-made peut être toléré, mais à partir du moment où il devient trop populaire l’éditeur va intervenir, estime Loup Lassinat-Foubert. Quand la presse en parle, au bout d’une semaine le jeu ferme. » Alors ne nous en voulez pas si aucun jeu n’a été explicitement cité dans cet article.

Que dit la loi ?

Dans « l’affaire » Nintendo contre Pokémon Uranium, « on a déjà une problématique de marque, puisque la marque Pokémon appartient à Nintendo », rappelle Vanessa Bouchara, avocat spécialiste de la propriété intellectuelle. Impossible donc de se réclamer de l’univers Pokémon sans porter atteinte aux droits de Nintendo sur sa marque.

Vanasse Bouchara évoque aussi l’atteinte aux droits d’auteur. « On ne peut pas reprendre les créations originales ». L’éditeur a des droits sur ses personnages, décors ou autres éléments originaux du jeu. En se positionnant dans le sillage du succès rencontré par Pokémon, les amateurs peuvent également s’exposer à des reproches de « concurrence déloyale » et de « parasitisme », même si leur produit final n’est pas commercialisé.

Dans les deux cas, « il semblerait que Nintendo soit dans son bon droit ». Au niveau des risques financiers pour les développeurs amateurs, c’est du cas par cas. D’après Vanessa Bouchara, « tout dépend de l’étendue de l’usage », que le tribunal compétent évaluera en fonction de la situation.