Deliveroo, Foodora & Co: ces repaires de fans de vélo
Passion•Le championnat du monde de coursiers à vélo se déroule jusqu'au 7 août à Paris...Jeanne Bartoli
Cette fois, c'est pour eux qu'on met les petits plats dans les grands. A l'occasion du championnat du monde de coursiers à vélo, une compétition qui se déroule cette année à Paris (jusqu'au 7 août), les livreurs sont sous le feu de la rampe. Deliveroo a ainsi aligné l'un des coursiers français de sa flotte, Diaby, dans l'équipe de 19 bikers du monde entier qui porteront ses couleurs.
Vous avez peut-être déjà fait appel à eux et vu débouler un sosie de Richard Virenque dans votre salon. A contrario, vous ne commanderez jamais rien sur ces plateformes au nom de l’anti-ubérisation. Les start-up de la « foodtech » et leurs armadas de livreurs à vélo laissent rarement indifférent.
A côté des coursiers qui considèrent cette activité comme un complément de revenu ou une manière de se faire de l’argent « en attendant mieux », certains livreurs « indépendants » (j’ai mis des guillemets pour ne fâcher personne) y voient, eux, une bénédiction. Mois après mois, ces passionnés de vélo grossissent les rangs des start-up de livraison et font vivre une communauté active de bikers.
« Vous vous rendez compte, on nous paye pour rouler, c’est énorme ! », s’enthousiasme Samy, 33 ans, community manager le jour et livreur occasionnel certains soirs chez Take Eat Easy, société placée dernièrement en redressement judiciaire. « Il y a des gens qui ne sont là que pour l’argent mais il y a aussi des vrais passionnés. Moi j’adore. Depuis que je suis tout petit, je fais du vélo », confie de son côté Sacha, coursier chez Foodora.
a« Depuis nos débuts, nous attirons une communauté de coursiers extrêmement sportifs. Ils se recommandent les uns les autres », explique ainsi le directeur général de Foodora France. S’il se réjouit ouvertement de cette situation, Boris Mittermüller tient néanmoins à rappeler que « l’entreprise n’est pas fermée aux autres profils ».
Des livreurs quasi pros
Lorsqu’il sort faire ses tournées (« shifts » dans le jargon), Vincent, ancien Take Eat Easy passé récemment chez Deliveroo, est équipé comme un pro. « En plus de mon vélo, j’ai des chaussures avec des accroches pour les pédales, mon cuissard et mon casque », énumère-t-il. Un attirail qui suscite parfois la curiosité des passants. « Les gens m’arrêtent et me demandent si je fais le tour de France ! », s’amuse-t-il.
Pour cet étudiant en sciences de l’ingénieur qui « a fait un peu de club » et « participe à des critériums en pignon fixe », les livraisons aux quatre coins de Paris font office d’entrainement. « J’ai une application de suivi de performance pour savoir le nombre de kilomètres parcourus », explique-t-il. Ses revenus, Vincent les réinvestit en partie dans son vélo, qu’il qualifie volontiers de « gouffre à pognon ».
Pendant leurs shifts, les livreurs se croisent et se recroisent régulièrement. L’occasion de chambrer un peu « l’ennemi », ironise Samy. Pour Sacha, l’esprit de compétition est le même, quelle que soit l’enseigne du coursier : « Même si j’ai un livreur Foodora devant moi, il faut absolument que je le rattrape et que je le double ! »
Une petite guéguerre entretenue par les start-up entre elles. « Elles jouent pas mal ce jeu là », admet Vincent, « Deliveroo dit souvent qu’elle a les meilleurs livreurs ».
« Après les shifts on se pose tous à République »
Chez ces passionnés, l’esprit de compétition n’empêche pas l’entraide. « Si je vois quelqu’un qui tombe ou qui crève sur le terrain, je lui demande toujours s’il a besoin d’un coup de main », raconte ainsi Sacha.
Cette solidarité, les livreurs la mettent en pratique à la fin de leurs « shifts », lorsque certains se retrouvent autour de la place de la République. « Historiquement, c’était le centre des courses à Paris. Autour du restaurant le Petit Cambodge », explique Vincent. Lors de ces apéros, les t-shirts Deliveroo, Foodora ou Stuart se mélangent sans distinction. L’occasion, entre autre, de se raconter des anecdotes de livraisons.
aCette communauté de bikers est également entretenue sur Facebook où les livreurs disposent de leurs propres groupes privés. Des espaces d’expression « à la cool », encouragés par les entreprises et au sein desquels les livreurs peuvent échanger avec leurs managers.
« On organise beaucoup d’évènements. Ca permet de créer un sentiment communautaire », explique ainsi Nicolas Breuil, responsable de la communication de Stuart France.
#alleycat
L’esprit de communauté, entretenu à grands coups d’apéros, de repas corporate ou de « crazy ride » par les start-up elles-mêmes, s’exprime aussi à l’extérieur du cadre de l’entreprise. Régulièrement, les livreurs organisent en effet des « Alleycat ». Ces courses urbaines, importées des Etats Unis il y a une dizaine d’années, connaissent aujourd’hui leur heure de gloire.
« Le dernier en date, c’était un alleycat préparé par les livreurs Deliveroo, il y a 3 ou 4 mois », se souvient Vincent. Le principe de ces courses est simple. Les livreurs ont plusieurs points dans Paris qu’ils doivent atteindre le plus vite possible. « C’est un peu une course d’orientation sauvage », résume Sacha.
aSi Foodora tient à rappeler qu’elle n’organise pas ce type d’évènements en raison de leur « illégalité » et de leur « dangerosité » (les livreurs peuvent prendre des risques et slalomer entre les voitures), l’ombre des start-up plane sur chaque compétition. Certaines proposent d’ailleurs des lots de récompenses aux gagnants. « Pour eux, c’est un bon moyen de recruter », estime Samy. Un bon moyen de recruter qui se transforme parfois en bon moyen de faire de la pub à moindre coût.
Les start-up peuvent ainsi subventionner leurs livreurs lors de critériums. « Deliveroo m’avait payé l’inscription pour une course », confie ainsi Vincent, pas totalement à l’aise avec ce qu’il qualifie « d’aide ». «Il faut savoir mettre des limites. Ca ne me dérange pas de faire certaines choses mais pas tout. Il ne faut pas oublier qu’on est auto-entrepreneurs, pas salariés », explique-t-il avant d’ajouter « il faut essayer de garder son intégrité et ne pas être l’instrument des marques ». « Ca a trop souvent tué le sport », conclut-il. Vincent participera ainsi en indépendant au championnat du monde des coursiers à vélo qui se déroule à Paris du 1er au 7 août prochain.