VIDEO. Adieu les filtres Snapchat? Voici Musical.ly, la nouvelle obsession de 70 millions d’ados
RESEAU SOCIAL•En plein boom auprès des ados français, Musical.ly compte déjà 70 millions d’utilisateurs dont ses premières «stars», attire Selena Gomez ou Ariana Grande et se rêve en réseau social concurrent de Snapchat, tandis que son dérivé Live.ly bouscule Periscope...Annabelle Laurent
«Boubou_03 est abonné à votre page». Puis Latasha, Steven… A peine s’est-on inscrit - avec un profil vide - que pleuvent les demandes d’amis inconnus: l’accueil est chaleureux, sur Musical.ly. Mais la pression monte. Car voici ce qu’il reste à faire pour ne pas décevoir ses abonnés:
- choisir un extrait de 15 secondes d’une chanson
- apprendre/pseudo-apprendre les paroles
- mieux, mettre au point une « chorégraphie » (avec plus ou moins de guillemets). A défaut de danser, prévoir en tout cas une panoplie de gestes (pour ceux d’Hotline Bling de Drake, appelez Griezmann)
- le smartphone en position selfie (si quelqu'un connaît une appli où l'on a encore le droit de se cacher...), lancer l’enregistrement du « lip sync » (du play-back en bougeant les lèvres, comme sur les bons vieux lipdub, comme chez Jimmy Fallon...).
- agrémenter le tout d’effets, en jouant sur la vitesse de la vidéo, les mouvements de caméra, les filtres d’inversion, etc...
- publier la masterpiece sur l’application (même s’il est aussi possible de la sauvegarder ou de l’exporter sur tous les autres réseaux sociaux)
Quand on maîtrise, ça donne ça:
a(Les piètres tentatives de l'auteure de l'article resteront évidemment secrètes jusqu’à la fin des temps)
Une concurrence aux filtres de Snapchat?
Voici donc le principe d’une des applications les plus populaires du moment, et pourtant inconnue de beaucoup d’entre nous, pour une raison simple: vous avez plus de 18 ans.
70 millions d’ados dans le monde utilisent Musical.ly, selon les derniers chiffres communiqués à Tech Insider par son co-fondateur, Alex Zhu. Variety annonce même le chiffre de 100 millions. Dix millions en auraient une utilisation quotidienne. Et la moitié des ados américains l’aurait dans son smartphone.
Pensez donc : 70 millions, ce n’est « que » moitié moins que Snapchat et ses 150 millions d’utilisateurs (devant Twitter : 140 millions), qui, en plus, sont en train de prendre un coup de vieux, avec l’intrusion inquiétante des plus de 25 ans, selon ComScore…
Surtout, sa croissance est exponentielle : lancée en octobre 2014 à Shanghai par deux entrepreneurs chinois qui avaient renoncé in extremis à une idée d’appli éducative pour finalement se repositionner sur deux piliers du quotidien des ados, la musique et… les selfies, Musical.ly a connu sa réelle explosion l’été dernier (déjà), en se hissant au sommet des ventes de l’App Store dans 19 pays, pour ne plus quitter le top 40 depuis.
En France, elle était la 10e application iPhone gratuite la plus téléchargée fin avril. Elle est actuellement 13e. Valorisée à 500 millions de dollars, Musical.ly serait par ailleurs en train de lever 100 millions de dollars, selon Techcrunch. Soit la « toute première entreprise créée en Chine, basée en Chine, mais populaire aux Etats-Unis », selon un investisseur interviewé par Business Insider. Une surprise pour tout le secteur du digital.
Nom de code: musers
Faites donc place aux «musers», comme sont appelés les adeptes.
Parmi eux, Lilika, 10 ans, nous apporte ses lumières:
« J’ai vu une copine qui faisait une choré dans la cour : elle s’entraînait pour faire un musical chez elle. Maintenant j’ai deux comptes : un pour mon chien [?!], et un pour moi. Avant chaque vidéo, j’apprends la musique par cœur, et je le refais 1.000 fois… Et même si je sais pas ce que la chanson en anglais veut dire, je regarde les chorégraphies des autres, et je fais des gestes qui veulent dire la même chose.
C’est pour s’amuser. Et pour exprimer des sentiments, aussi : une fille de ma classe a fait un musical d’une chanson triste, avec en légende "pourquoi t’es partie" : c’était pour sa meilleure copine qui est partie de l’école 2 jours avant tout le monde. »
Coline, 16 ans, confirme de son côté :
« Musical.ly? Sur Facebook aussi, ça décolle vachement, comme tu peux exporter les vidéos. Et sur Instagram. C’est le même esprit: c’est en mode super classe. J’ai des copines qui font des chorés, genre, trop bien faites. Plein de gens font le tutting challenge. »
Le tutting challenge? C’est ça:
« »
#tuttingchallenge Song: Girl in the Mirorr #musically #musicallyapp
#tuttingchallenge Song: Girl in the Mirorr #musically #musicallyapp
Une vidéo publiée par The best Musical.ly's✨[17k] (@wirliebenmusically) le 2 Juil. 2016 à 3h10 PDT
L'effet de mode dépasse donc celui de Dubsmash et ses selfies en play-back, aujourd'hui oublié? Coline est formelle:
« «Rien à voir. C’est devenu un truc de ouf : il y a même des Youtubeurs qui montrent comment faire de bons Musical.ly» »
Des YouTubeurs qui s’y intéressent : la consécration suprême…. Coline cite Sulivan Gwed – 16 ans, a commencé à 13 ans, plus d’un million d’abonnés… - qui le 28 juin, évoquait ceux pour lesquels « tout est parfait, genre c’est en mode tu fais des vagues et tout » :
A chaque nouveau réseau ses « stars »
En parcourant les vidéos les plus populaires, difficile de ne pas lui donner raison. Même si les effets (d’accélération, notamment) aident beaucoup, il y a du level (a-t-on encore le droit de dire ça si on est né avant 1990? On tente).
A chaque nouveau réseau, ses « stars », et Musical.ly ne fait pas exception. Après celles de YouTube ou de Vine, voici celles made in Musical.ly. La plus grande utilisatrice a 15 ans et dix millions de fans qui la connaissent comme « Baby Ariel ». « J’y suis deux à trois heures par jour », explique l’ado américaine à Tech Insider qui lui consacrait un long portrait fin juin.
Autres « figures » de l’appli, les jumelles allemandes aux visages de poupées, sortes de soeurs Olsen ados, Lisa et Lena, 15 ans, qui cumulent 5 millions de fans depuis Stuttgart, où elles vivent une célébrité soudaine à l’école et postent chaque vidéo après l'avoir montrée à leurs parents :
« »
#Twins
Un bémol de Lilika, 10 ans, cependant: « Tout le monde les adore mais elles ont liké 0 personnes, j’ai vérifié hier. C’est pas très gentil ».
Selena Gomez et Ariana Grande en promo
L’appli accueille également des « vineurs » en migration (l’appli ne cesse de décliner) comme Jacob Sartorius et sa bouille de mini Justin Bieber, qui avait 900.000 fans sur Vine mais explose sur Musical.ly avec 7,5 millions de fans, et a même sorti son propre single, Sweatshirt… Sartorius vient de signer avec l’United Talent Agency, l’agence de Kanye West ou Michael Douglas.
Ou encore le vineur Cameron Dallas - qui aura bientôt sa série sur Netflix - et ses 7 millions de fans.
Une telle popularité ne pouvait laisser indifférente l'industrie de la musique. Les stars des ados n'ont pas tardé à rallier le mouvement: Selena Gomez, Jason Derulo ou Ariana Grande sont ainsi arrivés pour y faire leur promo, en proposant aux «musers» d'interpréter leurs chansons.
a« "Aujourd’hui, le lip-sync n'est plus l'essentiel. D'autres contenus émergent. Musical.ly se transforme en réseau social" »
Au-delà du ludique, un réseau social?
Le succès de Musical.ly retombera-t-il comme un soufflé, aussitôt les ados lassés? C’est possible, mais de moins en moins probable. Car le contenu se diversifie: les utilisateurs ne s’en servent plus que pour les clips. Toutes sortes de challenges se mettent en place. Leurs chanteurs fétiches s'y inscrivent. La messagerie se développe.
« Aujourd’hui, le lip-sync n'est plus l'essentiel. D'autres contenus émergent. Musical.ly se transforme en réseau social », promet le cofondateur Alex Zhu. C’est en partant de ce principe que l’entreprise a lancé Live.ly, discrètement en mai, puis en fanfare fin juin en profitant de la 7e édition du VidCon, le salon des Youtubeurs.
Le concept : exactement le même que Periscope. Des livestreams, des coeurs à droite de l'écran, des commentaires en direct...
Résultat ? 500.000 téléchargements en 4 jours. Un énorme succès, qui fait déjà de Live.ly une concurrente sérieuse pour Facebook, Twitter et YouTube, toutes positionnées ces derniers mois pour se disputer le très prometteur secteur de la vidéo en direct.