Japan Expo 2016: Qui sont les nouveaux lecteurs de mangas ?
BD•Trente ans après les premières publications de mangas en France, le lectorat a bien changé…Betteline Mimran & Olivier Mimran
Avec 1501 titres publiés en 2015 (soit près de 40 % des nouveautés BD), la France - pourtant berceau de la BD franco-belge - est le second plus grand « consommateur » de mangas après le Japon. Et si ce genre, proche de la BD, mais typiquement japonais, n’a réellement commencé à conquérir un large public que dans les années 1990 (avec, notamment, la publication d’Akira de Katsuhiro Otomo), il est désormais tellement ancré dans l’Hexagone qu’un événement - la Japan Expo - lui est spécifiquement dédié.
C’est d’ailleurs à l’occasion de l’ouverture prochaine de son édition 2016 que 20 Minutes s’est interrogé sur les mécanismes qui ont conduit à l’incroyable succès du manga en France, à commencer par la mutation de ses lecteurs.
À portée de bourse
Les mangas sont plus accessibles que les bandes dessinées traditionnelles. « Leur format compact est plus pratique, et leur prix est plus abordable », approuve Adrien, étudiant en informatique de 24 ans. Ce que nuance Manon, 23 ans, étudiante en géographie : « Le prix au détail correspond davantage aux moyens financiers des jeunes, mais les séries comportent généralement de nombreux numéros (Naruto, l’un des titres les plus populaires, compte par exemple 72 tomes en français) et en acheter l’intégralité revient finalement très cher ». Son rythme de publication soutenu pouvant devenir un inconvénient à la longue : « Certaines séries sont en effet produites sur des décennies, à raison d’un volume tous les deux mois », confirme Adrien.
La fin justifie les moyens ?
L’explosion du web a révolutionné les usages des fans de manga : pourquoi attendre une version payante qu’on peut, si l’on n’est pas trop regardant sur la qualité, télécharger tout de suite ? Grégoire Hellot, directeur éditorial des éditions Kurokawa, assure que les éditeurs en tiennent désormais compte en mettant en place des « parades » : « Puisque tout est disponible sur Internet, le but est de donner aux lecteurs quelque chose qu’ils n’obtiendront jamais sur un écran : un bel objet, des pages bonus, des contenus inédits… ».
Des visiteurs de Japan Expo 2015 se reposent au Manga Café © Japan Expo Nord 2016
Ça marche, manifestement, puisque les lecteurs d’aujourd’hui n’ont jamais été aussi assidus. « Beaucoup de fans de manga viennent systématiquement dans la semaine de la sortie de leur titre préféré, et nous en demandent régulièrement les dates précises de publication pour être sûrs de ne manquer aucun numéro », souligne Julien Cespedes, cogérant de la librairie parisienne La Dimension Fantastique ; ce que valide Grégoire Hellot : « Dans les années 90 jusqu’en 2002-2003, il y avait peu de lecteurs qui achetaient tout de manière avide, alors qu’aujourd’hui il y a plus de lecteurs, mais qui se concentrent sur des séries populaires ».
Dans tous les sens
La tâche ne leur est pourtant pas facilitée, car si les mangas de 1990 étaient publiés dans le sens de lecture occidental, ils le sont désormais (surtout pour des raisons économiques) dans le sens de lecture japonais, soit de droite à gauche. « Même pas peur », semblent s’exclamer les jeunes là où leurs aînés auraient poussé des cris d’orfraie. « Bon, c’est un peu déstabilisant au début, reconnaît Manon, mais on s’y fait vite ». Pour Adrien, c’est même « devenu inné pour la jeune génération, qui n’y voit aucun obstacle ».
Une invasion bienvenue
Du coup, les publications de nouveautés en version française (mais dans le sens de lecture original, si vous avez suivi) adoptent, depuis 2000, une courbe exponentielle. On trouve désormais du manga partout, dans les hypermarchés comme dans les plus petites librairies de quartier, où les nouveautés telles L’Attaque des Titans, One Punch-Man ou My Hero Academia cartonnent littéralement. Julien Cespedes assure ainsi que le manga représente carrément 1/5e de son fonds global. Impensable, il n’y a pas si longtemps…
La passion des « nouveaux » lecteurs de mangas est désormais totalement assumée. « C’est dû au fait qu’un manga n’est plus diabolisé aujourd’hui », selon Grégoire Hellot. « Jadis, les médias mettaient jeux vidéo et mangas au bûcher avec les jeux de rôles et les films gores, arguant du fait qu’ils rendaient les enfants fous et violents ; aujourd’hui les quadragénaires, c’est-à-dire la génération Goldorak et Candy (diffusés en 1978) sont eux-mêmes devenus parents et sont bien conscients que le divertissement japonais ne les a pas transformés en brutes asociales ». En récoltant les fruits de ce constat, leurs enfants assurent désormais un avenir toujours plus radieux pour le manga en France.
Japan Expo 2016 - du 7 au 10 juillet, au Parc des expositions de Paris-Nord Villepinte