Bières, flûtes et chant gueulé… Le metal assume ses outrances
MUSIQUE•Alors que le Hellfest bat son plein, notre journaliste poursuit sa semaine d'apprentissage de la musique metal pour mieux en parler dans ses articles…Benjamin Chapon
Le Hellfest, ce week-end, signe la fin de mon apprentissage metal (si vous n’avez pas suivi, il faut lire cet article-là). Quand mes coachs m’ont conseillé de « me faire plaisir » en essayant de partir à la découverte de groupes qui me plaisent, j’ai opté pour des albums de groupes étiquetés « inclassables ». S’en est suivi un gros coup de cœur pour Jethro Tull et ses mélodies à la flûte. J’aime beaucoup aussi Porcupine Tree. Déjà, au Download Festival, à Paris, les concerts de Last Train et Rival Sons m’avaient bien plu.
Ces groupes ont en commun de ne pas représenter la frange franchement bourrine du metal. J’imagine qu’on ne se refait pas. L’objectif de l’opération n’était pas de devenir un fan mais d’en apprendre plus sur cette musique. Néanmoins, plus on en apprend sur une musique, plus on en vient à l’apprécier.
Le dessinateur Boulet a produit une excellente Note sur ce sujet, sur son blog, intitulée Ma pizza metal, à propos de l’insoluble équation sur l’origine des goûts.
Un bon début
Avant de terminer ma formation en beauté au Hellfest, mon coach es metal, Christian Lamet, m’avait conseillé « d’aller boire des bières » dans un bar metal de Paris.
Direction le Dr Feel Good, où je retrouve Stéphane Buriez, chanteur de Loudblast. C’est l’happy hour, la pinte au prix du demi… En plus d’être chanteur et fin connaisseur de l’histoire du metal, Stéphane présente l’émission Une dose 2 metal sur L’énorme TV. Il salue mon initiative de vouloir en savoir plus sur le metal pour progresser en tant que journaliste. « Le metal, c’est un enseignement, un cheminement. On est tous tombés dans la marmite tout petit. Ceux de ma génération ont commencé par le hard rock puis ont commencé à écouter du heavy metal. Dans les années 1980-1990, le son s’est durci. Avec Slayer et Metallica, tout a changé. Je ne crois pas qu’on puisse rattraper tout ça en une semaine mais c’est un bon début. »
Stéphane Buriez est en revanche dubitatif sur la possibilité que mon prochain article sur le sujet fasse l’unanimité dans la communauté metal. « Parce qu’on est tout simplement beaucoup plus fans de musique que la moyenne. Le metal, c’est une musique pour vrais fans de musique. C’est une musique qui s’écoute vraiment, soit en concert soit au casque, mais pas en faisant la vaisselle ou en papotant. Le metal, ça s’écoute au calme, si j’ose dire. »
Pas vu à la télé
« Le succès du Hellfest a popularisé le genre. Tout le monde aime ce festival franchement, tout simplement parce qu’il est génial. Les groupes adorent y aller. Et ça se sait. Dans le sillage du Hellfest, d’autres festivals plus petits se sont créés. C’est une très bonne dynamique. Et ça, les médias généralistes le remarquent et se penchent sur le phénomène, parfois de manière maladroite mais c’est déjà ça. »
Le chanteur a ainsi été suivi par Télérama à Budapest pour un reportage sur… la place du metal à la télé. « Il y a des reportages sur le metal, des analyses du phénomène, des articles sur la communauté des fans… Mais il n’y a pas de musique à la radio ou à la télé. Heureusement qu’il y a les web radios ou les sites spécialisés pour exposer les artistes. Mais c’est presque du bouche-à-oreille. »
Des clichés pour avoir la paix
Mais le monde du metal souhaite-t-il s’ouvrir au grand public. Stéphane Buriez a son opinion sur la question : « J’aime beaucoup le rap. De nombreux fans de metal aiment l’énergie et le discours du hip-hop, mais pas du hip-hop grand public. Le fait que le rap soit devenu grand public et commercial n’est pas spécialement un bien de mon point de vue, parce que ça attire des artistes qui desservent le genre. » D’une certaine manière, le metal se préserve de ça en assumant, voir en entretenant certains clichés, certaines postures extrémistes. « Une partie de la musique metal est difficile d’accès, demande un effort, confirme le chanteur. Et il y a des groupes, et des fans, qui jouent des personnages, qui sont dans une outrance. Tout ça a un sens quand on prend la peine d’essayer de comprendre la démarche. Mais c’est vrai que ça tient éloigner pas mal de monde. Les métaleux entretiennent peut-être certains clichés pour avoir la paix. »
Pourtant, je peux témoigner de l’accueil unanimement enthousiaste que m’ont fait les lecteurs et interlocuteurs fans de metal. Il me reste à confronter ma courte éducation au metal à l’épreuve du feu : un reportage sur le Hellfest. A suivre (et ce sera la fin).