Pourquoi on ne redescend pas facilement du trip Alice aux pays des merveilles
HALLU•Avec le spectacle « Wonder. land » de Damon Albarn, « 20 Minutes » vous donne six raisons de l’engouement ininterrompu pour la petite héroïne de Lewis Carroll…Betteline Mimran
Cette semaine, c’est Damon Albarn, compositeur des groupes Blur et Gorillaz, qui nous fait revisiter l’histoire d’Alice aux pays des merveilles sous forme d’un opéra rock Wonder. land, à l’affiche du théâtre du Chatelet jusqu’au 19 juillet à Paris. Le spectacle fait rencontrer au public une Alice de nos jours, collée à son écran de portable, qui subit la pression de pimbêches de son école, dont les parents sont séparés et qui a l’impression que son petit frère lui pique sa place…
Du coup Alice trouve refuge dans un jeu (Wonder. land) qui se fige sur l’histoire de Lewis Carroll. Les spectateurs s’en prennent plein la vue et les oreilles tant les effets spéciaux sont poussés et les comédiens brillants. Avec cette question ; le pays des merveilles serait-il aujourd’hui dans le monde virtuel ?
a« J’ai trouvé fascinant qu’un homme comme Lewis Carroll, prof à Oxford, fou de logique et de mathématiques, puisse avoir cette relation un peu déroutante avec une petite fille, et inventer cette histoire étonnante, raconte Damon Albarn. Est-ce une allégorie, un pur divertissement, ou en dit-elle beaucoup plus long qu’on ne pourrait le croire ? Si on replace ça dans le contexte des idées actuelles sur les relations entre adultes et enfants, c’est déconcertant ». Déconcertant, mais passionnant. Et cela fait cent cinquante ans que ça dure… 20 Minutes vous explique pourquoi en six points…
1- Un dessin animé complètement frappé
En 1951, pour son 17e long-métrage d’animation, Walt Disney mêle à la fois Les Aventures d’Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir, la suite écrite par Lewis Carroll.
A l’arrivée, le dessin animé, totalement fou, est jugé « trop décalé » par le public de l’époque et c’est un flop. Il faut attendre 1960 et l’émergence du mouvement hippie à San Fransisco aux Etats-Unis pour qu’Alice séduise enfin.
2- Un trip hallucinogène
Le pays des merveilles est psychédélique avec sa chenille qui fume le narguilé, ses chansons délirantes et ses petits gâteaux qui vous font changer de taille… Bref, les hippies y voient aussi un trip hallucinogène, eux qui, après la guerre du Vietnam, fondent une communauté autonome où la prise de LSD est un moyen de « passer de l’autre côté du miroir » et de fuir la réalité ; n’est-ce pas aussi le cas d’Alice ? C’est à Woodstock en 1969 que le groupe Jefferson Airplane adapte l’histoire et la rend populaire avec son titre White Rabbit.
3- Une matière psychanalytique
Le dessin animé de Disney devient la parfaite représentation de la libération de l’inconscient. En 1966, Jacques Lacan s’empare du récit de Carroll pour en faire une psychanalyse lors d’une émission de France Culture. Il expliquait alors que l’œuvre « produit un malaise dont il découle une joie singulière ». Les interprétations sexuelles pullulent…
4- La culture de l’ambigüité
C’est au cours d’une balade en barque avec Alice Liddell, Edith, Lorina et un de ses collègues de l’université d’Oxford où il enseigne les mathématiques, que Charles Lutwige Dogston (Lewis Carroll), invente son histoire. Alice devient sa muse et certains imaginent des choses qui (ne) se sont peut-être (pas) passées…
« Quand on connaît l’origine de l’histoire, il traîne une ambivalence sulfureuse autour de Lewis Carroll et c’est ce qui m’a intéressé, raconte Benjamin Lacombe à 20Minutes ». Illustrateur jeunesse réputé, lui aussi aime mettre l’accent sur la folie et l’étrange lorsqu’il représente Alice, comme lors du dernier Salon du Livre Jeunesse de Montreuil. « D’où mon lapin aux yeux rouges, car à mon sens il est tout sauf adorable dans le récit, estime Benjamin Lacombe. Il a un côté complètement hystérique et sournois… J’ai donc voulu représenter cette folie de manière graphique. »
5- Une force cinématographique
En 2010, c’est Tim Burton qui réalise Alice aux pays des merveilles pour les studios Walt Disney Pictures. La représentation du paysage fantasmagorique est assez fidèle au roman et un deuxième opus sort ce 1er juin 2016 Alice de l’autre côté du miroir.
6- Une enfant pour l’éternité
« Alice ne vieillit pas car le roman traite de questions universelles, confie Sylvie Vassallo, la directrice du Salon du Livre de la Jeunesse, à 20Minutes. C’est un parcours initiatique, où le rapport à l’enfance est juste et touchant, d’où le fait que les adultes et les enfants s’y retrouvent. C’est aussi ce qui explique toutes ses adaptations et ré-illustrations, cette histoire suscite sans cesse l’imagination et de nombreux visages lui sont donnés ». Ainsi, Alice influence la mode. En 2010, vous avez dû voir les vitrines du Printemps, sur le boulevard Haussman à Paris, qui exposait des tenues de créateurs comme celles d' Alexander McQueen. Deux ans plus tard, Alice est de nouveau revisitée, cette fois par le jeu vidéo. Spicy Horse crée une version beaucoup plus dark d’Alice avec Alice : Madness returns (Alice : retour au pays de la folie).
« A mon sens, Alice se démarque par sa dimension contemporaine car même si ses illustrations sont différentes, on retrouve les mêmes grandes scènes, qui elles, sont intemporelles », estime encore Sylvie Vassallo.
Et nous, on vous donne rendez-vous dans cinquante ans pour les 200 ans de la fillette…