PRESSEJournaliste, sa signature est son image de marque

Comme toutes les marques, les journalistes doivent travailler leur signature

PRESSEUn expert en typographie donne des conseils pour créer une signature de journaliste...
.benjamin chapon.

.benjamin chapon.

Les journalistes doivent devenir des marques. C’est admis. Pour survivre face à la profusion d’informations véhiculées par les réseaux sociaux, les théoriciens de l’information de demain affirment que la figure du journaliste doit « s’incarner ». Le citoyen informé de demain donnera sa confiance autant à des titres de presse qu’à des individus, identifiés, identifiables. Le terme « marque » est un peu choquant, bien sûr. Faisons fi, pour un moment, de nos vieilles lunes anarcho marxistes et admettons : je suis une marque. Let’s go self-branding.

Si je suis une marque, il me faut un logo.

Direction be-pôles « studio dédié à la représentation graphique des marques ». La boîte d’Antoine Ricardou et Clémentine Laroumet, deux petits génies de la typographie ont créé les signatures de marques comme Louis Vuitton, La Maison Plisson, Le Silencio, Isabel Marant, le Théâtre des Champs-Elysées, agnes b., Fondation Pierre Bergé Yves Saint-Laurent etc...

Le studio be-poles a travaillé pour la marque de chocolat de Cyril Lignac
Le studio be-poles a travaillé pour la marque de chocolat de Cyril Lignac - be-poles

On a donc demandé à Antoine Ricardou de travailler sur la signature de la marque Benjamin Chapon (l’auteur de cet article, ndlr). Tout simplement ( pour les commentaires haineux sur les journalistes autocentrés, merci d’adresser vos courriels au directeur de la rédaction, Acacio Pereira).

Oublier les polices Word, en vrai, la typographie est un art pauvre

« C’est quoi l’identité d’un journaliste ? Il faut exprimer la notion de temps. Il faut aussi évoquer qui tu es, et tes points de contacts… » Antoine Ricardou se creuse les méninges puis nous fait un rapide cours d’histoire de la typographie. « La typographie est un art très pauvre. Depuis 20 ans, il y a eu une typographie exponentielle à la disposition de tout le monde avec les traitements de texte. Mais autrefois, acheter une typo était un gros investissement, il fallait que ce soit un acte réfléchi, porté par une vision. Tout ça a défini une culture… Regarde, en Bourgogne, au XIXe siècle il y avait deux imprimeurs qui avaient deux jeux de casse chacun. Toutes les maisons de vin allaient chez eux pour leurs étiquettes. Idem dans le Bordelais. Nous, on a voulu revenir à ça, à cette économie-là. On édite peu de fontes. De casses, si tu préfères. On utilise peu de typo mais en ayant étudié leur emprise sur leur période. »

OK.

Et le rapport avec Benjamin Chapon ? Oui parce que quand même…

« Le digital a tout pété mais à la base, la typographie, c’est l’art d’utiliser ce qu’on a sous la main, d’utiliser les familles de fonte dans des contextes justes. Or, dans le cas d’un journaliste, il faut penser au contexte où sera utilisée sa signature. Le logo « Benjamin Chapon » et « Benjamin Chapon » dans un texte, ça doit pouvoir être la même chose. Tu ne vas pas signer avec une image comme ces mecs avec un jpeg de 4ko à la fin de leur mail. Ridicule… »

Alors, tout ça, on oublie ? Parce que j’avais un peu bossé quand même.

Notre journaliste cherche une signature en pleine descente d'acide
Notre journaliste cherche une signature en pleine descente d'acide - B.Chapon/20Minutes

« Il faut penser à la solidité de cette signature sur tous les supports numériques, explique Antoine Ricardou. Si on croise toutes les contraintes, il ne reste pas énormément d’options. La plupart des sites et applications ont leur propre typo, comme Twitter par exemple, que tu ne peux pas modifier. Le site de 20 Minutes aussi à sa typo, tout comme Gmail. En gros, il faut une signature qui passe aussi bien sous Android que OS. Ça ne laisse pas beaucoup de choix mais ça permet de toucher à l’universalité. »

« Il y a aussi les contraintes de sens. Il faut que la signature signale le sérieux, l’éthique de l’auteur, mais aussi son rôle d’éditorialisation. Un journaliste, c’est quelqu’un qui donne une valeur aux mots, par opposition à la vidéo. La question du temps revient aussi. On peut l’évoquer avec des espaces, des tirets, des points… On peut dire beaucoup de choses avec uniquement les espaces entre les lettres. »

Mot-dièse NoDesign

Etonnament, le défi semble sincèrement intéresser Antoine Ricardou. « Au studio, on essaye toujours que la performance graphique soit réduite au minimum. On se met au service du message, pas de notre performance. Pour plaisanter, on dit toujours entre nous « no design ». Le design, c’est de la performance au service de l’ego. Pour trouver cette signature, on a besoin d’intelligence, pas de connaissance en graphisme, parce qu’on travaille avec des possibles très restreints. Si on a la bonne intelligence, on va faire la bonne réponse là où un graphiste va peut-être se perdre. »

Le brainstorming commence. « Il faut te trouver un truc pérenne, qui ne fasse pas marrer tes gosses dans dix ans. » Exit donc les @ et les # ? « Et pourquoi pas 3615BenjaminChapon ? Haha… Non. Plus personne n’utilise les arobases et les hashtags, c’est mort, comme les www. Même Twitter est en train de faire disparaître les hashtags. Il ne faut surtout pas chercher à être dans la mode. Etre au bon endroit au bon moment, ce n’est pas bon parce que ça veut dire qu’il faut changer tout le temps. Nos clients, on ne veut pas les voir revenir au bout de dix ans pour changer d’identité visuelle. »

A ce moment-là, on aurait pu interroger Antoine Ricardou surla notion d’obsolescence programmée et sur le modèle économique de sa boîte mais on a préféré rester focus sur notre cas personnel. « Il faut éviter les très mauvais jeux de mots avec les nombres, genre Rom1 pour Romain. » J’ose un « Et pourquoi pas un emoji ? -… Bon, restons sérieux s’il te plaît, on bosse là. »

Plusieurs pistes sont alors abordées. En vrac :

benjaminCHAPON
BEnjamin. CHapon
.benjamin chapon.
B ://C
be C.
B, C
-B C-
-be_CH

Après quelques jours de réflexion, sur son temps libre, entre deux avions pour New York, Antoine Ricardou nous propose, comme ça, à l’œil (la presse est en crise, le saviez-vous ?), plusieurs idées de signature avec initiales ou nom complet.

Les propositions de signatures imaginées par Antoine Ricardou, du studio be-poles, pour notre journaliste
Les propositions de signatures imaginées par Antoine Ricardou, du studio be-poles, pour notre journaliste - Antoine Ricardou
Les propositions de signatures imaginées par Antoine Ricardou, du studio be-poles, pour notre journaliste
Les propositions de signatures imaginées par Antoine Ricardou, du studio be-poles, pour notre journaliste - Antoine Ricardou

Pour savoir sur quelle proposition s’est finalement porté mon choix, il suffit de remonter en haut de cet article.

Typographiquement vôtre.

.bc