Resident Advisor, de bottin mondain à bible des musiques électroniques
MUSIQUE•Le site de référence des musiques électroniques est devenu l’acteur central du secteur...Benjamin Chapon
«Si t’es pas dans RA, t’es personne. » RA n’a rien à voir avec le dieu égyptien du soleil (encore que…). Derrière ces initiales se cache Resident Advisor, bible numérique des musiques électroniques, magazine en ligne qui fait la pluie et le beau temps (d’où le lien avec Râ du coup…) dans les clubs du monde. Les articles très pointus, les interviews archi-poussées et, surtout, les classements annuels des meilleurs DJ, labels ou soirées, sont scrutés par tous les adeptes du genre. Né en Australie, en 2001, RA est désormais basé à Londres et a aussi des bureaux à Berlin, Los Angeles, Sydney, Tokyo… Et des centaines de contributeurs dans le monde entier.
Outre des articles, Resident Advisor propose un service de billetterie pour d’innombrables soirées clubbing dans le monde, souvent en exclusivité. Les clubs eux-mêmes nourrissent la base de données de RA qui, bien sûr, touche une commission sur chaque entrée vendue. Sur certaines soirées, une écrasante majorité des billets sont vendus sur RA.
Paris conquis
En avril, la péniche Concrete, à Paris, qui propose les soirées les plus courues de la capitale, donnait carte blanche à Resident Advisor pour la programmation de ses quatre week-ends. Il ne faut pas s’y tromper. C’est bien RA qui fait honneur à Concrete et non l’inverse. La tournée mondiale des clubs de RA est un mètre étalon pour juger quels clubs comptent. Concrete a touché là le Graal.
De média spécialisé, RA est donc devenu l’acteur pivot du secteur des musiques électroniques. Le site s’autorise même à faire pression sur le nouveau maire de Londres pour qu’il prenne des mesures en faveur de la scène club locale. Fraîchement élu, Sadiq Khan a obtempéré, s’engageant à sauver « la scène locale iconique »…
Crédibilité plutôt que coolitude
La success story de RA fait penser au développement de Pitchfork. Le blog musical, puis site, de chroniques de disques de rock indé était lui aussi devenu incontournable, puis avait ouvert des bureaux un peu partout aux Etats-Unis avant de créer son propre festival, dans plusieurs villes, dont Paris.
Resident Advisor devra se prémunir de l’ornière mainstream dans laquelle certains contempteurs de Pitchfork estiment qu’il est tombé. « La ligne éditoriale de RA est très pointue », estiment en chœur les équipes d’artistes électro qui y sont chroniqués. « Quand on veut être un peu sérieux, on ne peut envisager une soirée sans un DJ du Top 100 de RA », nous glisse les organisateurs de soirées parisiennes. « Un classement RA, ça fait et défait les carrières, estime Fabrice Desprez, créateur de l’agence Phunk. Le site a une force de frappe délirante tout en affirmant un goût affiné, très pointu. Ils sont plus sur le créneau de la crédibilité que sur celui du cool ou du fun. Des musiques trop simplistes, ça ne va pas leur plaire. »
RA partout, tout le temps
Lucie Chérubin, attachée de presse de l’agence HAÏKU, qui organise les soirées du même nom, confirme : « Nous, on a la volonté de faire des soirées cinq étoiles avec le top des meilleurs DJ. C’est notre marque de fabrique. Alors oui, bien sûr, notre line-up se retrouve en grande majorité dans les tops Resident Advisor. De toute façon, quand on parle de DJ de qualité, des très gros aux moins connus, ils sont tous référencés par le site. Ils sont vraiment hyper complet, c’est dingue. »
En France, et surtout à Paris, où la scèneEDM (pour Electro Dance Music), qui remplit des stades aux Etats-Unis, n’a jamais vraiment pris. L’impact de Resident Advisor est encore plus net. Paris est la quatrième ville au monde en nombre de connexions au site dont le positionnement esthétique séduit les plus jeunes amateurs de musiques électroniques, ceux qui remplissent les clubs. A tel point que les dirigeants du site envisagent d’ouvrir un bureau à Paris.